La Vie de Jésus-Christ

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Chapitre 33 — Va et ne pèche plus

“Et à la pointe du jour Jésus retourna au temple, et tout le peuple vint à lui; et s'étant assis, il les enseignait.” VJC 319.1

Pendant que Jésus était occupé à enseigner, les scribes et les pharisiens lui amenèrent une femme qu'ils accusaient du péché d'adultère, et lui dirent: Maître! “Moïse nous a ordonné dans la loi de lapider ces sortes de personnes; toi donc qu'en dis-tu? Ils disaient cela pour l'éprouver, afin de le pouvoir accuser. Mais Jésus, s'étant baissé, écrivait avec le doigt sur la terre.”1 VJC 319.2

Les scribes et les pharisiens s'étaient entendus pour présenter ce cas devant Jésus, pensant que quelle que fût sa décision, ils trouveraient occasion de l'accuser et de le condamner. S'il avait acquitté la femme, ils l'auraient accusé de mépriser la loi de Moïse et l'auraient condamné à cause de cela, et s'il avait déclaré qu'elle avait mérité la mort, ils l'auraient accusé auprès des Romains comme un séditieux, assumant une autorité qui n'appartenait qu'à eux. Mais Jésus savait bien dans quel but ils étaient venus à lui. Il lisait les secrets de leurs cœurs, connaissait le caractère et l'histoire de la vie de tous ceux qui étaient en sa présence. Il paraissait indifférent à la question des pharisiens, et, pendant qu'ils parlaient et se pressaient autour de lui, il se baissa et écrivit avec son doigt sur le sable. VJC 319.3

Quoiqu'il agît ainsi sans dessein apparent, Jésus traçait sur la terre, en caractères lisibles, les péchés particuliers dont s'étaient rendus coupables ceux qui accusaient la femme, commençant depuis le plus vieux jusqu'au plus jeune. A la fin, les pharisiens s'impatientèrent de l'indifférence de Jésus, de son délai à décider la question qu'ils lui proposaient, et ils se pressèrent autour de lui pour obtenir une réponse. Mais comme leurs yeux tombaient sur les paroles écrites sur le sable, ils furent remplis de crainte et de surprise; ceux qui les regardaient, les voyant subitement changer de contenance, se rapprochèrent pour découvrir ce qu'ils contemplaient avec une telle expression d'étonnement et de honte. Beaucoup de ceux donc qui étaient assemblés autour d'eux lurent ainsi le récit des péchés cachés, inscrits contre les accusateurs de la femme. VJC 319.4

Alors, Jésus “s'étant redressé, leur dit: Que celui de vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle. Et s'étant encore baissé, il écrivait sur la terre”. Les accusateurs virent que non seulement Jésus connaissait les secrets de leurs péchés passés, mais qu'il connaissait le but qu'ils se proposaient en lui amenant la femme, et que, dans sa sagesse incomparable, il avait renversé le complot qu'ils avaient adroitement ourdi contre lui. Ils craignirent alors que Jésus n'exposât leur culpabilité devant tous ceux qui étaient présents; c'est pourquoi, “se sentant repris par leur conscience, ils sortirent l'un après l'autre, commençant depuis les plus vieux jusqu'aux derniers; et Jésus demeura seul avec la femme qui était là au milieu”. VJC 320.1

Il n'y avait aucun des accusateurs de la femme tremblante et remplie de honte, qui ne fût plus coupable qu'elle. Après que les pharisiens se furent hâtés de sortir de la présence de Christ, consternés de voir leur culpabilité découverte, Jésus se redressa et, regardant la femme, il lui dit: “Femme, où sont ceux qui t'accusaient? Personne ne t'a-t-il condamnée? Elle dit: Personne, Seigneur! Et Jésus lui dit: Je ne te condamne point non plus; va-t'en, et ne pèche plus à l'avenir.” VJC 320.2

Jésus n'a pas pallié le péché, ni amoindri l'horreur du crime; mais il n'est pas venu condamner; il est venu conduire le pécheur à la vie éternelle. Le monde regardait cette femme pécheresse comme digne d'être méprisée et repoussée; mais Jésus, pur et saint, s'arrêta pour lui adresser des paroles de consolation, l'encourageant à réformer sa vie. Au lieu de condamner les coupables, son œuvre était d'atteindre les profondeurs de la misère et de la dépravation humaines, de relever ceux qui étaient abaissés, et de commander aux pénitents tremblants de ne plus pécher. Lorsque la femme se tenait devant Jésus, courbée sous l'accusation des pharisiens et sous le sentiment de l'énormité de son crime, elle savait que sa vie vacillait dans la balance, et qu'une parole de Jésus mettrait le feu à l'indignation de la foule, de sorte que le peuple la lapiderait immédiatement. VJC 320.3

Ses yeux s'abaissèrent devant le regard calme et scrutateur de Christ. Remplie de honte, elle n'osa regarder cet être saint. Comme elle attendait ainsi la sentence qui devait être prononcée sur elle, des paroles frappent son oreille étonnée. Non seulement elle était délivrée de ses accusateurs, mais ceux-ci étaient renvoyés, convaincus de plus grands crimes qu'elle-même. Après qu'ils furent partis, elle entend ces paroles tristement solennelles de Jésus: “Personne ne t'a-t-il condamnée?” “Va-t'en, et ne pèche plus à l'avenir.” Son cœur attendri sous l'effet d'une douleur cuisante, et remplie de gratitude envers son Sauveur, elle tombe aux pieds de Jésus, exprimant par ses sanglots les émotions de son cœur, confessant ses péchés avec des larmes amères. VJC 321.1

Ce fut le commencement d'une nouvelle vie pour cette âme tentée et déchue — une vie de pureté et de paix, consacrée au service de Dieu. En ramenant cette femme à une vie vertueuse, Jésus accomplit un acte plus grand que celui de guérir les plus graves maladies. Il guérit la maladie de l'âme qui conduit à la mort éternelle. Cette femme pénitente devint une des disciples les plus fermes de Jésus. Elle montra sa reconnaissance du pardon et de la compassion de Christ par son renoncement, son amour et son adoration. Lorsque, plus tard, elle se tint frappée de douleur au pied de la croix, et vit l'angoisse peinte sur le visage de son Seigneur mourant, entendit son cri amer, son âme fut de nouveau percée; car elle savait que son sacrifice était fait à cause du péché; et elle sentait la responsabilité qui pesait lourdement sur elle, comme une pécheresse dont la profonde culpabilité avait causé cette angoisse au Fils de Dieu. Elle sentait que ces douleurs qui agitaient le Sauveur étaient pour son salut; le sang qui coulait de ses blessures devait effacer ses péchés à elle; les soupirs qui s'échappaient de ses lèvres mourantes étaient causés par ses transgressions. Son cœur souffrait d'une douleur inexprimable, elle sentait qu'une vie d'abnégation et de sacrifice compenserait bien peu le don de la vie qui lui était procuré à un prix aussi infini! VJC 321.2

Dans l'acte de pardonner à cette femme déchue et de l'encourager à vivre d'une vie meilleure, le caractère de Jésus paraît dans la beauté d'une parfaite justice. Ne connaissant point la souillure du péché lui-même, il a pitié de la faiblesse de cette femme égarée et lui tend une main secourable. Tandis que les pharisiens hypocrites, pleins de propre justice, dénoncent; que la foule tumultueuse est prête à lapider et à tuer; et que la victime tremblante attend la mort, Jésus, l'ami du pécheur, dit à la femme: “Va-t'en, et ne pèche plus à l'avenir.” VJC 322.1

Ce n'est point le vrai disciple de Christ qui se détourne de ceux qui sont égarés avec un regard froid et plein d'aversion, les laissant courir à leur perte sans retenue. La charité chrétienne est lente à censurer, prompte à reconnaître la repentance, prête à pardonner, à encourager, à conduire et à maintenir dans le chemin de la vertu celui qui s'égarait. VJC 322.2

La sagesse que montra Jésus en cette occasion, en se défendant contre les desseins de ses ennemis, la preuve qu'il leur donna de sa connaissance des secrets de leur vie, la conviction qu'il portait dans les consciences coupables des hommes mêmes qui cherchaient sa vie, étaient des preuves suffisantes de son caractère divin. Jésus enseigna aussi une importante leçon à cette occasion: c'est que ceux qui sont toujours les premiers pour accuser les autres, prompts à les trouver en faute et zélés pour les faire paraître en justice, sont souvent plus coupables dans leur conduite intime que ceux qu'ils accusent. Plusieurs de ceux qui étaient témoins de cette scène furent amenés à comparer la compassion de Jésus qui pardonnait, à l'esprit implacable des pharisiens chez lesquels la miséricorde était étrangère, et ils se tournèrent vers le Sauveur miséricordieux comme vers celui qui pouvait conduire le pécheur repentant à la paix et au salut. VJC 322.3

“Jésus parla encore au peuple, et dit: Je suis la lumière du monde: celui qui me suit ne marchera point dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie.”1 Jésus s'était comparé dans ses relations avec l'homme déchu, à une source d'eau vive, à laquelle tous ceux qui ont soif peuvent aller se désaltérer. En ce moment-là, les brillantes lumières du temple jetaient leurs lueurs sur Jérusalem; Jésus s'en servit pour représenter ses relations avec le monde. Il déclara en paroles claires et saisissantes: “Je suis la lumière du monde.” Comme ces lampes pouvaient être aisément vues de toute la ville, de même Christ, la source de la lumière spirituelle, illuminait les ténèbres d'un monde plongé dans le péché. Sa tenue était si imposante et ses paroles avaient un tel accent de vérité, que plusieurs furent alors convaincus qu'il était vraiment le Fils de Dieu. Mais les pharisiens, toujours prêts à le contredire, l'accusèrent d'amour propre, disant: “Tu rends témoignage de toi-même; ton témoignage n'est pas véritable.” Jésus répondit à leurs objections, et affirma de nouveau la divinité de son ministère. VJC 323.1

“Quoique je rende témoignage de moi-même, mon témoignage est véritable, car je sais d'où je suis venu, et où je vais; mais vous, vous ne savez d'où je viens, ni où je vais.” Ils ignoraient son saint caractère et sa divine mission, parce qu'ils n'avaient pas sondé les prophéties concernant le Messie, comme c'était leur privilége et leur devoir de le faire. Ils n'avaient aucun rapport avec Dieu et le ciel, et par conséquent ils ne comprenaient pas l'œuvre du Sauveur du monde; et quoiqu'ils eussent la preuve la plus convaincante que Jésus était le Sauveur, ils refusaient pourtant d'ouvrir leurs cœurs à l'intelligence. Dès le commencement, ils s'étaient tournés contre lui et avaient refusé de croire les plus fortes preuves de sa divinité, et, comme conséquence, leurs cœurs s'étaient endurcis, jusqu'à ce qu'ils fussent résolus à ne point croire et à ne point le recevoir. VJC 323.2

“Vous jugez selon la chair; moi je ne juge personne; et quand je jugerais, mon jugement serait digne de foi, car je ne suis pas seul; mais le Père qui m'a envoyé est avec moi.” Il déclara ainsi qu'il était envoyé de Dieu pour faire son œuvre. Il n'avait point consulté les sacrificateurs, ni les gouverneurs, quant à la conduite qu'il avait à suivre; sa mission provenait de la plus haute autorité, du Créateur même de l'univers. Jésus, dans son œuvre sacrée, avait enseigné le peuple; soulagé ceux qui souffraient; pardonné les péchés aux pénitents; purifié le temple qui était la maison de son Père; et chassé d'entre ses murs ceux qui le déshonoraient. Il avait condamné la vie hypocrite des pharisiens, et avait censuré leurs péchés cachés; et dans tout cela, il avait agi selon les instructions de son Père céleste. C'est pour cette raison qu'ils le haïssaient et cherchaient à lui ôter la vie. Jésus leur dit: “Vous êtes d'ici-bas; et moi je suis d'en haut. Vous êtes de ce monde; et moi je ne suis pas de ce monde.” VJC 324.1

“Lorsque vous aurez élevé le Fils de l'homme, alors vous connaîtrez ce que je suis, et que je ne fais rien de moi-même, mais que je dis ce que mon Père m'a enseigné. Celui qui m'a envoyé est avec moi; et le Père ne m'a point laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui est agréable.” Ces paroles furent prononcées avec une puissance saisissante. Pour le moment, les pharisiens eurent la bouche fermée, et plusieurs de ceux qui écoutaient avec un esprit attentif s'unirent à Jésus et crurent qu'il était le Fils de Dieu. Jésus dit à ceux qui avaient cru en lui: “Si vous persistez dans ma doctrine, vous serez véritablement mes disciples; et vous connaîtrez la vérité; et la vérité vous affranchira.” Mais il déclarait aux pharisiens qui l'avaient rejeté et qui endurcissaient leurs cœurs contre lui: “Je m'en vais, et vous me chercherez, et vous mourrez dans votre péché; vous ne pouvez venir où je vais.” VJC 324.2

Mais les pharisiens se saisissant des paroles que Jésus adressait à ceux qui avaient cru en lui, les commentaient disant: “Nous sommes la postérité d'Abraham, et nous ne fûmes jamais esclaves de personne; comment donc dis-tu: Vous serez affranchis.” Jésus regardant ces hommes — esclaves de l'incrédulité et de la méchanceté, et dont le cœur était rempli de vengeance — leur répondit: “En vérité, en vérité je vous dis que quiconque s'adonne au péché est esclave du péché.” Ils étaient sous la pire des servitudes, gouvernés par l'esprit du mal. Jésus leur déclara que s'ils étaient les vrais enfants d'Abraham, vivant dans l'obéissance à Dieu, ils ne chercheraient pas à le faire mourir, lui qui leur disait la vérité qui lui avait été donnée de Dieu. Ce n'était point là faire les œuvres d'Abraham qu'ils déclaraient être leur père. VJC 325.1

Jésus nia solennellement que les Juifs suivissent l'exemple d'Abraham: “Vous faites les œuvres de votre père.” Les pharisiens comprenant en partie la signification de ces paroles, dirent: “Nous ne sommes pas des enfants bâtards; nous n'avons qu'un seul Père qui est Dieu.” Mais Jésus leur répondit: “Si Dieu était votre Père, vous m'aimeriez sans doute, parce que je suis issu de Dieu, et que je viens de sa part; car je ne suis pas venu de moi-même, mais c'est lui qui m'a envoyé.” Les pharisiens s'étaient détournés de Dieu et avaient refusé de reconnaître son Fils. Si leurs esprits avaient été ouverts à l'amour de Dieu, ils auraient reconnu le Sauveur qui avait été envoyé au monde par lui. Jésus leur révèle hardiment leur état désespéré: VJC 325.2

“Le père dont vous êtes issus, c'est le diable, et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement, et il n'a point persisté dans la vérité, parce que la vérité n'est point en lui. Toutes les fois qu'il dit le mensonge, il parle de son propre fonds; car il est menteur et le père du mensonge. Mais parce que je dis la vérité, vous ne me croyez point.” Ces paroles furent prononcées d'un accent ému, car Jésus comprenait dans quelle triste condition ces hommes étaient tombés. Mais ses ennemis l'écoutèrent avec une colère mal contenue. Cependant, son maintien majestueux et la puissance des vérités qu'il leur annonçait, les retinrent impuissants. Jésus, continuant d'établir le contraste frappant qu'il y avait entre eux et Abraham, dont ils prétendaient être les fils, leur dit: VJC 325.3

“Abraham, votre père, s'est réjoui de voir mon jour; il l'a vu, et il en a eu de la joie.” Les Juifs l'écoutèrent d'un air incrédule, et lui dirent en raillant: “Tu n'as pas encore cinquante ans, et tu as vu Abraham!” Jésus, d'un ton plein de dignité qui fit tressaillir leurs âmes et les convainquit presque, leur répondit: “En vérité, en vérité je vous dis: Avant qu'Abraham fût, j'étais.” Pendant un moment, ces paroles produisirent un effet si saisissant sur le peuple, que tous demeurèrent dans le silence. Mais les pharisiens, échappant bientôt à l'influence de ces paroles, et craignant l'effet qu'elles produisaient sur le peuple, commencèrent à faire du tumulte, l'accusant d'être un blasphémateur. “Alors ils prirent des pierres pour les jeter contre lui; mais Jésus se cacha, et sortit du temple, passant au milieu d'eux; et ainsi il s'en alla.” VJC 326.1