Heureux ceux qui

46/53

“Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l'œil de ton frère?”

Cette déclaration: “Toi qui juges, tu fais les mêmes choses”, ne souligne pas toute la gravité du péché de celui qui se permet de critiquer et de condamner son frère. Jésus dit: “Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l'œil de ton frère, et n'aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil?” HCQ 102.3

Ces paroles s'adressent à ceux qui excellent à découvrir les défauts des autres et qui, lorsqu'ils pensent avoir trouvé une tache dans le caractère ou dans la vie d'autrui, déploient tout leur zèle pour la faire remarquer. Jésus déclare que cette façon d'agir, peu chrétienne, dénote un défaut de caractère dont la gravité est, par rapport à la faute en question, comme une poutre comparée à une paille. HCQ 102.4

C'est le manque d'indulgence et d'amour qui pousse à faire un monde d'un atome. Il est impossible à ceux qui n'ont jamais ressenti la contrition que procure un abandon total à Dieu de manifester dans leur vie la tendre influence de l'amour du Sauveur. Ils dénaturent l'esprit aimable et courtois de l'Évangile et blessent des âmes précieuses pour lesquelles Jésus est mort. La comparaison employée par le Maître montre que celui qui entretient en lui un esprit de jugement est plus coupable que celui qu'il censure, car non seulement il commet les mêmes fautes, mais il y ajoute encore l'orgueil et la critique. HCQ 103.1

Jésus étant le seul vrai modèle, quiconque se donne en exemple aux autres prend la place du Christ. Et puisque le Père “a remis tout jugement au Fils” (Jean 5:22), celui qui a la prétention de juger les mobiles des autres usurpe en outre les prérogatives du Fils de Dieu. Ces prétendus juges et critiques se placent ainsi dans les rangs de l'Antichrist “qui s'élève au-dessus de tout ce qu'on appelle Dieu ou de ce qu'on adore, jusqu'à s'asseoir dans le temple de Dieu, se proclamant lui-même Dieu”. 2 Thessaloniciens 2:4. HCQ 103.2

Le péché dont les conséquences sont les plus lamentables est cet esprit froid, critique, implacable, qui caractérisait le pharisaïsme. Une vie religieuse qui manque de charité prouve qu'elle n'est pas illuminée par l'amour du Christ, et ce n'est pas une activité intense ni un zèle dévorant qui comblera cette lacune. On peut posséder une merveilleuse finesse de perception pour découvrir les défauts des autres, mais, à celui qui s'adonne à cet exercice, Jésus dit: “Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton œil, et alors tu verras comment ôter la paille de l'œil de ton frère.” Le coupable est le premier à suspecter les autres. En condamnant son semblable, il cherche à cacher ou à excuser le mal qui est en lui. C'est par le péché que les hommes ont eu la connaissance du mal. À peine nos premiers parents eurent-ils désobéi qu'ils se mirent à s'accuser mutuellement. Telle est la nature humaine chaque fois qu'elle n'est pas sous l'influence de la grâce. HCQ 103.3

Ceux qui agissent ainsi ne se contentent pas de signaler ce qu'ils estiment répréhensible chez leur frère. S'ils ne parviennent pas, par des mesures modérées, à le rendre tel qu'ils voudraient le voir, ils ont recours à la manière forte; ils vont dans cette voie aussi loin qu'ils le peuvent pour l'obliger à se soumettre à leur conception du bien. C'est ce que faisaient les Juifs aux jours du Sauveur et ce que l'Église a toujours fait depuis, chaque fois qu'elle a perdu de vue l'esprit du Christ. Dépourvue de la puissance d'amour qui l'animait, elle a fait appel au bras séculier pour imposer ses dogmes et faire exécuter ses décrets. C'est là qu'il faut chercher la véritable raison d'être de toutes les lois religieuses qui ont été promulguées et de toutes les persécutions, depuis Abel jusqu'à nos jours. HCQ 103.4

Loin d'obliger les hommes, Jésus les attire à lui. La seule force dont il se serve est celle de l'amour. Quand l'Église recherche le secours du pouvoir séculier, il est évident que c'est parce que la puissance d'en haut — l'amour divin — lui fait défaut. HCQ 104.1

C'est dans les membres de l'Église, pris individuellement, que réside le mal, et c'est là qu'il faut appliquer le remède. Jésus invite l'accusateur à enlever d'abord la poutre de son œil, c'est-à-dire à renoncer à son esprit caustique et à confesser son péché, avant de chercher à corriger les autres. Car “ce n'est pas un bon arbre qui porte du mauvais fruit, ni un mauvais arbre qui porte du bon fruit”. Luc 6:43. Cet esprit de jugement auquel nous nous laissons aller est un mauvais fruit qui montre que l'arbre est mauvais. Il serait vain de vouloir persévérer dans notre propre justice. Ce dont nous avons besoin, c'est que notre cœur soit changé. Voilà l'expérience par laquelle nous devons passer avant d'espérer pouvoir corriger les autres, car “c'est de l'abondance du cœur que la bouche parle”. Matthieu 12:34. HCQ 104.2

Lorsqu'une crise survient dans la vie d'une personne à laquelle nous désirons apporter le secours de nos conseils ou de nos réprimandes, souvenons-nous que nos paroles n'auront d'autre influence que celle que notre exemple et notre esprit nous auront acquise. Il faut être bon avant de vouloir faire le bien. Nous n'exercerons jamais une action efficace sur nos semblables si notre cœur n'a pas été humilié, purifié et attendri par la grâce du Christ. Quand ce changement aura été accompli en nous, il nous sera alors aussi naturel de vivre pour le bonheur des autres qu'il l'est au rosier de donner ses boutons odorants ou à la vigne ses grappes dorées. HCQ 104.3

Si Christ, “l'espérance de la gloire”, demeure en nous, nous ne chercherons plus à observer nos frères pour découvrir leurs erreurs. Au lieu de vouloir accuser ou condamner les autres, efforçons-nous de les aider, de les encourager et de les sauver. Dans nos rapports avec ceux qui tombent, pensons au conseil qui nous est donné: “Prends garde à toi-même, de peur que tu ne sois aussi tenté.” Galates 6:1. Souvenons-nous de nos nombreuses défaillances et de la difficulté que nous éprouvons à retrouver le droit chemin après l'avoir abandonné. Au lieu de pousser notre frère plus loin dans les ténèbres, montrons-lui, d'un cœur rempli de compassion, le danger auquel il est exposé. HCQ 104.4

Celui qui contemple souvent la croix du Calvaire, conscient que ses péchés y ont conduit le Christ, ne cherchera jamais à atténuer sa culpabilité en la comparant à celle d'autrui. Il ne s'érigera pas en juge pour accuser ses semblables. Ceux qui marchent à l'ombre de la croix ignorent complètement l'esprit de critique et d'orgueil. HCQ 105.1

Ce n'est que lorsque nous nous sentirons prêts à sacrifier notre amour-propre et même notre vie pour sauver un frère tombé que nous aurons vraiment ôté la poutre de notre œil, et qu'il nous sera possible de venir en aide à ce frère. Alors seulement nous pourrons nous approcher de lui et toucher son cœur. Les censures et les reproches n'ont jamais arraché personne au mal; au contraire, beaucoup d'âmes ont été ainsi éloignées de Jésus et se sont fermées à la foi; au contraire, la tendresse, la douceur et l'amabilité apportent le salut aux égarés et couvrent une multitude de péchés. HCQ 105.2

La manifestation de l'Esprit du Christ dans votre caractère opérera chez ceux qui vous entourent une réelle transformation. Laissez Jésus agir dans votre cœur jour après jour et vous verrez se développer en vous la puissance créatrice de sa Parole: une influence douce, persuasive mais efficace, qui recréera dans d'autres âmes la beauté du Seigneur notre Dieu. HCQ 105.3