Heureux ceux qui
Sur la montagne
Pour prononcer, en présence de ses disciples et de la multitude, son incomparable Sermon sur la montagne, Jésus choisit comme cadre le “mont des Béatitudes”, situé près du lac de Génésareth, en Galilée. HCQ 11.1
Essayons d'évoquer cette scène en nous mêlant aux auditeurs. Ouvrons nos cœurs aux sentiments qui devaient agiter la foule à cette occasion et cherchons à comprendre ce que les paroles de Jésus pouvaient signifier pour elle. Qui sait si les principes énoncés dans son manifeste par celui qui s'appelait le futur “Roi d'Israël” n'apporteraient pas aujourd'hui un remède souverain à la maladie mortelle dont souffre l'humanité? Qui sait si les vérités proclamées par le plus sublime des docteurs en son discours inaugural ne recèleraient point une vie et une beauté nouvelles capables — si elles étaient reçues et pratiquées — de régénérer notre société chancelante? HCQ 11.2
Lorsque Jésus parut, le peuple juif avait de l'œuvre du Messie une conception si erronée qu'il ne la comprit pas et ne voulut pas l'accueillir. La vraie piété s'était perdue dans les traditions et le formalisme, et les prophéties étaient interprétées par des hommes orgueilleux et mondains. HCQ 11.3
Les Juifs attendaient, non pas un Messie qui les guérirait de leurs vices, mais un prince puissant qui soumettrait toutes les nations à la suprématie du “lion de la tribu de Juda”. C'est en vain que Jean-Baptiste, animé de la puissance des anciens prophètes, les avait appelés à la conversion, en vain que, sur les rives du Jourdain, il avait montré Jésus, “l'agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde”, en vain, aussi, que Dieu avait voulu attirer leur attention sur les prophéties d'Ésaïe annonçant les souffrances du Sauveur; ils ne voulurent rien entendre. HCQ 11.4
Si les docteurs de la loi et les chefs d'Israël s'étaient abandonnés à sa grâce salutaire, Jésus aurait fait d'eux ses ambassadeurs auprès du monde entier. HCQ 12.1
C'est en Judée tout d'abord que le royaume des cieux avait été proclamé et que l'appel à la conversion avait retenti. En chassant les vendeurs du temple de Jérusalem, Jésus s'était présenté comme le Messie, celui qui pouvait purifier les âmes du péché et faire de son peuple une nation sainte. Mais les chefs juifs manquaient de l'humilité, nécessaire pour recevoir le doux Maître de Nazareth. Lors de sa seconde visite à Jérusalem, Jésus avait été conduit devant le Sanhédrin, et seule la crainte du peuple avait retenu ces dignitaires d'attenter à ses jours. Quittant la Judée, il avait alors entrepris son ministère en Galilée. HCQ 12.2
Pendant plusieurs mois Jésus avait parcouru la contrée, et son message: “Le royaume des cieux est proche” avait éveillé l'attention de toutes les classes de la société, avivant la flamme de leurs ambitieuses espérances. La réputation du nouveau maître avait dépassé les frontières de la Palestine et, malgré l'attitude hostile des chefs à son égard, le sentiment qu'il pouvait être le libérateur attendu s'était répandu de proche en proche. Des foules s'attachaient à ses pas et l'enthousiasme populaire était à son comble. HCQ 12.3
L'heure était venue pour ceux de ses disciples qui lui avaient été le plus étroitement associés de resserrer encore leur intimité avec lui en participant plus directement à son ministère en faveur de ces foules, abandonnées comme un troupeau sans berger. Quelques-uns d'entre eux le suivaient depuis le début de sa vie publique et les Douze étaient presque tous considérés comme des membres de sa famille. Pourtant, eux aussi, égarés par l'enseignement des chefs, partageaient l'attente populaire d'un royaume terrestre, et ne pouvaient comprendre l'attitude du Maître. Déjà, le fait qu'il ne recherchait ni l'appui des prêtres ni celui des rabbins et ne faisait rien pour établir son autorité royale les avait grandement troublés. Une transformation devait s'accomplir en eux leur permettant de remplir le mandat sacré qui devait leur être confié avant l'ascension de leur Maître. Toutefois ils avaient répondu à son amour et, malgré leur lenteur à croire, Jésus avait vu en eux ceux qu'il pourrait former et discipliner pour le seconder dans son ministère. HCQ 12.4
Ils avaient maintenant vécu assez longtemps avec lui pour croire, dans une certaine mesure, au caractère divin de sa mission. De son côté, le peuple, qui avait eu des preuves indéniables de sa puissance, était prêt à entendre les principes de son royaume et à comprendre sa véritable nature. HCQ 13.1
Seul sur une montagne, Jésus avait prié toute la nuit pour ceux qu'il avait choisis. Dès l'aube, il les appela auprès de lui, leur donna ses instructions, puis, posant ses mains sur leurs têtes, il les bénit et les mit à part pour le ministère évangélique. Il se dirigea ensuite avec eux vers le rivage où, malgré l'heure matinale, une foule nombreuse s'était rassemblée. HCQ 13.2
Se joignant à la multitude habituelle venue des villes de Galilée, un grand nombre d'auditeurs étaient accourus de la Judée et même de Jérusalem, de la Pérée, du pays à demi païen appelé Décapole, de l'ldumée, au sud de la Judée, de Tyr et de Sidon, villes phéniciennes au bord de la Méditerranée. “Une grande multitude, apprenant ce qu'il faisait, vint à lui.” “Ils étaient venus pour l'entendre, et pour être guéris de leurs maladies. Et une force sortait de lui et les guérissait tous.” Marc 3:8; Luc 6:17-19. HCQ 13.3
Le rivage étant trop étroit pour permettre à la foule d'entendre sa voix, Jésus retourna sur la montagne. Arrivé sur un plateau qui offrait un lieu de réunion agréable pour toute cette multitude, il s'assit sur l'herbe et tous firent de même. HCQ 13.4
Pressentant quelque chose d'extraordinaire, les disciples se groupèrent autour du Maître. La scène intime du matin leur donnait lieu de croire que Jésus allait parler du royaume qu'il était, comme ils l'espéraient fermement, sur le point d'établir. HCQ 13.5
La même espérance planait aussi sur la foule attentive, impatiente d'entendre les paroles du divin Maître. Les cœurs remplis de glorieuses perspectives, scribes et pharisiens rêvaient déjà de dominer les Romains détestés et de s'accaparer les richesses de ce grand empire universel; les paysans et les pêcheurs entrevoyaient la fin de leur vie de labeur. Leurs demeures misérables, leur nourriture frugale, la crainte continuelle de la gêne et de la misère, tout cela disparaîtrait pour faire place à une vie de facilité et d'abondance. Le Christ remplacerait le pauvre vêtement qui les couvrait le jour et dans lequel ils s'enroulaient la nuit par les opulentes dépouilles de leurs oppresseurs. Tous les cœurs vibraient d'un espoir orgueilleux: en présence de toutes les nations, Israël allait enfin recevoir les honneurs dus au peuple élu de Dieu, et Jérusalem devenir la capitale d'un royaume universel. HCQ 13.6