Jésus-Christ

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Chapitre 55 — Sans attirer l’attention

Ce chapitre est basé sur Luc 17:20-22.

Quelques pharisiens s’étaient présentés à Jésus “pour savoir quand viendrait le royaume de Dieu”. Plus de trois années s’étaient écoulées depuis le moment où Jean-Baptiste avait proclamé ce message avec une voix de trompette dans tout le pays: “Le royaume des cieux est proche.”1 Or ces pharisiens ne voyaient encore rien qui indiquât l’établissement du royaume. Plusieurs de ceux qui avaient rejeté Jean et s’étaient continuellement opposés à Jésus insinuaient que la mission du Christ avait échoué. JC 502.1

Voici quelle fut la réponse de Jésus: “Le royaume de Dieu ne vient pas de telle sorte qu’on puisse l’observer. On ne dira pas: Voyez, il est ici, ou: Il est là. Car voyez, le royaume de Dieu est au-dedans de vous.” Le royaume de Dieu commence dans le cœur. Ne regardez pas de côté ou d’autre pour voir des manifestations de puissance terrestre accompagnant sa venue. JC 502.2

Puis, se tournant vers les disciples, il leur dit: “Des jours viendront où vous désirerez voir l’un des jours du Fils de l’homme, et vous ne le verrez pas.” Vu que je ne viens pas au milieu de pompes mondaines, vous courez le danger de ne pas discerner la gloire de ma mission. Vous ne vous rendez pas compte de la grandeur du privilège dont vous jouissez actuellement, d’avoir au milieu de vous, bien que sous le voile de l’humanité, celui qui est la vie et la lumière des hommes. Les jours viendront où vous vous souviendrez avec regret des occasions qui vous sont offertes maintenant de marcher et de converser avec le Fils de Dieu. JC 502.3

L’égoïsme et l’esprit terre à terre empêchaient même les disciples de Jésus de comprendre la gloire spirituelle qu’il s’efforçait de leur révéler. Quand le Christ fut monté vers son Père, quand le Saint-Esprit fut répandu sur les croyants, alors seulement les disciples purent apprécier à leur juste valeur le caractère et la mission du Sauveur. Quand ils eurent reçu le baptême de l’Esprit, ils commencèrent à comprendre qu’ils avaient été en présence du Seigneur de gloire. A mesure que les déclarations du Christ leur revenaient en mémoire, leurs esprits s’ouvraient à l’intelligence des prophéties et à la signification des miracles qu’il avait opérés. Les merveilles de sa vie défilaient devant eux et ils paraissaient s’éveiller d’un songe. Voici ce qu’ils comprenaient désormais: “La Parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme celle du Fils unique venu du Père.”2 Le Christ était vraiment venu de Dieu dans un monde pécheur pour sauver de leur déchéance les fils et les filles d’Adam. Les disciples ne se donnaient plus autant d’importance qu’auparavant. Ils ne se lassaient pas de repasser dans leurs cœurs ses paroles et ses œuvres. Des leçons qu’ils avaient comprises imparfaitement leur faisaient maintenant l’effet de nouvelles révélations. Les Ecritures prenaient pour eux une signification nouvelle. JC 502.4

A mesure que les disciples scrutaient les prophéties qui rendaient témoignage au Christ, ils étaient introduits dans l’intimité de la Divinité et entraient à l’école de celui qui était monté au ciel pour y achever l’œuvre commencée sur la terre. Ils reconnaissaient qu’en lui habitait une connaissance à laquelle aucun être humain ne peut avoir accès sans le secours divin. Ils éprouvaient le besoin d’être aidés par celui qu’avaient annoncé des rois, des prophètes et des justes. Avec stupéfaction ils lisaient et relisaient les descriptions prophétiques de son caractère et de son œuvre. Combien terne avait été leur compréhension des écritures prophétiques; combien ils avaient été lents à saisir les grandes vérités relatives au Christ. Alors qu’ils l’avaient vu dans son humiliation, marchant comme un homme parmi les hommes, ils n’avaient pas compris le mystère de son incarnation et la dualité de sa nature. Leurs yeux étaient restés fermés, de sorte qu’ils n’avaient pas su voir la divinité dans l’humanité. Une fois éclairés par le Saint-Esprit, ils désiraient ardemment le revoir et se replacer à ses pieds. Ils auraient voulu pouvoir s’approcher de lui pour le prier de leur expliquer les passages de l’Ecriture dont la signification leur échappait. Avec quelle attention n’eussent-ils pas écouté ses paroles! Qu’avait voulu dire le Christ par ces mots: “J’ai encore beaucoup à vous dire, mais vous en seriez maintenant accablés.”3 Ils étaient impatients de tout savoir. Ils s’affligeaient à la pensée d’avoir eu si peu de foi, d’avoir entretenu des idées si éloignées de la réalité. JC 503.1

Un héraut avait été envoyé par Dieu pour annoncer la venue du Christ, pour appeler sur sa mission l’attention de la nation juive et du monde, pour inviter les hommes à se préparer à le recevoir. Le personnage étonnant annoncé par Jean avait vécu au milieu d’eux pendant plus de trente années et ils ne l’avaient pas reconnu réellement comme l’Envoyé de Dieu. Les disciples étaient pris de remords à la pensée d’avoir permis à l’incrédulité ambiante d’influencer leurs opinions et d’obscurcir leur entendement. La Lumière avait brillé dans ce sombre monde et ils n’avaient pas su voir d’où venaient ses rayons. Ils se demandaient pourquoi ils avaient mérité les reproches du Christ. Ils se répétaient les conversations qu’ils avaient eues avec lui et se disaient: Pourquoi avons-nous permis à des considérations humaines et à l’opposition des prêtres et des rabbins de jeter la confusion dans nos esprits, si bien que nous n’avons pas su comprendre qu’un plus grand que Moïse était parmi nous, qu’un plus sage que Salomon était notre instructeur? Combien dure était notre ouïe! Combien faible notre compréhension! JC 504.1

Thomas n’avait pas voulu croire avant d’avoir mis son doigt sur la blessure infligée par les soldats romains. Pierre l’avait renié au moment même où il le voyait humilié et rejeté. Ces pénibles souvenirs se pressaient avec force dans leurs esprits. Ils avaient été avec lui sans le connaître et l’apprécier. Tout ceci remuait leurs cœurs et leur faisait déplorer leur incrédulité. JC 504.2

Alors que les prêtres et les chefs se liguaient contre eux, les traduisaient devant les tribunaux et les jetaient en prison, les disciples du Christ étaient “joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des outrages pour le Nom (de Jésus)”.4 Ils étaient heureux de pouvoir, en face des hommes et des anges, démontrer qu’ils reconnaissaient la gloire du Christ et qu’ils étaient prêts à le suivre au risque de tout perdre. JC 504.3

Aujourd’hui comme aux jours apostoliques, l’humanité ne peut discerner la gloire du Christ sans être éclairée par l’Esprit divin. Des chrétiens aimant le monde et disposés à toutes les compromissions ne sauraient apprécier la vérité et l’œuvre de Dieu. Les vrais disciples du Maître ne sont pas à chercher parmi les aises, les honneurs mondains ou la conformité au monde. On les découvre bien avant, sur le sentier de la peine, de l’humiliation, de l’opprobre, au front de bataille “contre les principautés, contre les pouvoirs, contre les dominateurs des ténèbres d’ici-bas, contre les esprits du mal dans les lieux célestes”.5 Et aujourd’hui, tout comme aux jours du Christ, ils sont méconnus, blâmés et opprimés par les prêtres et les pharisiens contemporains. JC 505.1

Le royaume de Dieu ne vient pas de manière à attirer l’attention. L’Evangile de la grâce de Dieu, tout plein d’un esprit d’abnégation, ne pourra jamais s’accorder avec l’esprit du monde. Il y a là deux principes antagonistes. “L’homme naturel ne reçoit pas les choses de l’Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c’est spirituellement qu’on en juge.”6 JC 505.2

Ils sont nombreux, dans le monde religieux d’aujourd’hui, ceux qui croient devoir s’affairer pour établir le royaume du Christ sous une forme terrestre et temporelle. Leur ambition est de faire du Christ le Seigneur des royaumes de ce monde, exerçant son autorité dans les tribunaux et dans les camps militaires, dans les parlements, les palais et sur les places du marché. Ils s’attendent à le voir gouverner par des lois sanctionnées par l’autorité humaine. Le Christ étant absent, ils se substituent à lui en vue de mettre à exécution les lois de son royaume. L’établissement d’un tel royaume est justement ce que désiraient les Juifs au temps du Christ. Ils auraient été prêts à recevoir Jésus s’il eût consenti à établir une domination temporelle, à imposer ce qu’ils estimaient être les lois de Dieu, et à faire d’eux les interprètes de sa volonté, les agents de son autorité. Mais il déclarait: “Mon royaume n’est pas de ce monde.”7 Il refusait un trône terrestre. JC 505.3

Jésus vivait sous un gouvernement corrompu et tyrannique; on voyait partout des abus criants, des extorsions, de l’intolérance, d’horribles cruautés. Cependant le Sauveur ne tenta aucune réforme politique. Il n’attaqua pas les abus nationaux, il ne condamna pas les ennemis de sa nation. Il ne s’ingéra pas dans les affaires de l’autorité et de l’administration du pouvoir en exercice. Celui qui est notre modèle se tint à l’écart des gouvernements terrestres. Non qu’il fût indifférent aux maux des hommes, mais parce que le remède ne résidait pas uniquement dans des mesures humaines et externes. Pour réussir, il convient d’atteindre les individus et de régénérer les cœurs. JC 506.1

Le royaume du Christ ne sera pas établi par des décisions de tribunaux ou de conseils ou d’assemblées législatives, ni par l’influence de grands hommes du monde; il le sera par l’action du Saint-Esprit communiquant la nature du Christ à l’humanité. “A tous ceux qui l’ont reçue [la Parole], elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom et qui sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu.”8 C’est là l’unique puissance capable de relever l’humanité. Et le moyen humain employé à cet effet c’est l’enseignement et la mise en pratique de la Parole de Dieu. JC 506.2

L’apôtre Paul déclare, au sujet de son ministère à Corinthe, cette ville populeuse et riche, mais pleine de méchanceté, souillée de tous les vices du paganisme: “J’ai jugé bon de ne rien savoir parmi vous, sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié.”9 Ecrivant plus tard à quelques-uns de ceux qui avaient été souillés par les péchés les plus ignobles, il pouvait leur dire: “Mais vous avez été lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés au nom du Seigneur Jésus-Christ et par l’Esprit de notre Dieu.” “Je rends à mon Dieu de continuelles actions de grâces à votre sujet, pour la grâce de Dieu qui vous a été accordée en Christ-Jésus.”10 JC 506.3

Aujourd’hui tout comme aux jours du Christ, ceux qui travaillent en vue du royaume de Dieu ne sont pas les hommes réclamant d’être reconnus et soutenus par les gouvernements et les lois humaines, mais plutôt ceux qui annoncent en son nom au monde les vérités spirituelles qui renouvellent l’expérience de Paul chez ceux qui les reçoivent: “Je suis crucifié avec Christ, et ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi!”11 Alors ils travailleront au bien des hommes comme le faisait Paul, qui disait: “Nous faisons donc fonction d’ambassadeurs pour Christ, comme si Dieu exhortait par nous; nous vous en supplions au nom de Christ: Soyez réconciliés avec Dieu”.12 JC 507.1