Jésus-Christ
Chapitre 21 — Béthesda et le sanhédrin
Ce chapitre est basé sur Jean 5.
“Or, à Jérusalem, près de la porte des Brebis, il y a une piscine qui s’appelle en hébreu: Béthesda, et qui a cinq portiques. Sous ces portiques était couchée une multitude de malades, d’aveugles, de boiteux, d’estropiés, de paralytiques, qui attendaient le mouvement de l’eau.” JC 183.1
A certains moments les eaux de cette piscine étaient agitées, chose que l’on attribuait communément à une force surnaturelle; on pensait que le premier qui entrait dans l’eau troublée avait l’occasion d’être guéri de n’importe quelle maladie. Ce lieu était visité par des centaines de personnes souffrantes; les gens se pressaient en si grand nombre dès que l’eau était troublée qu’en se précipitant ils foulaient aux pieds hommes, femmes et enfants plus faibles. Beaucoup ne parvenaient jamais à s’approcher de la piscine, ou, s’ils arrivaient à l’atteindre, ils mouraient sur ses bords. On avait dressé des abris pour protéger les malades contre la chaleur du jour et la fraîcheur de la nuit. Il en était qui passaient la nuit sous les portiques, rampant jusqu’au bord de la piscine jour après jour, dans le vain espoir d’être guéris. JC 183.2
Jésus se trouvait de nouveau à Jérusalem. Il marchait tout seul, apparemment absorbé dans la méditation et la prière, et il arriva à la piscine. Il vit ces malheureux attendant avec anxiété ce qu’ils considéraient comme leur unique chance de guérison. Il désirait ardemment employer son pouvoir de guérison, mais c’était le sabbat. Des foules se rendaient au temple pour y adorer, et il savait qu’une opération de guérison exciterait les préjugés des Juifs et pourrait interrompre son activité. JC 183.3
Le Sauveur aperçut un cas particulièrement pitoyable. Il s’agissait d’un homme paralysé depuis trente-huit ans. Sa maladie, conséquence de ses péchés, était considérée comme un jugement divin. Seul et sans amis, avec le sentiment d’être privé de la grâce de Dieu, cet infirme avait vécu de longues années de misère. Ceux qui le prenaient en pitié le portaient sous les portiques quand on prévoyait que les eaux allaient être troublées, mais au moment favorable personne n’était là pour l’aider. Il avait vu le mouvement des eaux mais n’avait jamais pu aller plus loin que le bord de la piscine. D’autres, plus forts que lui, le devançaient dans l’eau. Impossible de lutter avec succès contre une foule égoïste et acharnée. Les efforts poursuivis avec obstination pour atteindre le but, et les nombreuses déceptions finiraient bientôt par épuiser les forces défaillantes du malade. JC 184.1
Celui-ci gisait sur sa natte, dressant la tête de temps en temps pour surveiller la piscine, et voici qu’un visage tendre et compatissant se pencha sur lui et une voix lui dit: “Veux-tu retrouver la santé?” Son attention fut éveillée et l’espoir reprit place dans son cœur. Il eut le pressentiment qu’un secours allait lui arriver. Mais son courage ne tarda pas à s’évanouir, car il se souvint que bien souvent il avait tenté d’atteindre la piscine; il lui semblait n’avoir que peu de chances de vivre assez longtemps pour voir l’eau agitée. Aussi répondit-il, d’un air plein de lassitude: “Seigneur, je n’ai personne pour me jeter dans la piscine quand l’eau est agitée, et pendant que j’y vais, un autre descend avant moi.” JC 184.2
Au lieu d’exiger la foi en sa personne, Jésus dit simplement à l’infirme: “Lève-toi, ... prends ton lit et marche.” Cet homme s’est emparé de cette parole par la foi. Chaque nerf, chaque muscle éprouve le frémissement de la vie, les membres perclus recouvrent la santé. Sans hésiter il décide d’obéir à l’ordre du Christ, et tous ses muscles se montrent dociles. Il saute sur ses pieds et se trouve prêt à agir. JC 184.3
Jésus ne lui avait pas promis une aide divine. Cet homme aurait pu commencer à douter, ce qui lui eût ôté sa seule chance de guérison. Mais il fit confiance à la parole du Christ et il fut fortifié alors qu’il agissait en conséquence. JC 184.4
Une même foi peut nous assurer la guérison spirituelle. Le péché nous a séparés de la vie divine. Nos âmes sont paralysées. Aussi vrai que cet impotent était incapable de marcher, nous sommes incapables, de nous-mêmes, de vivre une vie sainte. Ils sont nombreux ceux qui sentent leur impuissance et soupirent après une vie spirituelle qui rétablisse leur communion avec Dieu; ils font de vains efforts pour atteindre ce but. Le désespoir leur arrache ce cri: “Malheureux que je suis! Qui me délivrera de ce corps de mort?”1 Ces âmes qui luttent dans le découragement doivent regarder en-haut. Le Sauveur s’incline sur ces êtres dont il a payé le rachat par son sang et leur demande avec une tendresse et une pitié inexprimables: “Veux-tu retrouver la santé?” Il leur ordonne de se lever en possession de la santé et de la paix. N’attendez pas de sentir que vous êtes guéris. Croyez à sa parole et elle s’accomplira. Placez votre volonté du côté du Christ. Décidés à le servir, agissant d’après sa parole, vous recevrez la force nécessaire. Quelle que soit la mauvaise habitude, la passion maîtresse qui trop longtemps a dominé sur votre âme et sur votre corps, le Christ peut et veut vous délivrer. Il communiquera la vie à celui qui est mort par ses fautes.2 Il délivrera le captif enchaîné par sa faiblesse, son malheur et son péché. JC 185.1
Le paralytique guéri se baissa pour ramasser son lit, qui consistait simplement en une natte et une couverture, et s’étant redressé avec une sensation délicieuse il chercha du regard son libérateur, mais Jésus s’était perdu dans la foule. Aurait-il l’occasion de le rencontrer de nouveau, il craignait de ne pas le reconnaître. Poursuivant son chemin d’un pas ferme et joyeux, il rencontra plusieurs pharisiens auxquels il raconta sa guérison. Il constata avec surprise la froideur avec laquelle ils accueillaient son récit. JC 185.2
Fronçant les sourcils, ils l’interrompirent pour lui demander pourquoi il transportait son lit un jour de sabbat. Ils lui rappelèrent avec sévérité qu’il n’était pas permis de porter des fardeaux le jour du Seigneur. Dans sa joie, cet homme avait oublié que c’était le sabbat; néanmoins il ne pouvait se reprocher d’avoir obéi à l’ordre de celui qui avait déployé une telle puissance d’origine divine. Il répondit donc avec hardiesse: “Celui qui m’a rendu la santé m’a dit: Prends ton lit et marche.” Quand on lui demanda qui avait fait cela, il fut incapable de répondre. Ces chefs savaient fort bien qu’un seul s’était montré capable d’accomplir un tel miracle; cependant ils désiraient une confirmation qui leur permît de condamner Jésus comme violateur du sabbat. A leurs yeux il avait transgressé la loi en guérissant le malade un jour de sabbat; plus que cela, il s’était rendu coupable de sacrilège en lui donnant l’ordre d’emporter son lit. JC 185.3
Les Juifs avaient perverti la loi et en avaient fait un joug insupportable. Par leurs exigences absurdes ils étaient passés en proverbe chez les nations. Une haie de restrictions déraisonnables entourait le sabbat. Cette institution avait cessé de faire leurs délices, comme une chose honorable, consacrée au Seigneur. Par la faute des scribes et des pharisiens, l’observation de ce jour était devenu un fardeau insupportable. Il n’était pas permis à un Juif d’allumer un feu, même pas une chandelle, le jour du sabbat. Il en résultait qu’ils devaient s’adresser à des païens et leur demander des services que leurs propres règles leur défendaient d’accomplir. Ils ne voyaient pas que si ces actes étaient entachés de péché ceux qui les exigeaient de leurs employés étaient aussi coupables que s’ils les avaient accomplis eux-mêmes. Ils s’attribuaient l’exclusivité du salut, en tant que Juifs, et se disaient que puisque la condition des autres était désespérée rien ne pouvait l’empirer. Mais Dieu n’a donné aucun commandement qui ne puisse être observé par tous. Sa loi ne sanctionne aucune restriction déraisonnable ou égoïste. JC 186.1
Jésus rencontra dans le temple l’homme qu’il avait guéri. Celui-ci y était venu apporter un sacrifice pour le péché et un sacrifice d’actions de grâces en raison de la grâce immense dont il avait été l’objet. Le voyant parmi les adorateurs, Jésus se fit connaître et lui adressa ces paroles d’avertissement: “Voici, tu as retrouvé la santé, ne pèche plus, de peur qu’il ne t’arrive quelque chose de pire.” JC 186.2
En rencontrant son libérateur, la joie de ce miraculé fut à son comble. Sans se rendre compte de la haine dont Jésus était l’objet, il s’empressa de le désigner aux pharisiens qui l’avaient interrogé, comme l’auteur de sa guérison. “C’est pourquoi les Juifs poursuivaient Jésus, parce qu’il faisait cela pendant le sabbat.” JC 187.1
Jésus fut amené devant le sanhédrin sous l’accusation d’avoir violé le sabbat. Si à ce moment-là les Juifs avaient été indépendants, cette accusation eût suffi pour justifier sa condamnation à mort. Assujettis aux Romains, ils ne pouvaient réaliser leur dessein. Les Juifs n’étaient pas autorisés à infliger la peine de mort et les accusations formulées contre le Christ ne pouvaient être prises en considération par un tribunal romain. On espérait toutefois atteindre d’autres buts. En dépit d’une vive opposition, l’influence du Christ s’étendait de plus en plus, même à Jérusalem. Des quantités de gens qui ne prêtaient aucune attention aux harangues des rabbins étaient attirés par son enseignement. Ses paroles, qui étaient à la portée de leurs intelligences, réchauffaient et réconfortaient leurs cœurs. Il leur présentait Dieu non comme un juge vengeur, mais comme un tendre père, et lui-même réfléchissait l’image de Dieu dans sa vie. Ses paroles faisaient l’effet d’un baume sur les esprits meurtris. Autant par ses paroles que par ses œuvres de miséricorde il brisait le joug des vieilles traditions et des commandements humains qui pesait sur eux; il leur présentait l’amour de Dieu dans sa plénitude inépuisable. JC 187.2
On lit dans l’une des plus anciennes prophéties messianiques: “Le sceptre ne sera point enlevé à Juda et le bâton du commandement n’échappera pas à son pouvoir, jusqu’à ce que vienne le Pacifique, auquel les peuples obéiront.”3 Le peuple s’apprêtait à obéir au Christ. Les foules accueillaient d’un cœur bien disposé les leçons de charité et de bienveillance qu’elles préféraient aux cérémonies rigides exigées par les prêtres. Sans l’opposition des prêtres et des rabbins, son enseignement eût produit une réforme jamais vue auparavant. Pour maintenir leur pouvoir les chefs décidèrent de réduire à néant l’influence de Jésus. Sa comparution devant le sanhédrin, suivie d’une condamnation de ses doctrines, eût contribué à atteindre ce but, étant donné le respect dont les conducteurs religieux étaient encore entourés. C’était se rendre coupable de blasphème et de trahison que de rejeter les exigences rabbiniques ou même de tenter d’alléger le fardeau qu’elles faisaient peser sur le peuple. Les rabbins espéraient donc créer une atmosphère de suspicion autour du Christ. Ils l’accusaient d’essayer de renverser les coutumes établies, de causer des divisions parmi le peuple et de préparer ainsi un asservissement complet aux Romains. JC 187.3
Mais les plans que ces rabbins mettaient tant d’ardeur à réaliser au moyen du sanhédrin avaient pris naissance dans un autre conseil. N’ayant pas réussi à vaincre le Christ au désert, Satan rassembla ses forces en vue de s’opposer à son ministère et de contrecarrer, si possible, son œuvre. Ce qu’il ne pouvait accomplir par ses efforts personnels il voulut le réaliser par des moyens stratégiques. Sitôt après le conflit du désert, il réunit ses anges en conseil et ensemble ils mûrirent des plans pour accroître l’aveuglement du peuple juif et l’empêcher de reconnaître son Rédempteur. Il conçut le dessein de mettre à l’œuvre des instruments humains dans le monde religieux, en leur inspirant la haine qui l’animait lui-même contre le champion de la vérité. Il se proposait de leur faire rejeter le Christ et de lui rendre la vie aussi difficile que possible, afin de le décourager et de le faire renoncer à poursuivre sa mission. C’est ainsi que les chefs d’Israël devinrent les instruments de Satan pour faire la guerre au Sauveur. JC 188.1
Jésus était venu pour “rendre sa loi grande et magnifique”. Loin d’en amoindrir la dignité, il voulait l’accroître. L’Ecriture déclarait: “Il n’aura ni défaillance ni découragement jusqu’à ce qu’il ait établi la justice sur la terre.”4 Il était venu pour libérer le sabbat des lourdes exigences qui en faisaient une malédiction plutôt qu’une bénédiction. JC 188.2
C’est pour cette raison qu’il avait choisi le sabbat pour opérer la guérison de Béthesda. Cette guérison eût pu se faire aussi bien un autre jour de la semaine et la guérison eût pu avoir lieu sans que l’ordre fût donné d’emporter le lit. Mais alors l’occasion cherchée par Jésus eût manqué. Un dessein plein de sagesse était à la base de tous les actes du Christ pendant sa vie terrestre. Chacun de ses actes revêtait une grande importance en rapport avec son enseignement. Parmi les malheureux assemblés près de la piscine il choisit le cas le plus désespéré pour exercer son pouvoir guérisseur; il ordonna à cet homme de porter son lit à travers la ville, publiant ainsi l’œuvre magnifique accomplie en sa faveur. Ceci susciterait la question de savoir ce qui est loisible de faire le jour du sabbat et Jésus aurait l’occasion de dénoncer les restrictions arbitraires imposées par les Juifs au jour du Seigneur et de proclamer la nullité des traditions. JC 189.1
Jésus leur fit savoir que l’acte de travailler au soulagement des affligés était en harmonie avec la loi du sabbat, en harmonie aussi avec le ministère des anges de Dieu qui font constamment la navette entre ciel et terre pour soulager l’humanité souffrante. Jésus a dit: “Mon Père travaille jusqu’à présent. Moi aussi, je travaille.” Tous les jours sont les jours de Dieu, au cours desquels il accomplit ses desseins à l’égard de la famille humaine. Si l’interprétation que les Juifs donnaient à la loi était juste, Jéhovah se trouverait en faute, lui qui vivifie et soutient tout ce qui vit depuis qu’il jeta les fondements de la terre; dans ce cas, celui qui a déclaré que son œuvre était bonne et qui a institué le sabbat pour commémorer son achèvement eût dû cesser toute activité et arrêter la marche de l’univers. JC 189.2
Dieu devrait-il interdire au soleil d’exercer sa fonction bienfaisante le jour du sabbat et empêcher ses rayons salutaires de réchauffer la terre et d’entretenir la végétation? Est-ce que l’ensemble des astres doit rester immobile en ce saint jour? Devrait-il ordonner aux ruisseaux de cesser d’arroser les campagnes et empêcher les mouvements de l’océan? Le blé et le maïs doivent-ils cesser de croître, la grappe qui mûrit doit-elle retarder de se colorer? Les arbres et les fleurs doivent-ils renoncer à produire leurs boutons et leurs fleurs pendant le sabbat? JC 189.3
Dans ce cas, les fruits de la terre feraient défaut aux hommes, ainsi que les bienfaits qui font aimer la vie. Il faut que la nature poursuive son cours invariable. Si Dieu retirait sa main un seul instant, l’homme languirait et mourrait. L’homme a, lui aussi, une œuvre à accomplir en ce jour. La vie a des besoins qui réclament notre attention; les malades doivent être soignés; les nécessiteux doivent être secourus. Celui-là ne sera pas exaucé qui néglige de soulager la souffrance le jour du sabbat. Le saint jour de repos de Dieu a été fait pour l’homme, les actes de miséricorde s’accordent parfaitement avec cette intention. Dieu ne veut pas qu’une seule heure de douleur afflige ses créatures qui pourraient être soulagées un jour de sabbat ou tout autre jour. JC 190.1
On attend davantage de Dieu le jour du sabbat que les autres jours. En effet, son peuple abandonne ses travaux habituels pour consacrer son temps à la méditation et au culte. On demande à Dieu des grâces plus abondantes que les autres jours. On sollicite plus particulièrement son attention. On réclame les bénédictions les plus précieuses. Et Dieu n’attend pas que le sabbat soit passé pour accorder ces faveurs. L’activité du ciel est incessante, et les hommes ne devraient jamais cesser de faire du bien. Le sabbat ne doit pas être un temps d’oisiveté. La loi défend tout travail séculier ayant pour but le gagne-pain; tout travail destiné à procurer plaisir ou profit est interdit par la loi ce jour-là. Tout comme Dieu a cessé de créer, s’est reposé le sabbat et l’a béni, l’homme doit renoncer à ses occupations habituelles et consacrer ces heures sacrées à un repos salutaire, au culte, à de bonnes actions. En guérissant un malade, le Christ était en accord parfait avec la loi. Il honorait le sabbat. JC 190.2
Jésus réclamait pour lui-même des droits égaux à ceux de Dieu dans l’accomplissement d’une œuvre aussi sacrée, de la même nature que celle qui occupe le Père au ciel. Mais ceci ne fit qu’allumer davantage la colère des pharisiens. Car non seulement il avait violé la loi, selon eux, mais en appelant Dieu “son propre Père” il s’était fait l’égal de Dieu. JC 190.3
Tous les Juifs appelaient Dieu leur Père; leur rage ne se fût pas donné libre carrière si le Christ s’était placé dans le même rapport qu’eux avec Dieu. Ils l’accusèrent de blasphème parce qu’ils avaient compris dans quel sens unique il se disait Fils de Dieu. JC 191.1
Les adversaires du Christ étaient incapables de réfuter les vérités qu’il faisait pénétrer dans leurs consciences. Ils ne pouvaient que faire appel à leurs coutumes et à leurs traditions, choses bien faibles et insipides comparées aux arguments que Jésus tirait de la Parole de Dieu et du cours incessant de la nature. Si les rabbins avaient eu le moindre désir d’être éclairés, ils eussent été convaincus que Jésus disait la vérité. Mais ils rejetèrent les vérités qu’il leur apportait au sujet du sabbat et cherchèrent à provoquer l’animosité de la foule contre lui parce qu’il s’était déclaré l’égal de Dieu. La fureur des chefs était déchaînée. Si la crainte du peuple ne les avait retenus ils eussent tué Jésus sur place. Mais il y avait un fort sentiment populaire en sa faveur. Plusieurs reconnaissaient en Jésus l’ami qui avait guéri leurs maladies, les avait consolés dans leurs afflictions; aussi justifièrent-ils la guérison de l’infirme de Béthesda. Pour cette fois-ci les chefs durent mettre un frein à leur haine. JC 191.2
Jésus repoussa l’accusation de blasphème. Ce qui m’autorise à accomplir l’œuvre dont vous me faites grief, dit-il, c’est que je suis le Fils de Dieu, un avec lui en nature, en volonté, en dessein. Dans toutes ses œuvres de création et de providence, je coopère avec Dieu. “Le Fils ne peut rien faire par lui-même, mais seulement ce qu’il voit faire au Père.” Les prêtres et les rabbins reprochaient au Fils de Dieu de faire justement ce qu’il était venu faire dans le monde. Leurs péchés les avaient séparés de Dieu et leur orgueil les poussait à agir indépendamment de lui. Pleins de propre suffisance, ils n’éprouvaient pas le besoin d’être dirigés par une sagesse supérieure. Le Fils de Dieu, au contraire, était entièrement soumis à la volonté de son Père, dépendant de sa puissance. Le Christ était si complètement dépouillé de lui-même qu’il ne faisait aucun plan dans son propre intérêt. Il acceptait les plans divins à mesure que son Père les lui révélait. Nous devrions, nous aussi, dépendre de Dieu à tel point que nos vies fussent le produit de sa volonté. JC 191.3
Alors que Moïse était sur le point de construire le sanctuaire destiné à servir de demeure pour Dieu, il reçut l’ordre de se conformer en tous points au modèle qui lui était montré sur la montagne. Moïse était animé d’un grand zèle pour accomplir l’œuvre de Dieu; il avait à sa disposition les artistes les plus habiles, les mieux qualifiés pour exécuter ses ordres. Néanmoins pas une sonnette, une grenade, un gland, une frange, un voile, un ustensile quelconque du sanctuaire ne devaient être confectionnés sinon en conformité avec le modèle montré. Dieu le fit monter sur la montagne et lui fit connaître les choses célestes. Le Seigneur le couvrit de sa propre gloire, lui permettant de voir le modèle, et tout fut fait selon ce modèle. De même, Dieu révéla son glorieux caractère à Israël, dont il voulait faire sa demeure. Le modèle leur fut montré sur la montagne quand la loi fut donnée au Sinaï, quand le Seigneur passa devant Moïse en proclamant: “L’Eternel, oui, l’Eternel est le Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité! Il conserve sa grâce jusqu’à mille générations; il pardonne l’iniquité, la révolte et le péché.”5 JC 192.1
Israël avait préféré suivre sa propre voie; il n’avait pas construit selon le modèle. Le Christ, le vrai temple où Dieu habite, avait façonné tous les détails de sa vie terrestre en harmonie avec l’idéal divin. Il dit: “Mon Dieu, je prends plaisir à faire ta volonté et ta loi est au fond de mon cœur.”6 De même, nos caractères doivent être construits “pour être une habitation de Dieu en Esprit”.7 Nous devons tout faire “d’après le modèle”, c’est-à-dire d’après celui qui “a souffert pour vous, et vous a laissé un exemple, afin que vous suiviez ses traces”.8 JC 192.2
Les paroles du Christ nous enseignent à nous voir inséparablement liés à notre Père céleste. Quelle que soit notre position, nous dépendons de Dieu, qui tient dans ses mains toutes les destinées. Il nous a assigné une tâche pour l’accomplissement de laquelle il nous a conféré des facultés et des moyens. Aussi longtemps que notre volonté demeure soumise à Dieu et que nous restons confiants en sa force et en sa sagesse, nous serons dirigés dans des sentiers sûrs pour accomplir la part qui nous est dévolue de son vaste dessein. S’appuyer sur sa propre sagesse et sa force, c’est se séparer de Dieu. C’est réaliser le dessein de l’ennemi de Dieu et de l’homme au lieu de travailler à l’unisson avec le Christ. JC 192.3
Le Sauveur ajouta: “Tout ce que le Père fait, le Fils aussi le fait également. ... Comme le Père ressuscite les morts et donne la vie, de même aussi le Fils donne la vie à qui il veut.” Tandis que les sadducéens prétendaient qu’il n’y aura pas de résurrection des corps, Jésus affirme que l’une des plus grandes œuvres du Père consiste à rendre la vie aux morts, et qu’il est lui aussi assez puissant pour accomplir la même œuvre. “L’heure vient, dit-il — et c’est maintenant — où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront entendue vivront.” Les pharisiens croyaient à la résurrection des morts. Le Christ déclare que la puissance qui rend la vie aux morts est déjà au milieu d’eux et qu’ils en verront la manifestation. C’est cette même puissance de résurrection qui donne la vie à l’âme morte par ses “fautes” et ses “péchés”. L’esprit de vie qui est en Christ Jésus c’est “la puissance de sa résurrection”, qui délivre de “la loi du péché et de la mort”.9 Le mal perd son empire; l’âme est préservée du péché par la foi. Quiconque ouvre son cœur à l’influence de l’Esprit du Christ a accès à la grande puissance qui fera sortir son corps du sépulcre. JC 193.1
L’humble Nazaréen affirme sa vraie noblesse. Il se dresse au-dessus de l’humanité, rejette loin de lui le masque de péché et de honte dont on voulait l’affubler, et se montre comme celui que les anges révèrent, le Fils de Dieu, un avec le Créateur de l’univers. Ses auditeurs sont sous le charme de sa parole. Personne n’a jamais parlé comme lui, personne ne s’est comporté avec une telle dignité royale. Ses déclarations parfaitement claires exposent pleinement sa mission et indiquent le devoir du monde. “Le Père ne juge personne, mais il a remis tout jugement au Fils, afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père. Celui qui n’honore pas le Fils n’honore pas le Père qui l’a envoyé.” “En effet comme le Père a la vie en lui-même, ainsi il a donné au Fils d’avoir la vie en lui-même, et il lui a donné le pouvoir d’exercer le jugement, parce qu’il est Fils de l’homme.” JC 193.2
Prêtres et chefs s’étaient érigés en juges pour condamner l’œuvre du Christ, mais lui se donne comme leur juge et le juge de toute la terre. Le monde a été confié aux soins du Christ; de lui procèdent tous les bienfaits divins accordés à une race déchue. Il était le Rédempteur avant comme après son incarnation. Dès que le péché a fait son apparition dans le monde, il y a eu un Sauveur. Il a dispensé à tous lumière et vie, et chacun sera jugé d’après la lumière reçue. Celui qui a donné la lumière adresse aux âmes les plus tendres appels, s’efforçant de les faire passer du péché à la sainteté; il est à la fois leur Avocat et leur Juge. Depuis que le grand conflit a éclaté dans le ciel, Satan a mis le mensonge au service de sa cause; le Christ s’est employé à dévoiler les projets de l’ennemi et à briser son pouvoir. C’est lui qui a vaincu le séducteur et s’est efforcé d’âge en âge de lui arracher ses victimes; c’est lui aussi qui prononcera un jugement sur chaque âme. JC 194.1
Dieu “lui a donné le pouvoir d’exercer le jugement, parce qu’il est Fils de l’homme”. Ayant goûté jusqu’à la lie les afflictions et les tentations humaines, il comprend les infirmités et les péchés des hommes; c’est pour nous qu’il a résisté victorieusement aux tentations de Satan; il pourra traiter avec justice et avec compassion les âmes qu’il a voulu sauver en répandant son propre sang: pour toutes ces raisons, le Fils de l’homme est désigné pour exécuter le jugement. JC 194.2
Cependant, le Christ est venu pour sauver, non pour juger. “Dieu, en effet, n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui.”10 En présence du sanhédrin Jésus déclara: “Celui qui écoute ma parole et qui croit à celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle et ne vient pas en jugement, mais il est passé de la mort à la vie.” JC 194.3
Le Christ invita ses auditeurs à ne pas s’étonner alors qu’il ouvrait devant eux dans de plus vastes perspectives le mystère de l’avenir. Il dit: “L’heure vient où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix. Ceux qui auront fait le bien en sortiront pour la résurrection et la vie, ceux qui auront pratiqué le mal pour la résurrection et le jugement.” JC 195.1
Cette assurance concernant la vie future, c’est ce qu’Israël attendait depuis longtemps, ce qu’on espérait recevoir à l’avènement du Messie. L’unique lumière capable de dissiper l’obscurité du sépulcre resplendissait sur eux. Mais l’entêtement est aveugle. Jésus avait violé les traditions rabbiniques et méconnu leur autorité; aussi ne voulurent-ils pas croire. JC 195.2
Le moment, le lieu, l’occasion, l’intensité des sentiments qui agitaient l’assemblée, tout cela contribuait à rendre plus émouvantes les paroles que Jésus adressait au sanhédrin. Les plus hautes autorités de la nation cherchaient à ôter la vie à celui qui se donnait comme l’auteur du rétablissement d’Israël. Le Seigneur du sabbat comparaissait devant un tribunal humain, accusé d’avoir transgressé la loi du sabbat. Quand il eut affirmé sa mission avec tant de courage, ses juges le considérèrent avec fureur et étonnement; mais on ne pouvait répondre à ses arguments. On ne pouvait le condamner. Il refusait aux prêtres et aux rabbins le droit de l’interroger ou d’interrompre son œuvre. Leur autorité n’allait pas jusque là. Leurs prétentions n’avaient d’autre fondement que leur orgueil et leur arrogance. Il refusa de se reconnaître coupable et de se laisser instruire par eux. JC 195.3
Loin de chercher une excuse pour ce dont il était accusé, ou d’expliquer les motifs de sa conduite, Jésus se dressa contre les chefs: son rôle d’accusé céda la place à celui d’accusateur. Il leur reprocha leur dureté de cœur et leur ignorance des Ecritures. Il déclara qu’ils avaient rejeté la Parole de Dieu puisqu’ils avaient rejeté celui que Dieu avait envoyé. “Vous sondez les Ecritures, parce que vous pensez avoir en elles la vie éternelle: ce sont elles qui rendent témoignage de moi.” JC 195.4
A chaque page, qu’il s’agisse d’histoire, de commandements, ou de prophéties, les Ecritures de l’Ancien Testament resplendissent de la gloire du Fils de Dieu. Tout ce qui était d’institution divine dans le judaïsme constituait une prophétie bien compacte de l’Evangile. “Tous les prophètes rendent de lui [du Christ] le témoignage que quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon des péchés.”11 Depuis la promesse faite à Adam, à travers la lignée des patriarches et l’économie légale, une lumière céleste et glorieuse annonçait les pas du Rédempteur. Des voyants ont contemplé l’Etoile de Bethléhem, le Schiloh à venir, à mesure que les réalités futures défilaient devant eux en une mystérieuse procession. Chaque sacrifice annonçait la mort du Christ. Sa justice montait dans chaque nuage d’encens. Chaque trompette du jubilé proclamait son nom. Sa gloire résidait dans le saint des saints. JC 195.5
Les Juifs, en possession des Ecritures, s’imaginaient obtenir la vie éternelle par une simple connaissance extérieure de la Parole. Mais Jésus dit: “Sa parole ne demeure pas en vous.” Ayant rejeté le Christ dans sa parole ils l’avaient rejeté en sa personne. “Vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie!” dit-il. JC 196.1
Les conducteurs juifs avaient étudié l’enseignement des prophètes concernant le royaume du Messie, non avec un sincère désir de connaître la vérité, mais pour y trouver une confirmation de leurs espérances ambitieuses. Le Christ étant venu d’une manière contraire à leur attente, ils ne voulaient pas l’accueillir. Pour se justifier ils s’efforçaient de le faire passer pour un séducteur. Dès qu’ils s’étaient engagés dans cette voie Satan n’éprouva aucune difficulté à renforcer leur opposition au Christ. Les paroles mêmes qui eussent pu apporter la preuve de sa divinité étaient interprétées contre lui. Ils changèrent ainsi la vérité de Dieu en mensonge et plus le Sauveur s’adressait à eux directement par des œuvres de miséricorde, plus ils étaient décidés à résister à la lumière. JC 196.2
Jésus dit: “Je ne reçois pas de gloire des hommes.” Il ne désirait pas bénéficier de l’influence du sanhédrin, et il ne sollicitait pas son approbation. Celle-ci ne l’eût pas honoré. Il était revêtu de l’honneur et de l’autorité du ciel. S’il l’avait demandé, des anges lui auraient apporté leurs hommages; le Père aurait renouvelé son attestation en faveur de sa divinité. Par amour pour eux, par amour pour la nation dont ils étaient les chefs, il désirait que les chefs d’Israël reconnussent son caractère et reçussent les bienfaits qu’il leur apportait. JC 196.3
“Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne me recevez pas; si un autre vient en son propre nom, vous le recevrez!” Jésus était venu investi de l’autorité de Dieu, portant son image, accomplissant sa parole, cherchant sa gloire; néanmoins il ne fut pas reçu par les chefs d’Israël; quand d’autres viendraient, se faisant passer pour le Christ quoique agissant de leur propre gré et cherchant leur propre gloire, ils seraient accueillis. Pourquoi cela? — Parce que celui qui cherche sa propre gloire fait appel à la recherche de soi-même chez les autres. Les Juifs étaient prêts à répondre à un tel appel. Le faux docteur serait reçu parce qu’il flatterait leur orgueil en approuvant leurs opinions préférées et leurs traditions. L’enseignement du Christ ne concordait pas avec leurs idées. C’était un enseignement spirituel, qui exigeait le renoncement à soi-même; c’est pourquoi il ne serait pas reçu. Les Juifs ne connaissaient pas Dieu, et la voix qu’il faisait entendre par l’intermédiaire du Christ leur semblait la voix d’un étranger. JC 197.1
N’en est-il pas de même aujourd’hui? N’y en a-t-il pas beaucoup, même parmi les conducteurs religieux, qui endurcissent leurs cœurs contre l’action du Saint-Esprit et se mettent dans l’impossibilité de reconnaître la voix de Dieu? Ne rejettent-ils pas la Parole de Dieu pour suivre leurs propres traditions? JC 197.2
“Si vous croyiez Moïse, dit Jésus, vous me croiriez aussi, parce qu’il a écrit à mon sujet. Mais si vous ne croyez pas à ses écrits, comment croirez-vous à mes paroles?” C’est le Christ qui avait parlé à Israël par l’intermédiaire de Moïse. S’ils avaient écouté la voix divine qui s’adressait à eux par le moyen de leur grand conducteur, ils l’auraient reconnue également dans les enseignements du Christ. S’ils avaient cru Moïse, ils auraient aussi cru celui dont Moïse avait parlé. JC 197.3
Jésus savait que les prêtres et les rabbins étaient décidés à lui ôter la vie; il leur expliqua néanmoins clairement son unité avec le Père et son rapport avec le monde. Ils virent que leur opposition était inexcusable, mais leur haine meurtrière n’en fut pas éteinte. Témoins de la puissance convaincante qui accompagnait son ministère, ils furent saisis de crainte; cependant ils résistèrent à ses appels et s’enfermèrent dans les ténèbres. JC 198.1
Ils avaient misérablement échoué dans leurs efforts pour renverser l’autorité de Jésus ou lui aliéner le respect et l’attention du peuple, beaucoup ayant été convaincus par ses paroles. Les chefs eux-mêmes s’étaient sentis condamnés tandis qu’il faisait pénétrer dans leurs consciences le sentiment de leur culpabilité, et cela ne fit qu’augmenter leur amertume à son égard. Ils étaient décidés à lui ôter la vie. Ils envoyèrent des messagers dans tout le pays, chargés de mettre le peuple en garde contre Jésus, qu’ils déclaraient imposteur. Des espions devaient le surveiller et rapporter ce qu’il disait et ce qu’il faisait. Notre divin Sauveur se trouvait déjà à l’ombre de la croix. JC 198.2