La Vie de Jésus-Christ

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Chapitre 1 — Le plan de la rédemption

La chute de l'homme remplit tous les cieux de tristesse. Le monde que Dieu avait créé était contaminé par la malédiction du péché, et habité par des êtres voués à l'infortune et à la mort. Il ne paraissait y avoir aucun moyen de salut pour ceux qui avaient transgressé la loi. Les anges cessèrent leurs cantiques de louanges. Partout dans les parvis célestes on entendit déplorer la ruine que le péché avait causée. VJC 17.1

Le Fils de Dieu, glorieux Chef des armées du ciel, fut touché de pitié envers la race déchue. En contemplant les malheurs du monde perdu, son cœur fut rempli d'une compassion infinie. Mais l'amour divin avait conçu un plan par lequel l'homme pût être racheté. Jésus plaida devant son Père en faveur des pécheurs, offrant de donner sa vie comme rançon; de prendre sur lui-même la sentence de mort; afin que par les mérites de son sang, Adam et sa postérité pussent être réintégrés dans la faveur de leur Créateur et dans la possession d'Eden, leur demeure. VJC 17.2

Qui peut concevoir toute la grandeur du sacrifice fait par le Dieu du ciel, lorsqu'il consentit à se séparer de son Fils bienaimé! C'est avant la création de la terre, déjà, que le plan du salut avait été formé; car Christ est “l'Agneau égorgé dès la fondation du monde?”1 Et pourtant, il se livra une lutte dans le cœur du Roi de l'univers lui-même, avant qu'il se déterminât à abandonner son Fils à la mort pour une race coupable. Mais “Dieu a tellement aimé le monde, qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle”.2 O mystère de la rédemption! O amour de Dieu pour un monde qui ne l'avait pas aimé! Qui peut connaître la profondeur de cet amour qui “surpasse toute connaissance”.3 A travers les âges sans fin, les élus appliqueront leur intelligence immortalisée à sonder l'incompréhensible amour de Dieu, devant lequel ils demeureront toujours confondus et prosternés. VJC 17.3

Dieu devait se manifester “en Christ, réconciliant le monde avec soi.”1 L'homme s'était dégradé à tel point, par le péché, qu'il lui était impossible par lui-même de se mettre d'accord avec Celui dont la nature même est pureté et bonté. Mais Christ, après avoir racheté l'homme de la condamnation de la loi, pouvait lui communiquer une puissance divine qui s'unirait avec les efforts de l'homme. De cette manière, par la repentance envers Dieu et la foi en Christ, les enfants d'Adam pourraient redevenir “enfants de Dieu”.2 VJC 18.1

L'unique plan par lequel le salut de l'homme pût être obtenu, allait coûter — inénarrable sacrifice! — plus que le ciel tout entier. Les anges ne purent se réjouir lorsque Christ développa devant eux le plan de la rédemption; car le salut de l'homme allait accumuler sur leur Chef bien-aimé des souffrances inexprimables. Quels ne durent pas être leur douleur et leur étonnement en l'entendant leur raconter qu'il allait devoir descendre des régions célestes de la pureté et de la paix, quitter les joies et les gloires d'une vie immortelle, pour respirer l'atmosphère souillée de ce monde, pour en porter les douleurs et la honte, et finalement pour y mourir! Il devait paraître sur la terre, s'humilier comme un simple homme, et se familiariser, par une expérience personnelle, avec les chagrins et les tentations de l'homme. Tout cela était nécessaire afin qu'il pût secourir ceux qui seraient tentés.3 Il devait être livré entre les mains d'hommes cruels, et ?ndurer toutes les insultes et les tortures que Satan allait leur inspirer. Il devait subir la plus horrible des morts, suspendu entre le ciel et la terre comme un vil malfaiteur. Il devait enfin, tandis que la culpabilité des transgressions du monde reposerait sur lui, passer par l'agonie indicible de voir son Père détourner de lui sa face. VJC 18.2

Avec quelle joie les anges se seraient offerts de mourir à la place de leur Chef, si ce sacrifice en faveur de l'homme avait pu être accepté! Mais il n'y avait que Celui qui avait créé l'homme qui eût le pouvoir de le racheter. Les anges, pourtant, allaient avoir quelque part au plan de la rédemption. Christ devait être fait inférieur aux anges, par la mort qu'il devait souffrir.”1 Lorsque le Sauveur prendrait sur lui la nature humaine, leur mission allait être de prendre soin de lui dans ses souffrances. En outre, ils devaient être “des esprits destinés à servir,” et “envoyés pour exercer leur ministère en faveur de ceux qui doivent avoir l'héritage du salut”.2 Ils auraient à protéger les sujets de la grâce contre la puissance des mauvais anges, et contre les ténèbres dont Satan les entourerait. VJC 18.3

Par sa mort, Christ devait racheter un grand nombre d'âmes, et détruire celui qui avait la puissance de la mort. Il devait reconquérir le royaume que l'homme avait perdu par la transgression, afin que les rachetés y entrassent avec lui et y demeurassent à toujours. Le péché et les pécheurs allaient être effacés pour ne plus troubler la paix soit du ciel, soit de la terre. La gloire, la félicité d'un monde racheté outrepasserait les angoisses même et le sacrifice du Prince de la vie. VJC 19.1

Lorsque Jésus eut fini, un immense cri d'allégresse retentit dans les cieux. Les parvis célestes répercutèrent alors les premiers accords du cantique qui devait se faire entendre sur les collines de Bethléem: “Gloire soit à Dieu au plus haut des cieux! Paix sur la terre, bonne volonté envers les hommes!”3 Remplis d'une joie plus profonde que lorsque la création était sortie des mains de Dieu, “les étoiles du matin poussèrent ensemble des cris de joie, et tous les enfants de Dieu chantèrent en triomphe”.4 VJC 19.2

Nul autre que le Fils de Dieu ne pouvait combler l'abîme que le péché avait creusé entre Dieu et l'homme. Sa mort seule pouvait racheter l'homme et satisfaire à la justice de Dieu. En autorité, Christ venait immédiatement après le grand Législateur. Sa vie était le seul sacrifice d'une valeur suffisante pour satisfaire aux exigences de la parfaite loi de Dieu. VJC 19.3

Un homme n'eût pu faire propitiation pour un autre homme. Sa condition coupable et déchue en eût fait une offrande imparfaite, un sacrifice de moindre valeur que ne l'était Adam avant sa chute. Dieu fit l'homme parfait et droit; et après sa transgression il ne pouvait y avoir pour lui de sacrifice acceptable devant Dieu, à moins que ce sacrifice ne fût d'une valeur supérieure à l'homme dans son état d'innocence et de perfection. VJC 19.4

Les anges étaient sans péché; mais ils étaient de moindre valeur que la loi de Dieu. En leur qualité d'êtres créés et soumis à l'épreuve, ils étaient justiciables de la loi; c'était des messagers qui faisaient la volonté de Christ et devaient s'incliner devant lui. VJC 20.1

Christ était en forme de Dieu, et il ne considérait pas comme une usurpation d'être fait égal à Dieu. Il était l'image empreinte de son Père, non seulement quant à son apparence extérieure mais quant à la perfection de son caractère. Christ n'était assujetti à aucune exigence: il était au-dessus de la loi et par conséquent supérieur aux anges. Et il était d'une valeur d'autant supérieure que son caractère noble, sans tache, et sa position élevée comme Chef des armées célestes était au-dessus du caractère et de la position de l'homme. Christ s'était associé au Père dans la création de l'homme, et lorsque les hommes tombèrent par la transgression, il eut le pouvoir de faire propitiation pour leurs péchés, de les relever et de les ramener dans leur état primitif. VJC 20.2

Christ avait le pouvoir de donner sa vie et de la reprendre, mais il n'était point du tout sous l'obligation d'entreprendre cette œuvre de propitiation. Le sacrifice qu'il faisait était volontaire. Un amour infini, une miséricorde étonnante l'ont poussé à faire ce sacrifice qui ouvrait la porte de l'espérance à une race perdue. VJC 20.3

Les sacrifices et la sacrificature du système judaïque étaient symboliques et institués pour représenter la mort et les œuvres médiatrices de Christ. Toutes ces cérémonies n'avaient de signification et de vertu qu'autant qu'elles se rapportaient à Christ, qui était lui-même le fondement et l'auteur de tout le système. Depuis Adam jusqu'au temps où la nation juive devint un peuple séparé et distinct, les adorateurs de Dieu avaient été instruits concernant le Rédempteur à venir que représentaient leurs sacrifices. Le Seigneur avait fait connaître à Adam, à Abel, à Seth, à Enoch, à Noé, à Abraham et à d'autres patriarches, spécialement à Moïse, que le système cérémoniel des sacrifices et de la sacrificature était insuffisant par lui-même pour assurer le salut d'une seule âme. Ces types et ces symboles préfiguraient et indiquaient Christ. Par eux, les patriarches voyaient Christ et croyaient en lui. Ils ne devaient durer que jusqu'à ce que le sacrifice parfait aurait été accompli. VJC 20.4

Le système des sacrifices et des offrandes fut ordonné du ciel pour rappeler constamment à l'homme l'effrayante séparation que le péché a faite entre Dieu et lui, et la nécessité d'un ministère de médiation. Le pécheur, chargé qu'il était de sa culpabilité et sans un mérite plus grand que le sien propre, ne pouvait paraître devant Dieu. Mais une voie lui fut ouverte par laquelle il pût avoir accès auprès de Dieu par la médiation d'un autre. La sacrificature sur la terre était une ombre de la sacrificature de Christ qui devait se placer comme médiateur entre le Très-Haut et son peupie. Christ était parfait, sans tache, sans imperfection, sans péché. D'entre tous ceux qui ont habité sur la terre, lui seul a pu dire à tous les hommes: “Lequel d'entre vous me convaincra de péché?”1 La communication qui existait entre Dieu et l'homme, et qui avait été rompue par la transgression d'Adam, pouvait être rétablie par Christ. Son office et son œuvre devaient infiniment dépasser en dignité et en gloire la sacrificature terrestre et typique. VJC 21.1

On n'aurait jamais pu connaître l'étendue des terribles conséquences du péché, si le remède auquel Dieu avait pourvu n'avait été d'une valeur infinie. Le prix immense qu'a coûté le salut de l'homme déchu: la Majesté du ciel, égale à Dieu, donnant sa vie pour une race rebelle, — demeure un mystère devant lequel les anges s'étonnent et dont ils méditent, sans le comprendre, l'infinie profondeur. VJC 21.2