La Vie de Jésus-Christ

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Chapitre 43 — Au jardin des oliviers

Le Rédempteur, en compagnie de ses disciples, se rendit lentement au jardin de Gethsémané.1 La lune, en son plein, brillait dans un ciel sans nuages. Dans la ville, comme sur les collines environnantes, où les pèlerins accourus à la fête avaient dressé d'innombrables tentes, tout était rentré dans le silence. VJC 437.1

Jésus s'était entretenu sérieusement avec ses disciples en les instruisant; mais en approchant de Gethsémané, il devint singulièrement silencieux. Ses disciples, très perplexes, regardaient son visage avec inquiétude, espérant y lire une explication du changement qui était survenu chez leur Maître. Ils l'avaient fréquemment vu abattu, mais ils ne l'avaient jamais vu si triste et si silencieux. A mesure qu'il avançait, cette étrange tristesse augmentait; et pourtant, ils n'osaient lui en demander la cause. Il chancelait comme s'il était sur le point de tomber. Ses disciples étaient impatients d'atteindre le lieu où leur Maître avait l'habitude de se retirer, afin qu'il pût se reposer. VJC 437.2

En entrant dans le jardin, il dit à ses compagnons: “Asseyez-vous ici pendant que je m'en irai là pour prier.” Choisissant Pierre, Jacques et Jean pour l'accompagner, il alla plus loin, dans une retraite du jardin. Il avait eu la coutume de fortifier son esprit pour l'heure de l'épreuve et du devoir par des prières ferventes, et avait fréquemment passé toute la nuit dans cette retraite pour vaquer à cet exercice. Dans ces occasions, ses disciples, après avoir veillé et prie pendant un moment, s'endormaient tranquillement à une petite distance de leur Maître, jusqu'à ce qu'il les réveillât au matin pour reprendre leurs travaux. Aussi les disciples ne firent-ils aucune remarque sur ce que Jésus faisait. VJC 437.3

Chaque pas que le Sauveur faisait alors, lui coûtait un effort pénible. Il gémissait à haute voix, comme souffrant sous le poids d'un terrible fardeau; pourtant, il ne voulut point effrayer les trois disciples qu'il avait choisis, en leur faisant comprendre l'agonie par laquelle il devait passer. Par deux fois, ses compagnons l'empêchèrent de tomber sur le sol. Jésus sentait qu'il devait être encore plus seul, et il dit à ses disciples: “Mon âme est saisie de tristesse jusqu'à la mort; demeurez ici, et veillez avec moi.” Jamais ses disciples ne l'avaient entendu parler d'un ton aussi brisé. L'angoisse agitait tout son être, et son pâle visage exprimait une indescriptible douleur. VJC 438.1

Il s'éloigna à une courte distance des disciples, pas assez loin pour qu'ils ne pussent le voir et l'entendre, et tomba le visage contre la terre humide. Il était surmonté par une terrible crainte que Dieu eût retiré sa présence de lui. Il se sentait séparé de son Père par un abîme de péché si large, si sombre et si profond, que son esprit frémissait à ce spectacle. Il embrassait convulsivement le sol froid et insensible, comme pour ne pas se laisser entraîner encore plus loin de Dieu. La fraîche rosée de la nuit tombait sur le Rédempteur prosterné sans qu'il y prit garde. De ses lèvres pâles et contractées s'échappait ce cri amer: “Mon Père! que cette coupe passe loin de moi, s'il est possible! Toutefois, qu'il en soit non comme je le voudrais, mais comme tu le veux.” Ce n'était point la crainte des souffrances physiques qu'il devait bientôt endurer, qui mettait à l'agonie le Fils de Dieu. Il endurait la peine de la transgression de l'homme, et frémissait à la pensée de la colère de Dieu. Il ne devait point faire usage de sa puissance divine pour échapper à cette agonie; mais, comme homme, il devait supporter les conséquences du péché de l'homme et le déplaisir du Créateur envers ses sujets désobéissants. Comme il sentait son union avec le Père se rompre, il craignait que, dans son humaine nature, il ne fût incapable d'endurer le conflit qu'il allait avoir à livrer contre le prince de la puissance des ténèbres; et dans ce cas, la race humaine serait irrévocablement perdue, Satan serait victorieux, et la terre deviendrait son royaume. Les péchés du monde pesaient lourdement sur le Sauveur, et l'inclinaient vers la terre; la colère du Père en conséquence de ces péchés, semblait lui arracher la vie. VJC 438.2

C'est la destinée de la race humaine qui avait été en jeu dans la lutte qui eut lieu entre Christ et Satan dans le désert de la tentation. Mais Christ fut vainqueur, et le tentateur le quitta pour un temps. Il était alors revenu pour une lutte dernière et terrible. Satan s'était préparé à cette attaque finale durant les trois ans du ministère de Christ. Pour lui, tout était en jeu. S'il échouait ici, ses espérances de domination étaient ruinées; les royaumes du monde seraient finalement à Christ qui “lierait l'homme fort”, Satan, et le jetterait dehors. VJC 439.1

Durant cette scène de l'angoisse du Sauveur, les disciples furent d'abord troublés de voir leur Maître, habituellement si calme et si digne, lutter avec une détresse qui dépassait toute expression; mais étant fatigués, ils cédèrent enfin au sommeil, abandonnant Jésus dans son angoisse. Une heure après, Jésus éprouvant un besoin de sympathie humaine, se leva péniblement, et se rendit en chancelant au lieu où il avait laissé ses compagnons. Mais aucun visage sympathique ne l'accueillit après cette longue lutte; les disciples étaient profondément endormis. Ah! s'ils avaient compris que c'était la dernière nuit qu'ils passaient avec leur Maître bien-aimé, pendant qu'il vivait comme homme sur la terre, s'ils avaient su ce qu'amènerait le lendemain, ils ne se seraient certainement pas laissés aller au sommeil. VJC 439.2

La voix de Jésus les réveilla en partie. Ils le discernèrent se penchant sur eux, son expression et son attitude exprimant une extrême fatigue. Ils reconnurent à peine le visage ordinairement si serein de leur Maître. S'adressant à Simon-Pierre, il lui dit: “Simon, tu dors? N'as-tu pu veiller une heure?”1 Oh! Simon, où est maintenant le dévouement dont tu te vantais? Toi qui déclarais il y a peu de temps pouvoir aller avec ton Seigneur en prison ou à la mort, tu l'as abandonné à l'heure de l'angoisse et de la tentation, pour chercher le repos! VJC 439.3

Jean, le disciple aimé qui s'était penché sur le sein de Jésus, était aussi endormi. L'amour de Jean pour son Maître aurait certainement dû le tenir éveillé. Ses ardentes prières auraient dû se mêler à celles de son Maître bien-aimé, au moment de sa suprême angoisse. Le Rédempteur, se sacrifiant toujours lui-même, avait passé des nuits entières dans les froides montagnes ou dans les taillis, priant pour ses disciples, afin que leur foi ne défaillît point à l'heure de la tentation. Si Jésus avait alors adressé à Jacques et à Jean la question qu'il leur avait une fois adressée: “Pouvez-vous boire la coupe que je dois boire, et être baptisés du baptême dont je dois être baptisé?” ils ne se seraient certes point aventurés à répondre: “Nous le pouvons.”2 VJC 440.1

Le Fils de Dieu était ému de compassion et de pitié à la vue de la faiblesse de ses disciples. Il se demandait si leur force ne faudrait point lorsqu'ils seraient témoins de sa trahison et de sa mort. Il ne leur fit point de reproche d'être si faibles; mais, en considération de l'épreuve qui approchait, il les exhorta en leur disant: “Veillez et priez, de peur que vous ne tombiez dans la tentation.” Puis, étant ému de pitié en présence de leur faiblesse, il les excusa d'avoir manqué à leur devoir envers lui, disant: “Car l'esprit est prompt, mais la chair est faible.” VJC 440.2

Le Fils de Dieu fut de nouveau saisi d'une angoisse surhumaine; défaillant et abattu, il retourna en chancelant au lieu qu'il avait quitté, et se prosterna de nouveau sur la terre. Sa souffrance était plus grande même qu'auparavant. Les cyprès et les palmiers furent les témoins silencieux de son angoisse. De leurs branches feuillues tombaient sur lui de grosses gouttes de rosée, comme si la nature versait des larmes sur son Auteur, qui luttait seul contre les puissances des ténèbres. VJC 440.3

Peu de temps auparavant, Jésus, comme un cèdre altier, bravait la tempête de l'opposition qui déchaînait sur lui sa fureur. D'opiniâtres volontés et des cœurs remplis de malice et d'artifice faisaient de vains efforts pour le confondre et l'emporter sur lui. La lutte ne fit que mettre en relief sa majesté divine et sa qualité de Fils de Dieu. Mais alors il était semblable au roseau brisé, battu et courbé par l'orage en furie. Peu d'heures auparavant, il avait épanché son âme devant ses disciples en de nobles accents, déclarant qu'il était un avec le Père, et remettant entre ses bras son Eglise élue, dans des paroles qui révélaient sa divine autorité. Maintenant, sa voix n'articule plus que de douloureux sanglots, et il se cramponne à la terre froide comme pour en être soulagé. VJC 441.1

Ces paroles du Sauveur: “Mon Père! s'il n'est pas possible que cette coupe passe loin de moi sans que je la boive, que ta volonté soit faite!” parvinrent aux oreilles de ses disciples assoupis. L'angoisse du Fils bien-aimé de Dieu était si grande que des gouttes de sang sortaient de ses pores. De nouveau, il se leva, son cœur humain soupirant après la sympathie de ses compagnons, et il revint au lieu où ses disciples dormaient. Sa présence les fit lever; ils virent tout effrayés son visage taché de sang, et exprimant une angoisse d'esprit pour eux inexplicable. VJC 441.2

Il ne leur parla point cette fois; mais, se détournant, il regagna sa retraite et tomba prosterné, accablé par d'horribles ténèbres. L'humanité du Fils de Dieu tremblait en cette heure d'épreuve. Le terrible moment qui devait décider du sort du monde était arrivé. Les armées célestes attendaient la fin de cette lutte avec un intense intérêt. Le Fils de l'homme eût pu, même alors, refuser de boire la coupe qui était la portion des hommes coupables. Il aurait pu essuyer la sueur sanglante de son front et laisser périr les hommes dans leur iniquité. Le Fils du Dieu infini boira-t-il la coupe amère de l'humiliation et de l'angoisse? L'innocent souffrira-t-il les conséquences de la colère de Dieu pour sauver les coupables? Ces paroles tombent des lèvres pâles et tremblantes de Jésus: “Mon Père! s'il n'est pas possible que cette coupe passe loin de moi sans que je la boive, que ta volonté soit faite!” VJC 441.3

Par trois fois il avait fait cette prière. Par trois fois son humanité avait frissonné devant ce dernier sacrifice; mais en ce moment l'histoire de la race humaine se présente à l'esprit du Rédempteur du monde. Il voit que les transgresseurs de la loi, abandonnés à eux-mêmes, doivent périr sous le déplaisir du Père. Il voit la puissance du péché, et l'impuissance de l'homme à se sauver. Les malheurs et les lamentations d'un monde perdu s'élèvent devant lui; il considère le sort qui menace la race humaine, et sa décision est prise. Il veut sauver les hommes à tout prix. Il accepte son baptême de sang, afin que les millions qui périssent puissent obtenir la vie éternelle par son moyen. Il a quitté la cour céleste où tout était pureté, bonheur et gloire, pour sauver sa brebis perdue, le seul monde qui fût tombé par la transgression; il ne se détournera point de la mission qu'il a choisie. Il veut descendre aux profondeurs mêmes de la misère pour sauver une race perdue et ruinée. VJC 442.1

Sa décision prise, et étant arrivé à la crise finale, Jésus tomba anéanti sur le sol d'où il s'était un peu relevé. Où sont maintenant ses disciples pour soutenir tendrement de leurs mains la tête du Maître défaillant, et pour rafraîchir ce front plus dévasté que ne l'a jamais été celui d'aucun fils des hommes? Le Sauveur était “tout seul à fouler le pressoir”; de tout son peuple, pas une âme n'était avec lui. Et pourtant, il n'était point seul. Il avait dit: “Moi et mon Père nous ne sommes qu'un.”1 Dieu souffrait avec son Fils. L'homme ne peut comprendre le sacrifice que fit le Dieu infini en abandonnant son Fils à l'opprobre, à l'angoisse et à la mort. C'est une preuve de l'amour illimité de Dieu pour les hommes. VJC 442.2

Les anges, qui accomplissaient la volonté de Christ dans les cieux, désiraient ardemment lui porter secours; mais il n'était pas en leur pouvoir d'alléger son angoisse. Ils n'avaient jamais senti le poids des péchés d'un monde perdu, et considéraient avec étonnement l'objet de leur adoration ployant sous une douleur au-dessus de toute expression. Quoique les disciples eussent négligé de témoigner leur sympathie à leur Seigneur dans ce rude conflit, tout le ciel en attendait le résultat avec un intérêt sympathique et douloureux. Lorsqu'il fut terminé, un ange fut envoyé du trône de Dieu pour servir le Rédempteur épuisé par la lutte. VJC 442.3

Tout à coup, les disciples furent réveillés de leur sommeil par une éclatante lumière qui resplendit autour du Fils de Dieu. Ils se levèrent tout étonnés, et virent un être céleste en vêtements lumineux se pencher sur leur Maître abattu. De la main droite, il soulevait la tête du divin patient et l'appuyait sur son sein, et de la gauche il lui montrait le ciel. Sa voix était semblable à la plus douce musique, tandis qu'il prononçait de tendres paroles, rappelant à Christ la victoire qu'il avait remportée sur l'ennemi puissant et astucieux. Christ avait vaincu Satan, et, comme résultat de son triomphe, des millions d'hommes devaient être également vainqueurs dans son royaume glorifié. VJC 443.1

La glorieuse vision de l'ange éblouit les yeux des disciples. Ils se souvinrent de la montagne de la transfiguration, de la gloire qui enveloppa Christ dans le temple, et de la voix de Dieu qui s'était fait entendre dans la nuée. La même gloire leur était révélée, et ils n'avaient plus aucune crainte pour leur Maître, puisque Dieu prenait soin de lui, et qu'il avait envoyé un ange pour le protéger de ses ennemis. Accablés par la fatigue, ils retombèrent dans leur sommeil, inconscients de ce qui se passait autour d'eux. VJC 443.2

Le Sauveur du monde se leva, chercha ses disciples, et, pour la troisième fois, les trouva endormis. Il les regarda tristement. Pourtant, ses paroles les réveillèrent: “Vous dormez encore, et vous vous reposez? Voici, l'heure est venue, et le Fils de l'homme va être livré entre les mains des méchants.” VJC 443.3

Ces paroles étaient encore sur ses lèvres, lorsqu'on enten-Christ ne pensait point à lui-même, mais aux disciples qu'il aimait. Il désirait leur épargner toute autre épreuve. VJC 443.4

Judas, le traître, n'oublia point son rôle; s'approchant de Jésus, il lui prit familièrement la main, comme à un ami, et lui donna le baiser de la trahison. “Jésus lui dit: Mon ami, pour quel sujet es-tu ici?” Puis, la voix tremblante de douleur, il adressa à Judas ces paroles: “Trahis-tu ainsi le Fils de l'homme par un baiser?” Cet appel si touchant aurait dû réveiller la conscience de Judas, et toucher son cœur endurci; mais il n'y avait plus en lui aucun sentiment d'honneur, de fidélité ou de tendresse humaine. Il était là, devant son Maître, plein d'arrogance et de défiance, et nullement disposé à reculer. Il s'était livré à l'influence de Satan, et il n'avait plus le pouvoir d'y résister. Jésus ne repoussa point le baiser de celui qui le trahissait. En ceci il nous donne un exemple sans parallèle de support, d'amour et de pitié. VJC 445.1

La troupe meurtrière surprise et effrayée de ce qu'elle avait vu et éprouvé, retrouva son assurance et sa hardiesse lorsqu'elle vit l'effronterie avec laquelle Judas osa toucher la personne de celui que tous venaient de voir glorifié. Aussi ces hommes violents posent-ils les mains sur Jésus, et se disposent-ils à lier celui qui n'a jamais fait que du bien. VJC 445.2

Lorsque les disciples avaient vu cette troupe d'hommes forts jetée sans force sur le sol, ils avaient pensé que leur Maître ne permettrait point qu'on mît la main sur lui; car la même puissance qui avait renversé cette troupe de mercenaires pouvait la maintenir dans un état d'impuissance jusqu'à ce que Jésus et ses compagnons se fussent mis sains et saufs hors de leur portée. Aussi furent-ils déçus et indignés lorsqu'ils virent apporter des cordes pour lier les mains de celui qu'ils aimaient. Pierre, dans une véhémente irritation, tira l'épée, et coupa l'oreille d'un serviteur du souverain sacrificateur. VJC 445.3

Lorsque Jésus vit ce que Pierre avait fait, il dégagea ses mains de l'étreinte des soldats romains, et dit: “Arrête-toi”; puis, touchant l'oreille blessée, il la guérit instantanément. Alors il dit à Pierre: “Remets ton épée dans le fourreau; car tous ceux qui prendront l'épée périront par l'épée. Penses-tu que je ne puisse pas maintenant prier mon Père, qui me donnerait aussitôt plus de douze légions d'anges? Comment donc s'accompliraient les Ecritures qui disent qu'il faut que cela arrive ainsi?” “Ne boirai-je pas la coupe que le Père m'a donnée à boire?” Jésus, se tournant alors du côté des sacrificateurs et des capitaines du temple qui faisaient partie de cette horde meurtrière, leur dit: “Vous êtes sortis comme après un brigand, avec des épées et des bâtons, pour me prendre. J'étais tous les jours au milieu de vous, enseignant dans le temple, et vous ne m'avez point saisi; mais tout ceci est arrivé, afin que les Ecritures fussent accomplies.” VJC 445.4

Lorsque les disciples virent que Jésus ne se délivrait pas lui-même des mains de ses ennemis, mais qu'il se laissait lier, ils furent fâchés pour lui et pour eux-mêmes qu'il souffrît cette humiliation. Ils venaient d'être témoins d'un exemple de sa puissance; il avait renversé ceux qui étaient venus pour le prendre; il avait guéri le serviteur auquel Pierre avait coupé l'oreille, et ils savaient que s'il le voulait, il pouvait échapper à cette troupe inhumaine. Ils le blâmèrent d'agir ainsi; puis, mortifiés et frappés de terreur à la vue de cette conduite incompréhensible de leur Maître, ils l'abandonnèrent et s'enfuirent. Jésus avait prévu cette désertion, et dans la chambre haute, il avait averti ses disciples, leur prédisant en ces mots la manière dont ils se conduiraient en ce moment-là: “Voici, l'heure vient, et elle est déjà venue, que vous serez dispersés chacun de son côté, et que vous me laisserez seul; mais je ne suis pas seul, parce que mon Père est avec moi.”1 VJC 446.1

Judas lui-même était surpris que Jésus se livrât à ceux qui cherchaient à le faire mourir. Il savait que les ennemis du Sauveur avaient bien des fois formé des plans pour se saisir de lui; mais Jésus s'était retiré tranquillement, et avait chaque fois réduit à néant leurs desseins meurtriers. Maintenant, le traître voyait avec étonnement que son Maître se laissait lier et emmener. Pourtant, le faux disciple se flattait de l'espoir que Jésus ne s'était laissé saisir que pour mieux manifester sa puissance, en échappant à ses ennemis d'une manière miraculeuse. Car il savait qu'autrement il ne pourrait échapper à cette bande armée. Depuis trois ans, les Juifs avaient résolu secrètement de se saisir de lui, et maintenant qu'ils avaient réussi, ils ne le laisseraient point échapper à la mort si cela était en leur pouvoir. VJC 446.2

Jésus était pressé par la troupe insultante. Il n'avançait qu'avec peine, car ses mains étaient fortement liées, et il était serré de très près. Il fut d'abord conduit chez le beau-père du souverain sacrificateur, nommé Anne, homme dont les conseils étaient recherchés et suivis par les Juifs, comme si sa voix eût été la voix de Dieu. Anne désirait ardemment avoir la terrible satisfaction de voir le premier Jésus de Nazareth, lié comme un prisonnier. Après que le Sauveur eut comparu devant Anne, il fut rapidement emmené, car les sacrificateurs et les principaux avaient décidé qu'aussitôt qu'ils seraient maîtres de sa personne, ils le feraient juger et condamner sans délai. Ils craignaient en effet que le peuple, se rappelant ses actes de charité et de miséricorde, ne l'arrachât de leurs mains. VJC 447.1