Éducation
Paul ou le service dans la joie
A la foi et à l'expérience des disciples de Galilée qui avaient suivi Jésus s'ajoutèrent, pour annoncer l'Evangile, l'énergie ardente et la puissante intelligence d'un rabbin de Jérusalem. Citoyen romain, né dans une ville païenne; juif non seulement par son origine, mais par toute son éducation, par l'amour qu'il portait à sa patrie, par sa foi religieuse; élève des plus éminents rabbins à Jérusalem, instruit dans la tradition et les lois de ses pères, Paul de Tarse partageait au plus haut degré l'orgueil et les préjugés de sa nation. Jeune encore, il devint un membre estimé du sanhédrin. On voyait en lui un homme plein d'avenir, défenseur zélé de la foi des anciens. Éd 74.6
Dans les écoles de théologie de Judée, la parole de Dieu avait été délaissée au profit des spéculations humaines; les interprétations et les traditions rabbiniques l'avaient dépouillée de sa force. Le désir de puissance, de domination, un attachement jaloux à certains privilèges, le fanatisme et un orgueil méprisant servaient aux maîtres de règles. Éd 75.1
Les rabbins se glorifiaient de leur supériorité personnelle, non seulement sur les autres peuples, mais encore sur la foule de leurs concitoyens. Ils haïssaient farouchement leurs oppresseurs romains et caressaient l'espoir que leur nation recouvrerait par les armes son indépendance. Aussi détestaient-ils et mettaient-ils à mort les disciples de Jésus, dont le message de paix s'opposait aux projets nés de leur ambition. Paul était un de leurs représentants les plus acharnés et les plus impitoyables. Éd 75.2
Dans les écoles militaires d'Egypte, Moïse avait appris à suivre la loi de la force, et cette loi avait eu une telle emprise sur lui qu'il lui fallut quarante années de silence et de communion avec Dieu et la nature pour se préparer à diriger Israël selon une règle d'amour. Paul devait apprendre la même leçon. Éd 75.3
Aux portes de Damas, la vision de Jésus crucifié bouleversa sa vie. Le persécuteur devint disciple, le maître devint élève. Les jours de ténèbres et de solitude passés à Damas pesèrent comme des années d'expérience. Sous la direction du Christ, Paul étudia l'Ancien Testament, qu'il gardait précieusement en mémoire. A lui aussi la solitude au sein de la nature servit d'école. Il partit pour le désert d'Arabie et là, s'adonna à l'étude des Ecritures, s'instruisit auprès de Dieu. Il vida son âme de tous les préjugés, de toutes les traditions qui avaient façonné sa vie, pour la remplir à la source de vérité. Éd 76.1
Dès lors, sa vie fut guidée par le seul principe du don de soi, par le ministère de l'amour. “Je me dois, disait-il, aux Grecs et aux Barbares, aux savants et aux ignorants.” “L'amour du Christ nous étreint.” Romains 1:14; 2 Corinthiens 5:14. Éd 76.2
Paul, le plus grand des maîtres de cette terre, assuma les tâches humbles aussi bien que les responsabilités élevées. Il reconnaissait l'utilité du travail des mains comme du travail de l'esprit, et il vivait lui-même du produit de son artisanat. Prêchant chaque jour dans les grandes villes, il continuait d'exercer son métier de faiseur de tentes. “Ces mains, dit-il en quittant les anciens d'Ephèse, ont pourvu à mes besoins et à ceux de mes compagnons.” Actes 20:34. Éd 76.3
Il possédait de grandes qualités intellectuelles et sa vie témoigne d'une sagesse rare. Des principes de première importance, que les plus grands esprits de son époque ignoraient, sont proclamés dans son enseignement et illustrés par sa vie. Il avait cette extrême sagesse qui affine la perspicacité, ouvre le cœur, met l'homme en contact avec d'autres hommes et lui permet d'éveiller ce qu'il y a en eux de meilleur et de les inciter à vivre noblement. Éd 76.4
Ecoutez ce qu'il dit aux païens de Lystre, lorsqu'il veut les tourner vers Dieu tel qu'il se révèle dans la nature, Dieu source de tout bien, qui donne “du ciel les pluies et les saisons fertiles, en [nous] comblant de nourriture et de bonheur dans le cœur”. Actes 14:17. Éd 77.1
Voyez-le dans la prison de Philippes: de son corps douloureux s'élève, dans le silence de la nuit, un chant de louange. Le tremblement de terre ouvre les portes de la prison, et la voix de Paul retentit de nouveau, pour réconforter le geôlier païen: “Ne te fais aucun mal, nous sommes tous ici.” Actes 16:28. Chaque prisonnier est là en effet, retenu par la présence d'un seul compagnon de peine. Et le geôlier, convaincu de la valeur de cette foi qui soutient Paul, demande où est le chemin du salut et, avec toute sa famille, se joint à la troupe persécutée des disciples du Christ. Éd 77.2
Voyez Paul à Athènes devant l'Aréopage, répondant à la science par la science, à la logique par la logique, à la philosophie par la philosophie. Remarquez comment, avec la délicatesse née de l'amour divin, il présente Jéhovah comme le “Dieu inconnu” que ses auditeurs ont adoré dans leur ignorance; citant l'un de leurs poètes, il le dépeint comme un père dont ils sont les enfants. Ecoutez-le, à cette époque où règnent les castes, où les droits de l'homme en tant que tel sont méconnus, affirmer la fraternité humaine, déclarer que Dieu “a fait que toutes les nations humaines, issues d'un seul (homme) habitent sur toute la face de la terre”. Puis montrer comment, dans ses contacts avec les hommes, Dieu a toujours manifesté sa grâce et sa miséricorde. “Il a déterminé les temps fixés pour eux et les bornes de leur demeure, afin qu'ils cherchent Dieu pour le trouver si possible, en tâtonnant. Or il n'est pas loin de chacun de nous.” Actes 17:23, 26, 27. Éd 77.3
Ecoutez-le, à la cour de Festus, lorsque le roi Agrippa, convaincu de la vérité de l'Evangile, s'écrie: “Encore un peu, tu vas me persuader de devenir chrétien!” Avec quelle courtoisie il répond, montrant ses chaînes: “Plaise à Dieu que non seulement toi, mais encore tous ceux qui m'écoutent aujourd'hui, vous deveniez tels que je suis, moi, à l'exception de ces chaînes!” Actes 26:28, 29. Éd 78.1
Telle fut sa vie... “Souvent en voyage, (exposé) aux dangers des fleuves, aux dangers des brigands, aux dangers de la part de mes compatriotes, aux dangers de la part des païens, aux dangers de la ville, aux dangers du désert, aux dangers de la mer, aux dangers parmi les faux frères, au travail et à la peine; souvent dans les veilles, dans la faim et dans la soif; souvent dans les jeûnes, dans le froid et le dénuement.” 2 Corinthiens 11:26, 27. Éd 78.2
“Insultés, nous bénissons; persécutés, nous supportons; calomniés, nous consolons; ... [nous sommes regardés] comme attristés, et nous sommes toujours joyeux; comme pauvres, et nous enrichissons plusieurs; comme n'ayant rien, et nous possédons tout.” 1 Corinthiens 4:12, 13; 2 Corinthiens 6:10. Éd 78.3
C'est dans le service que Paul trouva sa joie; et à la fin de sa vie, lorsqu'il pesa ses luttes et ses victoires, il put dire: “J'ai combattu le bon combat”. 2 Timothée 4:7. Éd 78.4
Ces histoires présentent un intérêt vital, surtout pour les jeunes. Moïse renonça au royaume qui s'offrait à lui, Paul à vivre riche et honoré de son peuple; tous deux choisirent une vie difficile, mais au service de Dieu. Nombreux sont ceux qui pourraient croire que c'était là une vie de renoncement et de sacrifice. Qu'en était-il en réalité? Moïse “estimait en effet que l'opprobre du Christ était une plus grande richesse que les trésors de l'Egypte” (Hébreux 11:26), et il en était bien ainsi pour lui. Quant à Paul, il déclara: “ce qui était pour moi comme un gain, je l'ai considéré comme une perte à cause du Christ. Et même je considère tout comme une perte à cause de l'excellence de la connaissance de Christ-Jésus, mon Seigneur. A cause de lui, j'ai accepté de tout perdre, et je considère tout comme des ordures, afin de gagner Christ.” Philippiens 3:7, 8. Il était heureux de son choix. Éd 78.5
A Moïse s'offraient le palais et le trône des Pharaons; mais les plaisirs coupables qui entraînent l'homme à oublier Dieu régnaient dans les cours royales, et Moïse leur préféra “les biens durables et la justice”. Proverbes 8:18. Au lieu de s'attacher à la grandeur de l'Egypte, il abandonna sa vie au dessein divin. Au lieu de légiférer pour l'Egypte, il fit connaître au monde ces règles qui sont la sauvegarde du foyer et de la société, la pierre angulaire sur laquelle s'élèvent les nations — ces règles que les plus grands hommes considèrent aujourd'hui comme la base de ce qu'il y a de meilleur dans les gouvernements terrestres. Éd 79.1
La grandeur de l'Egypte n'est plus que poussière. Sa puissance, le raffinement de sa civilisation ont passé. Mais l'œuvre de Moïse ne périra jamais. Les grands principes de droiture qu'il a passé sa vie à poser sont éternels. Éd 79.2
La vie de labeur, de responsabilités pesantes que connut Moïse fut illuminée par la présence de celui qui “se signale entre dix mille”, dont toute la personne est “désirable”. Cantique des cantiques 5:10, 16. Avec le Christ dans la longue marche au désert, avec le Christ sur la montagne de la transfiguration, avec le Christ dans les cours célestes: sa vie fut une vie bénie et une source de bénédictions sur la terre, elle fut honorée dans le ciel. Éd 79.3
De même Paul, dans ses nombreuses peines, fut soutenu par la puissance de la présence divine. “Je puis tout par celui qui me fortifie.” “Qui nous séparera de l'amour de Christ? La tribulation, ou l'angoisse, ou la persécution, ou la faim, ou le dénuement, ou le péril, ou l'épée? [...] Dans toutes ces choses, nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés. Car je suis persuadé que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les dominations, ni le présent, ni l'avenir, ni les puissances, ni les êtres d'en haut, ni ceux d'en bas, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu en Christ-Jésus notre Seigneur.” Philippiens 4:13; Romains 8:35, 37-39. Éd 80.1
Cependant Paul espérait une joie en récompense de ses peines — cette joie même pour laquelle le Christ souffrit la croix et méprisa l'humiliation — , la joie de voir un jour le fruit de son travail. “Qui donc est en effet notre espérance, notre joie, notre couronne de gloire? écrivait-il aux chrétiens de Thessalonique. N'est-ce pas vous aussi, devant notre Seigneur Jésus, à son avènement? Oui, vous êtes notre gloire et notre joie.” 1 Thessaloniciens 2:19, 20. Éd 80.2
Qui peut mesurer les résultats de l'œuvre de Paul en faveur de notre monde? De toutes les influences salutaires qui adoucissent la souffrance, soulagent le chagrin, refrènent le mal, élèvent la vie au-dessus de l'égoïsme et de la chair, l'animent de l'espoir de l'immortalité, combien sont dues à l'action de Paul et de ses compagnons, qui, de l'Asie aux rives de l'Europe, proclamèrent l'Evangile du Fils de Dieu, dans des voyages alors à peine remarqués? Éd 80.3
Cela valait-il la peine d'avoir été l'instrument de Dieu pour déverser ses bénédictions sur le monde? Et cela vaudra-t-il la peine de contempler, pendant l'éternité, le résultat de son travail? Éd 80.4