La Vie de Jésus-Christ

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Chapitre 15 — Jésus à Béthesda

“Après cela, comme les Juifs avaient une fête, Jésus monta à Jérusalem. Or, il y avait à Jérusalem, près de la porte des brebis, un réservoir d'eau, appelé en hébreu Béthesda, qui avait cinq portiques, où étaient couchés un grand nombre de malades, d'aveugles, d'impotents, et de gens qui avaient les membres secs, et qui attendaient le mouvement de l'eau. Car un ange descendait en un certain temps dans le réservoir, et en troublait l'eau; et le premier qui descendait dans le réservoir après que l'eau avait été troublée, était guéri, de quelque maladie qu'il fût détenu.”1 VJC 152.1

Jésus ne se tenait pas à l'écart des pauvres, des affligés et des pécheurs. Son cœur brûlait d'amour pour ces infortunés qui avaient besoin de son secours. Il savait bien quels étaient les malades qui avaient appris à attendre le temps où on pensait que l'eau allait être troublée par un pouvoir surnaturel. Bien des malades souffrant de diverses maladies se rendaient vers le réservoir, mais la foule était si grande au moment désigné, que tous s'y précipitaient en même temps, et les plus faibles, hommes, femmes et enfants, étaient foulés aux pieds par les plus forts et laissés en arrière. VJC 152.2

Des centaines de malades étaient ainsi repoussés et ne pouvaient s'approcher de l'eau. Plusieurs mêmes qui, par des efforts inouïs, avaient réussi à arriver jusqu'au réservoir, mouraient sur le bord sans avoir la force de se plonger dans ses eaux. On avait dressé des abris autour du réservoir afin que les malades fussent protégés contre les rayons brûlants du soleil et contre la fraîcheur des nuits. Bien des pauvres malades passaient des nuits dans les portiques, et jour après jour se traînaient péniblement jusqu'à ce lieu privilégié, dans l'espoir, vain, hélas! d'obtenir la guérison. VJC 152.3

Un homme souffrant d'une maladie incurable depuis trente-huit ans, était fréquemment venu jusqu'au réservoir. Ceux qui avaient pitié de sa faiblesse le transportaient vers le réservoir lorsqu'on supposait que l'eau avait été troublée. Mais ceux qui étaient plus forts que lui s'y précipitaient avant lui et saisissaient l'occasion qu'il convoitait. Ainsi le pauvre paralytique attendait jour et nuit près du réservoir, espérant qu'à la fin, le moment fortuné viendrait où il pourrait se plonger dans l'eau et être guéri. Ses efforts persévérants pour atteindre ce but et les doutes et les anxiétés de son esprit consumaient rapidement le peu de forces qui lui restait. VJC 153.1

Jésus visita cette scène de misères, et son regard s'arrêta sur ce pauvre malade, faible et impuissant. L'infortuné était accablé de souffrances et plongé dans le désespoir; mais lorsque le moment attendu fut arrivé, il fit un suprême effort pour atteindre l'eau. A l'instant où il allait parvenir à son but, un autre y entra avant lui. Il se traîna alors jusqu'à son grabat, attendant la mort. Mais un visage compatissant se pencha sur lui: “Veux-tu être guéri?” lui dit Jésus. Le pauvre malade découragé leva les yeux, pensant que ce pourrait être quelqu'un qui était venu lui aider à se jeter dans le réservoir; mais cette faible lueur d'espérance s'évanouit lorsqu'il se souvint qu'il était trop tard; tout espoir pour lui était perdu pour cette fois, et dans son état de maladie et d'abandon, il pouvait à peine espérer vivre jusqu'à ce qu'une autre occasion se présentât. VJC 153.2

Il se détourna, et répondit avec amertume: “Seigneur! je n'ai personne pour me jeter dans le réservoir quand l'eau est troublée; car pendant que j'y viens, un autre y descend avant moi.” Pauvre infortuné! comment pouvait-il espérer de lutter avec succès contre cette foule égoïste et avide! Jésus ne demanda pas au pauvre malade de montrer sa foi en lui, mais avec une voix d'autorité, il lui dit: “Lève-toi, emporte ton lit, et marche.” Une soudaine vigueur parcourut aussitôt les membres du paralytique. Son être tout entier éprouva le pouvoir de la guérison. Il sentit un sang nouveau et une force nouvelle circuler dans tous ses membres. Obéissant à l'ordre du Sauveur, il bondit sur ses pieds, et se mit en devoir de ramasser son lit qui consistait simplement en un tapis et une couverture. Comme il se redressait, pénétré d'un profond sentiment de délices de pouvoir après tant d'années d'irrémédiable infirmité se tenir sur ses pieds, il se tourna vers son Libérateur: ses regards le cherchent en vain, il a disparu. Jésus s'était perdu dans la foule, et le paralytique guéri craignait de ne pouvoir le reconnaître s'il lui arrivait de le revoir. Il fut grandement désappointé, car il lui tardait d'exprimer toute sa gratitude à l'étranger qui l'avait guéri. Comme il se dirigeait en toute hâte et d'un pas ferme vers Jérusalem, louant Dieu en chemin, et se réjouissant d'avoir recouvré ses forces, il rencontra des pharisiens, et il leur raconta immédiatement la guérison merveilleuse qu'il venait d'éprouver. Il fut surpris de la froideur avec laquelle ces pharisiens écoutèrent son récit. VJC 153.3

Bientôt ils l'interrompirent en lui demandant pourquoi il portait son lit le jour du Sabbat. Ils lui rappelèrent avec sévérité qu'il ne lui était pas permis de porter des fardeaux le jour du Seigneur. Dans sa joie, cet homme avait oublié que c'était le Sabbat; cependant il ne se sentait nullement coupable d'avoir obéi au commandement de Celui qui, par sa puissance divine, avait opéré en sa personne un tel miracle. Il répondit hardiment: “Celui qui m'a guéri m'a dit: Emporte ton lit et marche.” Les pharisiens ne se réjouirent point de la guérison qui avait été opérée dans ce pauvre invalide, impuissant depuis trente-huit ans. Ils fermèrent les yeux sur cette merveilleuse guérison, et, mus par la bigoterie qui les caractérisait, ils stigmatisèrent cet acte comme une violation de la loi du Sabbat. VJC 154.1

Ils ne jetèrent aucun blâme sur l'homme qui avait été guéri, mais ils parurent offusqués de la conduite de Celui qui avait pris la responsabilité de commander à un homme d'emporter son lit le jour du Sabbat. Ils lui demandèrent qui avait fait cela, mais il ne pouvait point les renseigner à ce sujet. Ces gouverneurs savaient très bien qu'il n'y avait qu'une seule personne qui pût faire cette action, mais ils désiraient avoir une preuve directe que c'était Jésus; car ils espéraient pouvoir le condamner comme transgresseur du Sabbat. Ils considéraient que non seulement Jésus avait transgressé la loi en guérissant le paralytique le jour du Sabbat, mais qu'il avait commis un acte sacrilége en lui ordonnant de prendre son lit et de l'emporter. VJC 154.2

Jésus n'était pas venu dans le monde pour amoindrir la dignité de la loi, mais pour l'exalter. Par leurs traditions et leurs notions erronées, les Juifs en avaient perverti le sens. Ils en avaient fait un joug de servitude. Leurs nombreuses exactions traditionnelles sans signification étaient devenues la risée de toutes les autres nations. Le Sabbat surtout avait été progressivement entouré de toutes espèces de restrictions déraisonnables qui rendaient ce saint jour presque insupportable. Par exemple, il n'était pas permis à un Juif d'allumer du feu, ni même une chandelle le jour du Sabbat. Leurs idées étaient si étroites qu'ils étaient devenus esclaves de leurs règles inutiles. En conséquence de cet état de choses, ils dépendaient des Gentils pour leur rendre plusieurs services que leur règlement leur défendait d'accomplir eux-mêmes. VJC 155.1

Ils ne réfléchissaient pas que si l'accomplissement de ces devoirs nécessaires de la vie était un péché, ils étaient aussi coupables en employant d'autres personnes pour les faire, que s'ils les eussent faits eux-mêmes. Ils pensaient que le salut n'était que pour les Juifs, et que la condition de tous les autres, étant entièrement désespérée, ne pouvait être ni empirée ni améliorée. Mais un Dieu juste n'a donné aucun commandement qui ne puisse être observé par tous d'une manière conséquente. Ses lois ne sanctionnent aucun usage déraisonnable, ni aucune restriction inutile. VJC 155.2

Bientôt après, Jésus rencontra dans le temple l'homme qu'il avait guéri. Il était venu apporter une offrande pour le péché, un holocauste et un sacrifice de prospérité pour la grâce signalée qu'il avait reçue. Jésus le trouvant parmi les adorateurs se fit connaître à lui. Le grand Médecin l'aborda en lui donnant un avertissement à propos: “Voilà, tu as été guéri; ne pèche plus désormais, de peur qu'il ne t'arrive quelque chose de pire.” Celui qui avait souffert pendant trente-huit ans, en partie comme résultat de sa propre dissipation, était ainsi clairement averti de fuir les péchés qui lui avaient causé de telles souffrances. VJC 155.3

L'homme qui avait été guéri fut ravi de joie de se trouver en face de son Libérateur, et, ignorant la malice des Juifs contre Jésus, il informa les pharisiens qui l'avaient auparavant interrogé, que Jésus était celui qui avait opéré chez lui une si miraculeuse guérison. Les dignitaires juifs n'attendaient que la preuve que c'était bien Jésus qui avait fait cela. Dès l'abord ils avaient été persuadés que ce ne pouvait être que lui. Alors un grand tumulte s'éleva dans les parvis du temple, car ils cherchaient à mettre à mort Jésus; mais ils en furent empêchés par le peuple, dont un grand nombre reconnaissaient en lui un ami qui les avait guéris de leurs infirmités et qui avait soulagé leurs souffrances. VJC 156.1

Alors une controverse s'éleva concernant les véritables exigences de la loi du Sabbat. Jésus avait à dessein choisi le jour du Sabbat pour accomplir ce miracle au réservoir de Béthesda. Il aurait pu guérir ce paralytique un autre jour de la semaine; il aurait aussi pu simplement le guérir, et éviter de soulever l'indignation des Juifs en lui disant d'emporter son lit. Mais un but plein de sagesse était à la base de chaque action de la vie de Christ sur la terre; tout ce qu'il faisait était important, soit quant aux actions elles-mêmes, soit quant à la portée de leur enseignement. Il vint pour maintenir la loi de son Père et la rendre honorable. Au lieu d'être un privilége béni, le Sabbat était devenu une servitude accablante à cause des exigences que les Juifs y avaient ajoutées. Jésus désirait, en le dégageant de ses entraves, le rétablir dans son état primitif et lui rendre la sainte dignité qui lui appartenait. VJC 156.2

C'est pourquoi Jésus trouva bon d'accomplir cette œuvre spéciale le jour du Sabbat. Il choisit parmi les malades du réservoir de Béthesda le cas le plus désespéré pour exercer son pouvoir miraculeux, et il commanda à celui qui avait été paralytique d'emporter son lit au travers de la ville, afin de publier ainsi la merveilleuse guérison qui venait d'être opérée en sa personne, et d'attirer l'attention du peuple sur les circonstances qui avaient accompagné sa guérison, et sur Celui par qui cette guérison avait été accomplie. Cela devait soulever la question concernant ce qu'il était permis de faire le jour du Sabbat, et lui fournir l'occasion de dénoncer les préjugés étroits des Juifs et leurs restrictions traditionnelles concernant le jour du Seigneur, et de déclarer nulles les bigoteries et les traditions dont ils l'avaient surchargé. VJC 156.3

Jésus déclara aux pharisiens qu'en guérissant les malades il ne faisait rien qui ne fût d'accord avec la loi du Sabbat, qu'il s'occupât du salut de leurs âmes, ou qu'il les délivrât de leurs souffrances physiques. Cette œuvre s'harmonisait avec celle des anges de Dieu, qui montaient et descendaient continuellement entre le ciel et la terre pour secourir l'humanité souffrante. Jésus répondit à leurs accusations par cette déclaration: “Mon Père travaille jusqu'à maintenant, et moi je travaille aussi.” Tous les jours appartiennent à Dieu pour exécuter ses plans miséricordieux en faveur de l'humanité. Si l'interprétation que les Juifs donnaient de la loi était correcte, alors Jéhovah était en défaut; lui, dont l'œuvre avait soutenu et vivifié la création depuis qu'il avait posé les fondements de la terre, alors que les étoiles du matin poussaient ensemble des cris de joie, et que tous les enfants de Dieu chantaient en triomphe. Celui qui avait déclaré que son œuvre était bonne, et qui avait établi l'institution du Sabbat pour en commémorer l'achèvement devait alors mettre un point d'arrêt à son œuvre, et faire cesser la marche continuelle de l'univers. VJC 157.1

Dieu doit-il commander au soleil de discontinuer son cours le jour du Sabbat? Doit-il supprimer ses rayons bienfaisants qui nourrissent la terre et produisent la végétation? Le système de l'univers entier doit-il rester ce jour-là dans l'inaction? Dieu devrait-il ordonner que les ruisseaux murmurants cessent de couler au travers des champs et des forêts qu'ils arrosent, et doit-il commander aux vagues houleuses de la mer d'interrompre leur perpétuel mouvement de flux et reflux? Le blé doit-il s'arrêter de croître, et le fruit de mûrir pendant un seul jour? Les arbres verdoyants et les plantes délicates ne doivent-ils pousser ni boutons ni fleurs, le jour du Sabbat? VJC 157.2

Sûrement, si tel était le cas, l'homme serait privé des fruits de la terre et des bénédictions et bienfaits qui embellissent la vie. La nature doit suivre son cours invariable; Dieu ne peut pas laisser reposer ses mains un seul instant, autrement l'homme défaillirait et mourrait. Et dans la même proportion, l'homme a une œuvre à accomplir le jour du Sabbat. Il faut satisfaire aux besoins de la vie, soigner les malades, et pourvoir aux besoins des nécessiteux. Dieu ne tiendra point pour innocent celui qui, le jour du Sabbat, s'abstient de soulager ceux qui souffrent. Le saint Sabbat a été fait pour l'homme, et des actes de bienfaisance et de miséricorde accomplis ce jour-là sont toujours approuvés de Dieu. Dieu ne désire pas que ses créatures souffrent pendant une heure seulement des douleurs qui pourraient être soulagées le jour du Sabbat ou tout autre jour. VJC 158.1

Jésus cherche à faire comprendre aux Juifs leur étroitesse d'esprit et les idées absurdes qu'ils se faisaient du Sabbat. Il leur montre que Dieu ne cesse jamais d'agir; que ses œuvres sont même plus grandes le jour du Sabbat que dans toute autre occasion, car ce jour-là, les enfants de Dieu quittent leur travail ordinaire et passent leur temps au culte, à la méditation et à la prière. Le jour du Sabbat, plus qu'aucun autre jour, ils demandent à Dieu ses bienfaits; ils réclament son attention spéciale; ils sollicitent ardemment ses meilleures bénédictions; ils offrent des prières ardentes pour réclamer ses faveurs. Dieu n'attend point que le Sabbat soit passé avant de répondre à ces requêtes, mais avec une sagesse judicieuse, il accorde à ceux qui les font ce qui leur convient le mieux. VJC 158.2

L'œuvre du ciel ne cesse pas un seul instant, et l'homme ne devrait point non plus cesser de faire du bien. La loi du Sabbat défend tout travail pendant le saint jour de repos de l'Eternel. Le travail pour la subsistance doit cesser; nul travail ayant pour but des plaisirs mondains ou un profit quelconque n'est légitime le jour du Seigneur; mais l'œuvre de Christ en guérissant les malades, a sûrement honoré le saint Sabbat Jésus réclamait les mêmes droits que Dieu, en faisant une œuvre également sacrée et du même caractère que celle à laquelle était occupé son Père dans le ciel. Mais les pharisiens furent encore plus courroucés, parce que non seulement il avait transgressé la loi, selon leur jugement, mais parce qu'à cette offense, il avait ajouté le péché de se déclarer égal à Dieu. Ce fut l'intervention seule du peuple qui empêcha les autorités juives de mettre à mort Jésus sur le lieu même. “Jésus prenant la parole, leur dit: En vérité, en vérité je vous dis que le Fils ne peut rien faire de lui-même, à moins qu'il ne le voie faire au Père; car tout ce que le Père fait, le Fils aussi le fait pareillement; car le Père aime le Fils, et il lui montre tout ce qu'il fait; et il lui montrera des œuvres plus grandes que celles-ci, en sorte que vous en serez remplis d'admiration. Car comme le Père ressuscite les morts et leur donne la vie, de même aussi le Fils donne la vie à ceux qu'il veut.” VJC 158.3

Ici Jésus prit sa véritable place devant les Juifs, et se déclara être le Fils de Dieu. Ensuite, dans un langage à la fois plein de douceur et de dignité, il les instruisit à l'égard du Sabbat. Il leur dit que le jour de repos que Jéhovah avait sanctifié et mis à part pour un but spécial, après avoir achevé l'œuvre de la création, n'avait pas été désigné pour être un jour d'inactivité inutile. De même que Dieu avait cessé de créer, et qu'il s'était reposé ce jour et l'avait béni, ainsi l'homme devait quitter les occupations de sa vie journalière, et employer ces heures sacrées à un repos salutaire, au culte, et à de saintes actions. VJC 159.1

Les gouverneurs du peuple ne purent répondre à ces grandes vérités qui étaient mises sur leurs consciences. Ils n'avaient aucun argument pour les combattre; ils ne pouvaient que citer leurs coutumes et leurs traditions, mais ces choses semblaient bien faibles et insipides comparées aux arguments puissants et concluants que Jésus avait tirés de l'œuvre de Dieu et de l'activité incessante de la nature. S'ils avaient eu le moindre désir d'être éclairés, ils auraient été convaincus que Jésus leur disait la vérité. Mais ils éludèrent les questions relatives au Sabbat, et cherchèrent à soulever contre lui la colère du peuple parce qu'il s'était fait égal à Dieu. La fureur des gouverneurs ne connaissait plus de bornes, et ce fut avec peine qu'on les empêcha de faire saisir Jésus et de le mettre à mort. VJC 159.2

Mais le peuple n'avait aucune pensée de violence, et ils faisaient honte aux gouverneurs par le sérieux avec lequel ils écoutaient les paroles de Jésus. Ils l'approuvèrent d'avoir guéri le pauvre paralytique qui avait été malade pendant trente-huit ans. De sorte que les sacrificateurs et les anciens furent obligés de contenir leur haine pour le moment, et d'attendre une occasion plus favorable pour accomplir leurs mauvais desseins. VJC 160.1

Jésus déclare qu'il ne peut rien faire de lui-même, “à moins qu il ne le voie faire au Père.” Ses relations avec Dieu ne lui permettaient pas de travailler d'une manière indépendante de lui, et il ne pouvait rien faire contre sa volonté. Quel reproche, surtout pour ceux qui présentaient des accusations contre le Fils de Dieu, à cause de l'œuvre même pour laquelle il avait été envoyé sur la terre! Par leurs mauvaises actions, ils s'étaient séparés de Dieu, et dans leur orgueil et leur vanité, ils agissaient indépendamment de lui, se croyant capables d'agir par eux-mêmes en toutes choses, et ne sentant pas le besoin qu'ils avaient d'une sagesse plus grande que la leur, pour leur aider et les diriger dans leurs actions. VJC 160.2

Peu de personnes comprennent toute la force des paroles de Christ à l'égard de son union avec son Père. Ces paroles enseignent à l'homme à se considérer uni d'une manière inséparable à son Père céleste, afin que, quelle que soit la position qu'il occupe, il soit responsable envers Dieu qui tient nos destinées entre ses mains. Il a destiné l'homme à accomplir son œuvre, il l'a doué de facultés intellectuelles, et lui a donné les moyens d'atteindre ce but; et tant que l'homme est fidèle à ce noble service d'économe de Dieu, il peut avec assurance compter sur les bénédictions et les promesses de son Maître. VJC 160.3

Mais si, lorsqu'il est placé dans une position de confiance, il s'enorgueillit à ses propres yeux, comptant sur son propre pouvoir et sa propre sagesse, agissant indépendamment de Celui qu'il fait profession de servir, Dieu le rendra responsable de sa conduite présomptueuse; il n'a pas agi d'accord avec son Maître. VJC 160.4

Jésus se présenta alors devant les Juifs sous son véritable jour. Il déclara que toutes les choses que le Père faisait, le Fils les accomplissait aussi de la même manière, par l'exercice de la même puissance, et avec de semblables résultats. Il promit aussi à ceux qui l'entendaient qu'ils seraient témoins de plus grandes choses que celles qu'il avait accomplies en guérissant les malades, les aveugles et les paralytiques. Les sadducéens différaient des pharisiens à l'égard de la résurrection des morts. Les premiers affirmaient qu'il n'y aurait point de résurrection des corps. Mais Jésus leur dit qu'une des plus grandes œuvres de son Père est de ressusciter les morts, et que de même le Fils de Dieu a le pouvoir en lui-même de ressusciter les morts. “Ne soyez pas surpris, dit-il, de cela; car le temps viendra que tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront sa voix; et ceux qui auront fait de bonnes œuvres en sortiront, et ressusciteront pour la vie; et ceux qui en auront fait de mauvaises ressusciteront pour la condamnation.” VJC 161.1

L'humble Jésus de Nazareth revendique sa véritable noblesse. Il s'élève au-dessus de l'humanité, met de côté l'humiliation attachée à la nature humaine et paraît comme celui qui est honoré des anges, le Fils de Dieu, égal au Créateur de l'univers. Les gouverneurs des Juifs et la multitude attentive sont muets sous le charme de ces vérités puissantes et de la dignité de son maintien. Nul homme n'avait jamais prononcé des paroles comme celles-ci, ni n'avait agi avec cette majesté royale. Son langage est clair et simple; il déclare pleinement sa mission et le devoir du monde. “Le Père ne juge personne, mais il a donné au Fils tout pouvoir de juger; afin que tous honorent le Fils, comme ils honorent le Père. Celui qui n'honore pas le Fils n'honore pas le Père qui l'a envoyé. En vérité, en vérité je vous dis, que celui qui écoute ma parole, et qui croit à celui qui m'a envoyé, a la vie éternelle, et il ne sera point sujet à la condamnation, mais il est passé de la mort à la vie. En vérité, en vérité je vous dis que le temps vient, et qu'il est déjà venu, que les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et que ceux qui l'auront entendue vivront. Car comme le Père a la vie en lui-même, il a aussi donné au Fils d'avoir la vie en lui-même; et il lui a aussi donné l'autorité d'exercer le jugement, parce qu'il est le Fils de l'homme.” VJC 161.2

Ici Jésus rejette sur les gouverneurs leurs accusations contre lui, et leurs tentatives de lui dicter son œuvre, et de juger, par leur étroitesse et leur bigoterie, ses actes de miséricorde et de bienfaisance. Il se déclara lui-même leur Juge, et le Juge de tout le monde. Lorsqu'il vint sur la terre comme Rédempteur, le monde fut placé entre ses mains et c'est à lui que tous les hommes devront rendre compte. Il se chargea du fardeau de l'humanité, afin qu'il délivrât les hommes des conséquences de leurs péchés. Il est à la fois leur Avocat et leur Juge. Ayant bu jusqu'à la lie la coupe de la tentation et de l'affliction humaines, il peut comprendre la fragilité et les péchés des hommes et prononcer sur eux son jugement. C'est pourquoi, le Père a remis cette œuvre entre les mains de son Fils, sachant que celui qui résista victorieusement aux tentations de Satan, pour l'amour de l'homme, sera infiniment sage, juste et miséricordieux dans ses relations avec ce dernier. VJC 162.1

Les paroles de Jésus étaient d'autant plus frappantes que la controverse était forte. Il était virtuellement appelé devant les dignitaires des Juifs pour y subir une épreuve qui devait décider de son sort. Lui, le Seigneur du Sabbat, fut traduit devant un tribunal terrestre pour répondre à l'accusation d'avoir transgressé la loi du Sabbat. Lorsque avec une si grande assurance il fit connaître sa mission et son œuvre, ses juges le regardèrent avec un étonnement mêlé de rage, mais ils étaient incapables de lui répondre et ils ne purent le condamner. VJC 162.2

Il contesta aux pharisiens le droit de le questionnner ou de se mêler de ses affaires. Le système judaïque ne les revêtait aucunement d'une telle autorité; leurs prétentions étaient fondées sur leur orgueil et leur arrogance. Il refusa de reconnaître les torts dont on l'accusait, et ne consentit point à se laisser catéchiser par les pharisiens. VJC 162.3

Après leur avoir présenté ces grandes vérités concernant son œuvre en rapport avec le Père, il confirme ses assertions par les témoignages qui ont été rendus de lui. “Je ne puis rien faire de moi-même: je juge selon que j'entends, et mon jugement est juste; car je ne cherche point ma volonté, mais je cherche la volonté du Père qui m'a envoyé. Si je me rends témoignage à moi-même, mon témoignage n'est pas digne de foi. Il y en a un autre qui me rend témoignage, et je sais que le témoignage qu'il me rend est digne de foi. Vous avez envoyé vers Jean, et il a rendu témoignage à la vérité. Pour moi, je ne cherche point le témoignage des hommes; mais je dis ceci, afin que vous soyez sauvés. Jean était une chandelle allumée et brillante; et vous avez voulu pour un peu de temps vous réjouir à sa lumière.” De sa hauteur sublime il lit les secrets de leurs cœurs et leur rappelle que pendant un temps ils avaient reçu Jean comme un prophète de Dieu, et s'étaient réjouis dans le message qu'il leur avait apporté. Il affirme que la mission de Jean avait uniquement pour but de préparer le chemin pour lui-même, que le prophète avait témoigné être le Christ, le Rédempteur du monde. VJC 162.4

Mais personne ne pouvait témoigner concernant le rapport mystérieux de Jésus avec le Père; la connaissance humaine ne peut pénétrer dans les parvis célestes. Jésus leur assure qu'il n'en appelle pas au témoignage de Jean pour soutenir ses droits, mais seulement afin que ses persécuteurs soient convaincus de leur aveuglement et de leur inconséquence en s'opposant audacieusement à Celui que Jean avait déclaré être le Fils de Dieu. Ils n'étaient point dans l'ignorance concernant la preuve que Jean avait eue du caractère messianique de Christ, car ils lui avaient envoyé un député qui avait rapporté sa déclaration à l'égard du baptême de Jésus et des merveilleuses manifestations de Dieu en ce moment-là. VJC 163.1

Jésus parle de Jean pour que les Juifs puissent voir comment, en le rejetant lui-même, ils rejettent aussi le prophète qu'ils avaient reçu avec joie. Et il ajoute: “Mais moi j'ai un témoignage plus grand que celui de Jean; car les œuvres que mon Père m'a donné le pouvoir d'accomplir, ces œuvres-là que je fais rendent ce témoignage de moi, que mon Père m'a envoyé.” Les cieux ne s'étaient-ils pas ouverts, et la lumière émanant du trône de Dieu ne l'avait-elle pas environné de gloire, tandis que la voix de Jéhovah prononçait ces paroles: “C'est ici mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis toute mon affection!” A part toutes ces choses, ses propres paroles rendaient témoignage à sa divinité. Celui qui avait été accusé comme transgresseur du Sabbat se tenait devant ses accusateurs revêtu d'une grâce divine, et prononçant des paroles qui pénétraient dans leurs cœurs comme des flèches. Au lieu de faire des excuses pour l'acte dont ils l'accusaient ou d'expliquer son but en agissant ainsi, il reprend les gouverneurs, et l'accusé devient l'accusateur. VJC 163.2

Il les reprend à cause de la dureté de leurs cœurs, et de l'aveugle ignorance avec laquelle ils lisaient les Ecritures, tout en se vantant de leur supériorité sur tous les autres peuples. Ceux qui prétendaient être docteurs des Ecritures, et interprètes de la loi, ignoraient eux-mêmes entièrement les véritables exigences de cette loi. Il dénonce leur mondanité, leur soif de louange et de pouvoir, leur avarice et leur dureté. Il les accuse de ne pas croire aux Ecritures qu'ils professent de révérer, accomplissant ses formes et ses cérémonies, tandis qu'ils négligent les grands principes de vérités qui sont la base de la loi. Il déclare que, puisqu'ils ont rejeté Celui que Dieu a envoyé, ils ont rejeté la parole de Dieu. Il leur donne ce commandement: “Sondez les Ecritures; car c'est par elles que vous croyez avoir la vie éternelle, et ce sont elles qui rendent témoignage de moi.” VJC 164.1

La vérité prononcée par Jésus était en opposition à leurs préjugés et à leurs coutumes, et ils la rejetèrent loin d'eux, et endurcirent leurs cœurs contre elle. Ils refusèrent d'écouter les enseignements de Christ, parce que ces enseignements condamnaient directement les péchés qu'ils aimaient et qu'ils voulaient conserver. Si le Fils de l'homme était venu en flattant leur orgueil et en justifiant leur iniquité, ils se seraient empressés de lui rendre honneur. Jésus dit: “Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne me recevez pas: si un autre vient en son propre nom, vous le recevrez.” Des imposteurs, ne pouvant présenter aucune preuve d'autorité divine, auraient pu s'élever, et, en prophétisant des choses agréables, en satisfaisant la vanité des riches et des mondains, auraient obtenu leur adhésion. Ces faux prophètes auraient entraîné leurs disciples dans la ruine éternelle. VJC 164.2

Jésus déclara qu'il n'y avait aucune nécessité pour lui de les accuser devant son Père, car Moïse, en qui ils faisaient profession de croire, les avait déjà accusés. “Car, dit-il, si vous croyiez à Moïse, vous croiriez aussi en moi; car il a écrit de moi. Mais si vous ne croyez pas à ses écrits, comment croirez-vous à mes paroles?” Jésus savait que les Juifs étaient déterminés à lui ôter la vie; toutefois, dans son discours, il leur expose pleinement son caractère de Fils de Dieu, la relation qu'il soutenait envers son Père, et son égalité avec lui. Cela les laissa sans excuse pour justifier leur opposition aveugle et leur rage insensée contre le Sauveur. Mais quoique les sacrificateurs et les anciens fussent intimidés par la vérité divine et l'éloquence de Christ, et que leurs complots fussent déjoués, leur haine meurtrière n'était toutefois pas encore assouvie. La crainte les saisit, car ils ne pouvaient fermer leur intelligence au pouvoir convaincant qui accompagnait le ministère de Christ. Mais ils étaient tellement retenus dans les chaînes de l'orgueil et de l'arrogance qu'ils rejetèrent les preuves de son pouvoir divin, résistèrent à ses appels, et se renfermèrent dans leurs ténèbres. VJC 165.1

Ils avaient échoué d'une manière signalée dans leurs efforts pour renverser l'autorité de Jésus, ou pour détourner de lui le respect et l'attention du peuple, dont un grand nombre avaient été puissamment affectés et profondément convaincus par son discours émouvant. VJC 165.2

Ses œuvres puissantes avaient d'abord arrêté leur attention et éveillé leur admiration, et lorsque ses paroles scrutatrices découvrirent son véritable caractère, ils furent prêts à reconnaître son autorité divine. D'un autre côté, ses paroles avaient pénétré les cœurs des gouverneurs du sentiment de leur condamnation à cause de leur conduite. Il avait parlé à leur conscience concernant leur culpabilité, mais cela n'avait fait que les rendre plus acharnés contre lui, et ils étaient pleinement déterminés à lui ôter la vie. Ils envoyèrent des messagers par tout le pays, pour avertir le peuple concernant Jésus qu'ils dénoncèrent comme un imposteur. Des espions furent envoyés pour l'observer et pour rapporter ce qu'il avait fait et dit. Le Sauveur était alors certainement sous l'ombre de la croix. VJC 165.3