La Vie de Jésus-Christ

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Chapitre 26 — La fille de Jaïrus

Lorsque Jésus repassa le lac avec ses disciples, une grande foule l'attendait pour le recevoir, et il fut accueilli avec beaucoup de joie. La nouvelle de sa venue s'étant répandue aux alentours, le peuple se rassembla en grand nombre pour écouter ses enseignements. Il y avait des riches et des pauvres, des grands et des petits, des pharisiens et des docteurs de la loi, tous désireux d'entendre ses paroles et de voir ses miracles. Comme d'habitude, il y avait plusieurs malades et des gens affligés de plusieurs infirmités qui imploraient sa miséricorde en leur faveur. VJC 259.1

A la fin, abattu, et fatigué d'enseigner et de guérir, Jésus quitta la foule afin de prendre quelque nourriture dans la maison de Lévi. Mais le peuple assiégeait la porte, apportant les malades, les estropiés et les lunatiques, afin qu'il les guérît. Comme il était à table, un des chefs de la synagogue, nommé Jaïrus, vint; et l'ayant vu, il se jeta à ses pieds; et il le pria instamment, disant:1 “Ma petite fille est à l'extrémité: je te prie de venir lui imposer les mains, et elle sera guérie, et elle vivra.” VJC 259.2

Le père était dans une grande détresse, car son enfant avait été abandonnée par les plus habiles médecins. Jésus répondit immédiatement à la prière de ce père affligé, et se rendit avec lui dans sa maison. Les disciples étaient surpris de voir la complaisance avec laquelle Jésus répondait à la requête de ce chef hautain. Quoique la distance fût très courte, ils n'avançaient que très lentement, car le peuple les pressait de tous côtés, désireux de voir ce grand prophète qui avait tellement excité l'intérêt du peuple, réclamant son attention et son aide. Le père en détresse se frayait un chemin dans la foule, craignant d'arriver trop tard. Mais Jésus, ayant pitié du peuple et déplorant leurs ténèbres spirituelles et leurs maladies physiques, s'arrêtait de temps à autre pour répondre à leurs besoins. Il était quelquefois soulevé par la masse compacte du peuple qui le pressait de tous côtés. VJC 259.3

Il y avait parmi cette foule une pauvre femme qui souffrait depuis douze longues années d'une maladie qui faisait de sa vie un fardeau. C'est en vain qu'elle avait dépensé tout son bien pour payer médecins et remèdes, en vue d'obtenir la guérison de sa douloureuse maladie; elle avait été déclarée incurable, et était abandonnée des médecins. Mais en entendant parler des cures merveilleuses que Jésus opérait, son espérance se réveilla. Elle crut que si elle pouvait s'approcher de lui, il aurait pitié d'elle et la guérirait. Souffrant de douleur et de faiblesse, elle vint au bord de la mer où il prêchait, et chercha à percer la foule qui l'entourait. Mais son chemin était continuellement obstrué par la foule. Elle commençait à désespérer de pouvoir s'approcher de lui, lorsque Jésus, frayant son chemin à travers la multitude, s'approcha de l'endroit où elle était. VJC 260.1

L'occasion favorable était venue, elle était en présence du grand Médecin! Mais au milieu de la confusion, elle ne pouvait se faire entendre de lui, ni espérer davantage que l'entrevoir un instant. Craignant de perdre la seule chance de guérison qui s'offrait ainsi, elle se précipita en avant se disant en elle-même: Si je touche seulement le bord de son vêtement, je serai guérie. Au moment où il passait, elle saisit l'occasion pour avancer sa main, et toucha simplement le bord de son vêtement. En ce moment même, elle se sentit guérie de sa maladie. Instantanément, la santé et la force remplacèrent en elle la faiblesse et la douleur. Elle avait concentré toute la foi de sa vie dans ce seul attouchement qui la guérit. VJC 260.2

Le cœur reconnaissant, elle chercha alors à se retirer discrètement de la foule; mais tout à coup Jésus s'arrêta, et tout le peuple, suivant son exemple, s'arrêta aussi. Christ se retourna, et, regardant d'un œil pénétrant autour de lui, il demanda d'une voix que tous purent entendre distinctement: “Qui est-ce qui m'a touché?” Le peuple répondit à cette demande par un regard de profond étonnement. Poussé de tous côtés, et pressé comme il l'était, la question semblait vraiment singulière. Pierre revenant de sa surprise, et toujours prêt à parler, dit: “Maître! la foule t'environne et te presse, et tu dis: Qui est-ce qui m'a touché? Mais Jésus dit: Quelqu'un m'a touché; car j'ai senti qu'une vertu est sortie de moi.”1 Le Sauveur pouvait distinguer l'attouchement de la foi d'avec le contact accidentel d'une foule insouciante. Il connaissait toutes les circonstances du cas; il ne voulait pas laisser passer une telle foi et une telle confiance sans les remarquer. Il voulait adresser à l'humble femme des paroles de consolation qui seraient pour elle une source de joie. VJC 260.3

Regardant la femme, Jésus persista à demander qui l'avait touché. Voyant qu'elle ne pouvait point cacher ce qu'elle avait fait, elle s'avança en tremblant et se jeta à ses pieds. Par devant la foule, elle raconta à Jésus le simple récit de ses longues et pénibles souffrances et la guérison subite qu'elle avait éprouvée en touchant le bord de son vêtement Ses paroles étaient interrompues par des larmes de reconnaissance, car elle éprouvait la joie d'une parfaite santé qui lui avait été étrangère pendant douze pénibles années. Au lieu d'être irrité de ce qu'elle avait fait, Jésus loue son action en disant: “Ma fille, rassure-toi, ta foi t'a guérie; va-t'en en paix.” Par ces paroles, il apprit à tous ceux qui étaient présents qu'il n'y avait aucune vertu dans le simple acte de toucher son vêtement qui eût pu accomplir cette guérison, mais seulement dans la puissance de la foi faisant appel à son secours divin. VJC 261.1

La véritable foi du chrétien est représentée dans cette femme. Il n'est point nécessaire à l'exercice de la foi que les sentiments soient surexcités à un haut diapason; il n'est point nécessaire non plus, pour attirer l'attention du Seigneur, que nos prières soient faites avec bruit ou accompagnées de gestes. Il est vrai que Satan crée souvent dans le cœur du suppliant une telle lutte de doutes et de tentations que de grands cris et des larmes s'échappent involontairement; et il est aussi vrai que le sentiment du péché est quelquefois si grand, qu'une repentance proportionnée à son péché lui fait éprouver parfois de telles douleurs, que le pénitent laisse échapper des cris et des gémissements que le Sauveur compatissant écoute avec pitié. Mais Jésus ne manque point de répondre à la prière silencieuse de la foi. Celui qui prend simplement Dieu au mot et qui se met en rapport avec le Sauveur, recevra sa bénédiction en retour. VJC 261.2

La foi est simple dans son opération et puissante dans ses résultats. Il est beaucoup de chrétiens de profession ayant une connaissance de la Parole sacrée et croyant sa vérité, qui manquent de cette confiance enfantine si essentielle à la religion de Christ. Ils n'ont point l'élan et le toucher particulier qui apportent à l'âme la vertu de la guérison. Ils permettent que le doute se glisse dans leur cœur et détruise leur confiance. Celui qui attend d'avoir une connaissance parfaite avant de pouvoir exercer sa foi ne sera jamais béni de Dieu. “La foi est une vive représentation des choses qu'on espère, et une démonstration de celles qu'on ne voit point.”1 VJC 262.1

Cette femme malade crut que Jésus pouvait la guérir, et plus son esprit s'attachait à cette espérance, plus elle avait la conviction qu'elle le serait, si elle pouvait seulement toucher le bord de son vêtement. En réponse à sa foi inébranlable, la vertu de la puissance divine exauça sa prière. Ceci est une leçon d'encouragement à l'âme souillée par le péché. Comme Jésus agit avec les infirmités corporelles, ainsi il agira envers l'âme repentante qui s'adresse à lui. Le toucher de la foi apportera le pardon désiré qui remplit l'âme de gratitude et de joie. VJC 262.2

Le délai de Jésus avait eu un résultat tellement intéressant que même Jaïrus avait considéré cette scène sans impatience et avec grand intérêt. Comme la femme qui avait été guérie s'en allait fortifiée et réjouie, cela l'encouragea à croire plus fermement que Jésus était capable d'exaucer sa propre prière, et de guérir sa fille. Son espérance grandissait de plus en plus dans son cœur, et il pria le Sauveur de se hâter de se rendre chez lui. Mais comme ils se remettaient en chemin, un messager traversa la foule pour s'approcher de Jaïrus, apportant la nouvelle que sa fille était morte, et qu'il était inutile de fatiguer davantage le Maître. L'oreille compatissante de Jésus saisit les paroles qui firent tressaillir le cœur du père comme un glas funèbre anéantissant son espérance. Le Sauveur fut rempli de pitié envers ce père douloureusement frappé. Il lui dit dans sa divine compassion: “Ne crains point; crois seulement, et elle sera guérie.” VJC 262.3

Entendant ces paroles d'espérance, Jaïrus se rapprocha de Jésus, et ils se hâtèrent de se rendre dans la maison du gouverneur. Christ ne permit à personne d'entrer avec lui dans la chambre où l'enfant morte était couchée, sinon à quelques-uns de ses plus fidèles disciples et aux parents eux-mêmes. Les pleureuses affectaient de s'affliger amèrement; il les reprit, disant: “Ne pleurez point; elle n'est pas morte, mais elle dort.” Les femmes qui, suivant la coutume du pays, étaient employées pour figurer un grand chagrin, furent indignées de cette remarque, faite par un humble étranger; elles se mirent à demander par quelle autorité cette personne leur commandait de cesser de se lamenter pour la jeune fille, et prétendait qu'elle vivait encore. Elles avaient vu l'effet de la mort changer l'enfant vivant en un corps sans vie et sans mouvement; elles se moquèrent des paroles de Jésus et quittèrent la chambre à son commandement. VJC 263.1

Accompagné du père et de la mère, de Pierre, Jacques et Jean, le Sauveur s'approcha du lit, et, prenant la main de l'enfant dans la sienne, il prononça doucement dans le langage de la famille ces paroles: “Ma fille, lève-toi.” Immédiatement un frémissement parcourut tout son corps. Les pulsations de la vie commencèrent de nouveau à battre dans leurs canaux violacés; les lèvres pâlies s'ouvrirent avec un sourire; la poitrine se souleva sous le souffle de la vie; les paupières s'ouvrirent largement, comme après le sommeil, et les yeux noirs de la jeune fille se promenèrent autour d'elle avec étonnement. La jeune fille se leva affaiblie par sa longue maladie, mais complétement guérie. Elle marchait doucement à travers la chambre tandis que ses parents pleuraient de joie. Jésus leur commanda de lui donner à manger, et défendit à ceux qui étaient dans la maison de dire ce qui était arrivé. Mais malgré sa recommandation, la nouvelle se répandit de tous côtés qu'il avait ramené un mort à la vie. Un grand nombre de personnes étaient présentes lorsque l'enfant mourut, et quand elles la virent de nouveau en vie et en bonne santé, il fut impossible de les empêcher de parler de cette œuvre merveilleuse accomplie par le grand Médecin. VJC 263.2