La Vie de Jésus-Christ

30/56

Chapitre 29 — Christ dans la synagogue

Cette entrevue de Jésus avec ses disciples, dans laquelle ces derniers avaient reçu beaucoup d'instructions précieuses, fut interrompue par l'arrivée de ceux qui l'avaient cherché. Comme le peuple accourait en foule auprès de lui, apportant leurs malades et leurs affligés, il se rendit dans la synagogue. Pendant qu'il y enseignait, plusieurs de ceux qui l'avaient laissé de l'autre côté de la mer vinrent à la synagogue, et furent surpris de voir là avant eux Jésus et ses disciples, sachant qu'il n'y avait point de bateau avec lequel il pût passer de l'autre côté. Ils s'enquérirent pour savoir quand et comment il avait traversé la mer. Ils furent surpris lorsque les disciples leur racontèrent les événements de la nuit précédente. La fureur de la tempête, et les heures pendant lesquelles ils ramèrent inutilement contre la violence des vents contraires; l'apparition de Christ marchant sur les eaux; la frayeur qu'ils avaient eue; ses paroles rassurantes; l'aventure de Pierre et son résultat, ainsi que l'apaisement subit de la tempête et l'abordage de la barque, tout fut fidèlement raconté à la foule émerveillée, au milieu de fréquentes interruptions et d'exclamations de surprise. VJC 278.1

Mais leur attention allait maintenant être appelée sur les leçons de Jésus, si pleines d'intérêt solennel. Beaucoup de personnes étaient profondément émues, mais l'esprit de quelques-uns était entièrement rempli de curiosité concernant le récit merveilleux qu'ils avaient entendu. Aussitôt que le discours fut achevé, ils se pressèrent autour du Sauveur, le questionnant et espérant recevoir de ses propres lèvres un récit plus complet de son œuvre puissante de la nuit précédente. Mais Jésus ne satisfit pas leur curiosité mal placée. Il était aussi pressé par les pharisiens de faire voir par un miracle du ciel qu'il était le Fils de Dieu. Ceux-ci demandaient une preuve de son pouvoir miraculeux, telle que celle qui avait été donnée de l'autre côté de la mer. Ils l'importunaient en lui demandant de répéter ses œuvres merveilleuses devant eux. VJC 278.2

Jésus leur déclara qu'ils ne le cherchaient pas pour un digne motif; qu'ils ne désiraient pas apprendre comment servir Dieu dans leur vie journalière; mais ils lui demandaient de faire un miracle, tantôt dans un esprit d'incrédulité, et tantôt dans l'espérance de profiter des faveurs temporelles qu'il pourrait ainsi leur conférer. Il leur commanda de travailler, non pour la nourriture qui périt, mais pour la nourriture spirituelle, cette sagesse qui subsiste jusqu'à la vie éternelle. Le Fils de Dieu seul pouvait donner cela, car il a le sceau du Père. Avec un sérieux solennel, il chercha à leur faire comprendre que les faveurs temporelles sont de peu de conséquence, comparées à la grâce céleste offerte par le Fils de Dieu. VJC 279.1

“Ils lui dirent: Que ferons-nous pour faire les œuvres de Dieu? Jésus leur répondit: C'est ici l'œuvre de Dieu, que vous croyiez en celui qu'il a envoyé. Alors ils lui dirent: Quel miracle fais-tu donc, afin que nous le voyions, et que nous croyions en toi? Quelle œuvre fais-tu? Nos pères ont mangé la manne dans le désert, selon qu'il est écrit: Il leur a donné à manger le pain du ciel.”1 C'était Christ lui-même qui conduisait les Hébreux dans leur voyage à travers le désert. C'était lui qui les avait nourris chaque jour de manne céleste; pourtant ils parlent aveuglément de ce miracle fait pour leurs pères, dans un esprit d'incrédulité et de contestation. Jésus leur déclara que comme Dieu leur avait envoyé la manne pour leur conserver la vie, il leur avait fait don de son Fils, afin que par lui ils pussent manger le pain de vie et devenir immortels. VJC 279.2

“Et Jésus leur dit: En vérité, en vérité je vous le dis: Moïse ne vous a point donné le pain du ciel, mais mon Père vous donne le vrai pain du ciel; car le pain de Dieu est celui qui est descendu du ciel, et qui donne la vie au monde. Ils lui dirent: Seigneur! donne-nous toujours de ce pain-là.” Jésus se sert du pain comme d'une image pour représenter la puissance vivifiante de son Esprit. L'un soutient la vie physique, tandis que l'autre satisfait le cœur et fortifie les facultés morales. “Et Jésus leur dit: Je suis le pain de vie. Celui qui vient à moi n'aura point de faim, et celui qui croit en moi n'aura jamais soif. Mais je vous l'ai déjà dit, que vous m'avez vu, et cependant vous ne croyez point.” Ceux qui ont joui de la communion de Christ n'auront jamais faim de jouissances plus grandes. Toute incertitude a disparu, l'âme fatiguée trouve des rafraîchissements continuels dans le Sauveur. La soif fiévreuse des richesses et des honneurs est passée. Christ est en eux une source qui jaillit en vie éternelle. VJC 279.3

Jésus assura aux Juifs qu'ils l'avaient vu ainsi que ses œuvres, et que pourtant ils ne croyaient pas. Il ne faisait pas allusion au fait qu'ils le voyaient de leurs yeux, mais il entendait que leurs esprits avaient été convaincus, tandis que leurs cœurs endurcis et orgueilleux refusaient de le reconnaître comme Messie. Le Sauveur avait fait au milieu d'eux des œuvres qu'aucun homme n'a jamais pu faire. Les preuves vivantes de sa puissance divine s'étaient présentées à eux jour après jour; cependant leurs cœurs méchants et querelleurs demandaient encore un autre signe de sa divinité avant de vouloir croire. Si cela leur eût été accordé, ils seraient demeurés aussi incrédules qu'auparavant. Si ce qu'ils avaient vu et entendu n'était pas suffisant pour les convaincre de sa messianité, il était inutile de leur faire voir des œuvres plus merveilleuses. La dignité du saint Fils de Dieu ne devait point être compromise dans le but de satisfaire la curiosité de la foule. VJC 280.1

Jésus dit: “Car le cœur de ce peuple est appesanti; ils ont ouï dur de leurs oreilles, ils ont fermé les yeux, afin qu'ils n'aperçoivent pas de leurs yeux, et qu'ils n'entendent pas de leurs oreilles, et qu'ils ne comprennent pas du cœur, et qu'ils ne se convertissent pas, et que je ne les guérisse pas.”1 L'incrédulité trouvera toujours lieu de douter, et des raisons pour repousser la preuve la plus positive. Les Juifs se tenaient constamment sur leurs gardes dans la crainte qu'ils ne fussent forcés, par des preuves écrasantes, d'abandonner leurs préjugés et leur incrédulité. Quoique leur intelligence fût convaincue, ils refusaient de soumettre leur orgueil; et leur propre justice ne voulait point admettre qu'eux, qui s'étaient vantés de leur sagesse au-dessus du reste du monde, eussent besoin qu'on les enseignât. VJC 280.2

Les Juifs s'étaient assemblés pour célébrer la Pâque. En mangeant la chair de l'agneau, ils devaient se souvenir qu'il représentait l'Agneau de Dieu, et la protection dont ils avaient joui quand les premiers-nés de leurs ennemis avaient été mis à mort en Egypte. Le sang qu'il était commandé aux Hébreux d'avoir sur les linteaux de leurs portes, et qui était un signe de leur sûreté, représentait aussi le sang de Christ qui devait être versé pour les péchés du monde. Le Sauveur a le pouvoir de ressusciter finalement des morts tous ceux qui, par la foi, mangent de sa chair et boivent de son sang. Cette nourriture spirituelle donne aux croyants une espérance bien fondée de la résurrection à une vie immortelle dans le royaume de Dieu. VJC 281.1

Jésus déclara ces vérités précieuses à la foule incrédule disant: “Tout ce que le Père me donne viendra à moi, et je ne mettrai point dehors celui qui viendra à moi; car je suis descendu du ciel pour faire, non ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé. Et c'est ici la volonté du Père qui m'a envoyé, que je ne perde aucun de ceux qu'il m'a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour.” VJC 281.2

Il parla de son prochain sacrifice en ces termes: “Et le pain que je donnerai, c'est ma chair, que je donnerai pour la vie du monde.” Il offrait son salut à tous ceux qui voulaient l'accepter, revêtu de notre humanité comme leur Rédempteur, et ayant accès auprès du Père qui l'avait investi de sa divine autorité. VJC 281.3

Mais les Juifs furent mécontents que Jésus prétendît être le pain de vie descendu du ciel. Et ils disaient: “N'est-ce pas là Jésus, le fils de Joseph, dont nous connaissons le père et la mère? Comment donc dit-il: Je suis descendu du ciel?” Ils étaient tellement attachés à leur bigoterie et à leur orgueil qu'il semblait alors impossible qu'ils pussent croire à l'évidence qui était aussi claire que le soleil en plein midi. Leur jalousie était excitée de ce que cet homme d'humble origine fût capable de faire des miracles dont ils ne pouvaient nier la réalité, et enseigner des vérités qui ne pouvaient être contredites. Ainsi ils essayèrent de soulever les préjugés et l'incrédulité du peuple en rappelant d'un air moqueur la basse origine de Jésus, et sa naissance mystérieuse, insinuant qu'il était d'une parenté douteuse. Ils faisaient dédaigneusement allusion à sa vie comme ouvrier de Galilée, et à sa famille comme étant pauvre et basse. Ils déclaraient que les fières prétentions de ce charpentier sans instruction devraient être promptement repoussées. VJC 281.4

Mais Jésus entendit leurs murmures et les reprit. De nouveau il déclara en paroles encore plus convaincantes sa liaison avec le Père, et la nécessité d'avoir le cœur éclairé par l'Esprit de Dieu, avant de pouvoir sentir le besoin d'un Sauveur. “Personne ne peut venir à moi, si le Père, qui m'a envoyé, ne l'attire; et je le ressusciterai au dernier jour. Il est écrit dans les prophètes: Ils seront tous enseignés de Dieu. Quiconque donc a écouté le Père, et a été instruit par lui, vient à moi.”1 Jésus rappelle ici la prophétie d'Esaïe: “Aussi tous tes enfants seront enseignés de l'Eternel, et la paix de tes fils sera abondante”.2 VJC 282.1

Ce n'était pas une nouvelle doctrine que Jésus enseignait. C'était l'accomplissement de la prophétie, et, comme docteurs de la Parole, les sacrificateurs et les anciens auraient dû la comprendre parfaitement. En déclarant que personne ne venait à lui, à moins que le Père ne l'attirât, le Sauveur désirait leur faire comprendre que Dieu ne paraîtrait jamais en personne pour leur enseigner le chemin de la vie. L'humanité ne pourrait un seul instant supporter la vue de sa gloire; ce n'est que par le Fils que les hommes peuvent s'approcher de Dieu. En voyant et en entendant le Fils, ils voyaient et entendaient le Père. Il est médiateur entre Dieu et ses enfants désobéissants. Les Juifs prétendaient n'être enseignés que de Dieu, mais Jésus déclara vaines de telles prétentions; car, dit-il: “Quiconque donc a écouté le Père, et a été instruit par lui, vient à moi.” VJC 282.2

Jésus ne chercha pas plus à répondre aux questions concernant sa naissance, qu'à celles qui concernaient sa dernière traversée du lac. Il ne désirait pas se glorifier lui-même, ni se prévaloir des miracles qui marquaient sa vie. Les préventions des pharisiens dépassaient ce que leurs questions indiquaient; elles avaient pris racine dans la perversité amère de leurs mauvais cœurs. Ses paroles et ses actes n'avaient pas fait naître de tels sentiments, mais les avaient fait paraître, parce que sa doctrine pure et élevée n'était point d'accord avec leurs cœurs égoïstes. Il leur dit: “En vérité, en vérité je vous le dis: Celui qui croit en moi a la vie éternelle. Je suis le pain de vie.”1 Il y avait des vues contraires et beaucoup d'incertitude concernant la résurrection des morts. Outre les dissensions qui existaient entre les sadducéens et les pharisiens, les Juifs étaient dans une grande obscurité concernant la vie future et la résurrection du corps. Jésus avait pitié de leur condition d'ignorance, et il les invitait à l'accepter, lui qui était leur seule espérance, celui qui donne la vie, même le “pain de vie”. VJC 283.1

Ils lui avaient rappelé la manne que leurs pères mangèrent dans le désert, comme si le don de cette nourriture était un plus grand miracle que celui que Jésus avait fait; mais il leur déclara alors que la nourriture temporelle qui leur avait été donnée du ciel, n'était qu'un faible don comparé au don de la vie éternelle qu'il leur offrait alors. Cette nourriture mangée alors soutenait les forces du corps, mais ne prévenait point l'approche de la mort, et n'assurait point la vie éternelle. Le pain que le Fils de Dieu offre aux hommes doit détruire la mort, donnant à la fin la vie éternelle au corps. Jésus dit: “Vos pères ont mangé la manne dans le désert, et ils sont morts. C'est ici le pain qui est descendu du ciel, afin que celui qui en mange ne meure point. Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel: si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement; et le pain que je donnerai, c'est ma chair, que je donnerai pour la vie du monde.” VJC 283.2

Notre Seigneur a ici en vue sa mort prochaine, la seule vraie propitiation pour les péchés de l'humanité. Les Juifs étaient sur le point de célébrer avec grande pompe la fête de Pâque. L'agneau qui devait y être mangé était un symbole du corps de Christ. Et cependant la personne même qu'il représentait se tenait au milieu d'eux, se déclarant elle-même être leur Sauveur dont le sang les préserverait de la colère d'un Dieu qui hait le péché, et ils refusaient ses offres de miséricorde. VJC 284.1

Le miracle que Jésus avait accompli en nourrissant la foule, lui fournit une image frappante par laquelle il put illustrer son œuvre sur la terre. Il déclara que comme le pain communique la santé et la force au corps, ainsi la foi en Christ et l'obéissance à ses enseignements donnent une vigueur spirituelle à l'âme, et procurent finalement la vie éternelle. Mais les Juifs, déterminés à mal interpréter ses paroles, et à engager une contestation irritante, demandèrent: “Comment cet homme peut-il nous donner sa chair à manger?” Ils affectaient de comprendre ses paroles dans le sens littéral, de même que Nicodème quand il demanda: “Comment un homme peut-il naître quand il est vieux?” Ils comprenaient ce que Jésus voulait dire, mais ils ne désiraient pas le reconnaître. Ils pensèrent que c'était une bonne occasion de prévenir le peuple contre lui, en leur présentant les paroles de Jésus sous le jour le plus défavorable. Alors “Jésus leur dit: En vérité, en vérité je vous le dis: Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez point la vie en vous-mêmes. Celui qui mange ma chair, et qui boit mon sang, a la vie éternelle; et je le ressusciterai au dernier jour. Car ma chair est véritablement une nourriture, et mon sang est véritablement un breuvage. Celui qui mange ma chair, et qui boit mon sang, demeure en moi, et moi en lui. Comme le Père, qui est vivant, m'a envoyé, et que je vis par le Père, ainsi celui qui me mangera vivra par moi. C'est ici le pain qui est descendu du ciel. Il n'en est pas comme de la manne que vos pères ont mangée, et ils sont morts; celui qui mangera ce pain vivra éternellement.” VJC 284.2

Les Juifs parurent remplis d'horreur à ces paroles de Christ. Leur loi leur défendait strictement de goûter du sang, et ils tournèrent ses paroles en sacrilége, contestant et disputant entre eux là-dessus. Jésus donnait à ses disciples et au peuple des leçons qu'ils ne pouvaient entièrement comprendre dans ce moment-là, à cause de leurs ténèbres morales. Beaucoup de choses que ses disciples ne comprirent pas entièrement lorsqu'il les prononça, leur devinrent compréhensibles par les événements subséquents. Ses paroles furent un appui pour leurs cœurs lorsqu'il ne fut plus avec eux. VJC 285.1

Même les disciples murmurèrent en entendant ces dernières paroles. “Plusieurs de ses disciples, l'ayant ouï, dirent entre eux: Cette parole est dure; qui peut l'écouter?” Le Sauveur entendit leur plainte et leur dit: “Ceci vous scandalise-t-il? Que sera-ce donc si vous voyez le Fils de l'homme monter où il était auparavant? C'est l'esprit qui vivifie; la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous dis sont esprit et vie.” Il leur apprend ainsi que ce n'est point sa chair humaine qui leur donnerait la vie éternelle, mais la foi en ses paroles et en l'efficacité du sacrifice qu'il devait faire pour le monde. Son enseignement et son exemple, sa vie et sa mort étaient le pain céleste qui devait leur communiquer la vie et la vigueur spirituelles. Il les réprouve parce qu'ils avaient murmuré lorsqu'il avait dit qu'il était venu du ciel. S'ils n'étaient pas capables de recevoir cette vérité, comment feraient-ils lorsqu'il monterait devant leurs yeux vers ce ciel d'où il était descendu? VJC 285.2

Jésus savait que beaucoup le suivaient dans l'espoir d'en retirer des avantages temporels. Ils attendaient de lui quelque miracle qui serait à leur profit; mais ils espéraient surtout qu'il les délivrerait un jour du joug des Romains. Il savait aussi qu'il y en avait un près de lui qui le trahirait. Il leur dit qu'il en était parmi eux qui ne croyaient point. “C'est à cause de cela que je vous ai dit que personne ne peut venir à moi, s'il ne lui a été donné par mon Père.” VJC 285.3

Christ désirait que ses auditeurs comprissent que leurs cœurs devaient être ouverts à l'Esprit de Dieu, avant qu'ils pussent s'approcher de lui par la foi. Ils devaient accepter de voir leurs erreurs censurées, désirer éviter le mal et mener une vie sainte. L'incrédulité qui existait entre les sacrificateurs et les gouverneurs faisait que le peuple hésitait et doutait. Jésus leur avait donné suffisamment de preuves de sa divinité. Mais leurs esprits incrédules cherchaient toujours à expliquer d'une façon naturelle le caractère miraculeux de ses œuvres merveilleuses. Ils se demandaient si ses disciples n'avaient pas été dans l'illusion, lorsqu'ils avaient vu leur Maître marcher sur les eaux. VJC 286.1

Ils ne pouvaient cependant qu'admettre qu'il avait accompli bien des guérisons miraculeuses, et qu'il avait complétement rassasié une grande multitude avec cinq pains et deux petits poissons. Mais leurs cœurs mécontents se demandaient pourquoi Jésus ne donnait pas la santé, la force et la richesse à tout son peuple; pourquoi il ne les délivrait pas de leurs oppresseurs pour leur donner la puissance et l'honneur alors qu'il pouvait faire de tels miracles. Dans ce cas, ils auraient cru en lui et auraient glorifié son nom. C'est ainsi qu'ils se laissaient lier par l'incrédulité et le mécontentement. Leurs esprits grossiers refusaient de saisir le sens de ses paroles: “Je suis le pain qui est descendu du ciel.” Sa doctrine était trop pure et trop élevée pour attirer leurs cœurs charnels. VJC 286.2

Ce discours de Jésus refroidit l'enthousiasme du peuple. Si en devenant ses disciples, ils devaient vivre justement, renoncer à eux-mêmes et souffrir l'humiliation, ils n'avaient aucun désir de s'enrôler sous sa bannière. Malheureux Israël! Ils ne connurent pas le temps de leur visitation! Ils refusèrent leur Sauveur, parce qu'ils soupiraient après un conquérant qui leur donnât le pouvoir temporel. Ils désiraient la nourriture qui périt et non celle qui dure jusqu'en vie éternelle. Leur ambition s'attachait aux richesses et à la gloire terrestres, et ils n'avaient aucun goût pour les paroles de Christ qui enseignaient la pureté personnelle, et une réformation complète de la vie. VJC 286.3

Beaucoup de paroles et d'actes de Jésus paraissent mystérieux aux esprits bornés, mais son intelligence divine avait clairement conçu tous ses desseins, et son plan était en entier développé devant lui, parfait dans tous ses détails. Chacun de ses actes était calculé de manière à produire des effets individuels. L'histoire du monde, depuis sa création jusqu'à la fin du temps, était parfaitement connue à Christ. Si l'esprit de l'homme était capable de comprendre toute sa manière d'agir, tous les actes de la vie terrestre de Christ lui paraîtraient importants, complets et en harmonie avec sa divine mission. VJC 286.4

Les murmures de ses disciples attristèrent le cœur de Jésus. En réprimant ouvertement leur incrédulité devant la multitude, il avait augmenté leur dépit, et plusieurs se retirèrent et ne suivirent plus Jésus. Il les regarda avec un regard de tendre pitié. Ils étaient très mécontents, et ils désiraient offenser Jésus et satisfaire la malice des pharisiens. Ils se détournèrent de lui et le quittèrent avec dédain. En faisant cela, ils commettaient la fatale erreur de rejeter le conseil de Dieu qui leur était adressé. C'étaient ces choses qui faisaient du Sauveur un homme de douleurs, sachant ce que c'est que la langueur. Le sentiment que sa bonté, ses compassions étaient inappréciées, son amour et sa miséricorde méprisés, son salut rejeté, remplissait son âme divine d'une inexprimable douleur. Si ses disciples ingrats avaient pu discerner comment Dieu regardait leur conduite envers son cher Fils, ils se seraient difficilement éloignés avec autant de fierté et d'arrogance. Ils choisissaient les ténèbres de préférence à la lumière, parce qu'ils étaient trop justes à leurs propres yeux et trop vains pour recevoir une répréhension méritée, et trop mondains pour accepter une vie d'humilité qui devait assurer leur salut. En présence de toutes ses œuvres miraculeuses, ils se détournaient de celui qui, par la beauté de sa doctrine, sa miséricorde et sa bienveillance, en avait appelé des milliers de son côté; de celui qui avait soulagé l'humanité souffrante, de telle sorte que des villes et des villages entiers avaient été délivrés de la maladie, au point que les soins des médecins y étaient devenus inutiles. VJC 287.1

Lorsque nous considérons la générosité de Christ envers les pauvres et les malades, sa patience envers les gens grossiers et ignorants, son renoncement, son sacrifice, nous sommes confondus d'admiration et de respect. Quel don Dieu n'a-t-il pas fait à l'homme séparé de lui par le péché et la désobéissance! Le cœur peut bien se briser et les larmes couler, en contemplant son amour inexprimable! Christ s'est abaissé au niveau de notre humanité, afin d'atteindre l'homme plongé dans les profondeurs du mal et de la dégradation, de l'élever à une vie plus noble, de lui donner la force morale pour vaincre le péché en son nom, et résister à la puissance de Satan. Triste fut la récompense qu'il reçut pour sa merveilleuse condescendance. VJC 287.2

On se moquait des paroles de Jésus, parce qu'il déclarait que faire profession de religion extérieurement et observer les formes, ne profitait de rien; que cette œuvre devait atteindre le cœur, et porter des fruits convenables à la repentance. Les paroles qu'il adressa à ses disciples d'alors, s'adressent également à ceux d'aujourd'hui. Il est aussi nécessaire de nos jours d'avoir un cœur net et une vie pure. Mais combien de personnes rejettent les avertissements que Dieu leur fait présenter par ses serviteurs, et les vérités pratiques qui s'adressent à leurs cœurs, parce que leur vie n'est point d'accord avec la volonté de Dieu; parce qu'elles s'aperçoivent qu'une réformation complète est nécessaire, et qu'elles ne veulent pas entreprendre l'œuvre de renoncement, et sont irritées de ce que leurs péchés ont été découverts! Elles s'en vont offensées, de même que les disciples qui quittèrent Jésus en murmurant: “Cette parole est dure, qui peut l'entendre?” VJC 288.1

Ceux qui font profession de piété, et qui pourtant ne prennent point assez garde aux avertissements du Seigneur, ni ne règlent leur vie sur sa sainte volonté se lient de plus en plus fermement dans des chaînes d'obscurité. Beaucoup de ceux qui professent aujourd'hui de croire les vérités de Christ, ne supportent pas mieux l'épreuve que ceux qui se détournèrent de lui et ne le suivirent plus. Beaucoup d'autres, tout en professant la foi, sont tellement séparés de Christ par l'incrédulité de leurs cœurs, qu'ils rejettent la parole et les œuvres de Dieu que montrent ses serviteurs. Si la révélation divine ne s'accorde pas avec leurs vues, ils croient avoir la liberté de se détourner de ses enseignements. Si cette révélation censure leurs péchés, ils sont offensés. La louange et la flatterie plairaient à leurs oreilles, mais la vérité leur est désagréable, ils ne peuvent l'entendre. Lorsque les foules suivent, et que les multitudes sont nourries, que leurs cris de triomphe s'élèvent, leurs bouches sont pleines de louanges; mais lorsque le pénétrant Esprit de Dieu leur révèle leur péché et leur commande de le quitter, ils tournent le dos à la vérité, et “ne suivent plus Jésus”. VJC 288.2

Dieu n'entend point se laisser demander compte de ses voies, ni de ses œuvres. C'est dans l'intérêt de sa gloire qu'il cache maintenant ses desseins, mais bientôt ils seront révélés dans leur vraie importance. Il n'a point caché le grand amour qui est à la base de tous ses actes à l'égard de ses enfants. Il a manifesté cet amour par le don de son Fils et par les divers actes de sa providence, par lesquels il se révèle. Celui qui vit près de Jésus peut sonder beaucoup du mystère de piété, et comprendre l'amour qui adresse une répréhension méritée. L'humanité éloignée de Dieu ne peut être réconciliée avec lui qu'en prenant part spirituellement à la chair et au sang de son cher Fils. VJC 289.1

Le Seigneur n'essaya pas d'empêcher les disciples mécontents de le quitter; mais se tournant vers les douze qu'il avait choisis, il dit tristement: “Et vous, ne voulez-vous point aussi vous en aller?” Pierre lui répondit promptement, lui demandant en retour: “Seigneur! à qui irions-nous? tu as les paroles de la vie éternelle; et nous avons cru, et nous avons connu que tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant.”1 Combien ces paroles sont pleines de sens: “A qui irions-nous?” Les docteurs d'Israël étaient esclaves d'un froid formalisme. Les pharisiens et les sadducéens étaient continuellement en dispute concernant la doctrine de la résurrection et d'autres questions dans lesquelles ils différaient. Abandonner Jésus, c'était tomber parmi les partisans des rites et des cérémonies, et entre les mains d'hommes ambitieux qui recherchaient leur propre gloire. Les disciples avaient éprouvé plus de paix et de joie depuis qu'ils avaient accepté Christ, que pendant toute leur vie passée. Ils avaient jeté un regard d'horreur sur leur conduite précédente, passée dans la négligence et l'iniquité. Comment auraient-ils pu, eux dont les yeux avaient été ouverts pour discerner la malice et la bigoterie des Juifs, retourner vers ceux qui avaient méprisé et persécuté l'Ami des pécheurs? Longtemps leur foi avait été soutenue par l'attente du Messie, et maintenant qu'il était venu, il leur était impossible de s'en éloigner pour se joindre à ceux qui cherchaient sa vie et qui les avaient persécutés parce qu'ils lui obéissaient. VJC 289.2

“A qui irions-nous?” Nous ne pouvons nous éloigner de la doctrine de Christ, de ses leçons d'amour et de charité, pour nous plonger dans les ténèbres de l'incrédulité et dans la méchanceté du monde. Tandis que beaucoup de gens qui avaient vu ses œuvres miraculeuses, qui l'avaient vu guérir des malades et soulager ceux qui étaient dans la détresse; qui avaient été électrisés par la majesté céleste de son port, se détournaient du Sauveur, Pierre exprime la foi des disciples: “Tu es le Christ.” Ils ne renieront jamais le Rédempteur du monde, le Fils de Dieu. La pensée même de perdre l'ancre de leur salut fit frémir leurs cœurs d'angoisse. Etre de nouveau destitués d'un Sauveur, assujettis à la crainte et à la superstition, seraitêtre flottants sur une mer sombre et orageuse. VJC 290.1

Quelques-uns pourront mettre en question la sagesse de Jésus d'avoir présenté un sujet qui prêtât autant à la méprise que celui qui venait de détourner de lui tant de personnes. Mais il avait un but en vue. Il savait que l'épreuve la plus brûlante attendait ses disciples, lors de sa trahison à Gethsémané, et à sa crucifixion. Il savait lesquels de ses disciples étaient incrédules, et lesquels avaient une foi faible. S'ils n'avaient pas été éprouvés, Jésus aurait eu parmi ses disciples beaucoup de gens d'un caractère faible et indécis. Lorsque vint la grande épreuve, que le Seigneur fut trahi et condamné dans la cour du prétoire; lorsqu'il fut humilié, et que la foule qui l'avait acclamé comme leur roi le railla et le couvrit d'avanies; quand la foule cruelle et gouailleuse cria: “Crucifie-le!” alors, la crainte et le désappointement auraient fait tomber honteusement ces gens au cœur timide. VJC 290.2

L'apostasie de ces soi-disant disciples de Christ, dans un tel moment, eût été plus que les douze n'eussent pu supporter, ajoutée à leur grand chagrin et à la terrible ruine de leurs plus chères espérances. L'exemple de ceux qui se détournèrent de Jésus aurait pu, à cette heure effroyable, entraîner tous les autres. Mais Jésus prévint cette crise pendant qu'il était avec eux pour rassurer et fortifier ses élus, et les préparer pour ce qui devait arriver. Quand les huées de la -populace injurièrent celui qui était cloué sur la croix, les disciples ne furent point anéantis de surprise de voir leur Maître insulté pareillement; car ils avaient vu l'inconstance de ceux qui l'avaient une fois suivi. Quand ceux qui avaient professé d'aimer leur Maître se détournèrent de lui, au jour de trouble, les disciples se rappelèrent que la chose était déjà arrivée auparavant, pour de moindres raisons. Ils avaient éprouvé la faveur inconstante du monde, et ne réglaient point leur foi sur les opinions des autres. Jésus prépara sagement les esprits de ses quelques fidèles pour la grande épreuve de sa trahison et de sa mort. VJC 291.1

Pierre avait une grande foi en Jésus. De prime-abord il avait cru que Jésus était le Messie. Il avait vu et entendu Jean, le précurseur de Christ, proclamer qu'il était l'Agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde. Il avait été intimement lié à Jésus; il avait été témoin de ses miracles, il avait entendu ses enseignements, et il était convaincu qu'il était le Fils de Dieu. Plusieurs de ceux qui avaient été convaincus par la prédication de Jean, et qui avaient accepté Christ, commencèrent à douter de la mission de Jean, lorsqu'il fut jeté en prison et ensuite mis à mort. Ils se demandaient aussi si Jésus était bien le Messie qu'ils attendaient depuis si longtemps. VJC 291.2

Mais la foi de Pierre ne vacilla jamais; il suivait son Maître avec un dévouement infatigable. Lorsque ceux des disciples qui avaient ardemment attendu que Jésus déployât les effets de sa puissance et prît possession du trône de David le quittèrent, voyant que telle n'était point son intention, Pierre et ses compagnons ne chancelèrent point dans leur fidélité. La conduite vacillante de ceux qui le louaient hier et le condamnaient aujourd'hui n'affectait point la foi des vrais disciples du Sauveur. Pierre déclare: “Tu es le Fils du Dieu vivant.” Il n'attendait pas que des honneurs royaux couronnassent son Seigneur, mais il le suivait dans son humiliation. Pierre, dans la confession qu'il fit de Christ, exprimait la foi des disciples. Mais malgré cela, Jésus savait que ni ses fidèles disciples, ni aucun des Juifs ne s'attendaient à voir l'humiliation, la souffrance et la mort fondre sur leur Messie. Quel Rédempteur compatissant que celui qui, connaissant parfaitement le sort qui l'attendait, aplanit tendrement le chemin à ses disciples les préparant et les fortifiant pour l'épreuve finale et décisive! VJC 291.3