Conquérants Pacifiques

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Chapitre 35 — Le salut pour les Juifs

Ce chapitre est basé sur l'épître aux Romains.

Après avoir retardé son départ, Paul finit par atteindre Corinthe. C'est là qu'il avait jadis travaillé, l'esprit chargé d'inquiétude au sujet des fidèles auxquels il avait témoigné une si profonde sollicitude. Il eut le plaisir de constater que les convertis du début de son ministère considéraient toujours avec affection celui qui leur avait apporté le premier les lumières de l'Evangile. Alors qu'il saluait ces disciples, heureux de constater leur fidélité et leur zèle, il se réjouissait de ce que son œuvre à Corinthe n'était pas demeurée vaine. CP 331.1

Les Corinthiens, tout prêts autrefois à perdre de vue la noble mission que le Christ leur avait confiée, avaient affermi leur foi. Leurs paroles et leurs actes révélaient la puissance régénératrice de la grâce divine, et ils représentaient maintenant la forteresse du bien dans ce centre de paganisme et de superstition. En compagnie de ses collaborateurs bien-aimés et de ses fidèles prosélytes, l'apôtre, dont l'esprit était tourmenté et lassé, trouva enfin du repos. CP 331.2

Pendant son séjour à Corinthe, Paul eut le temps de former des projets pour travailler dans des champs plus vastes. Ses pensées se dirigeaient invariablement vers Rome, où il espérait se rendre un jour. Il désirait ardemment, en effet, voir s'établir solidement la foi chrétienne dans cette ville, qui était l'une des plus connues du monde. Une église y avait été déjà fondée, et il comptait s'assurer la collaboration des croyants qui s'y trouvaient pour entreprendre l'œuvre de Dieu en Italie et dans les pays voisins. Pour préparer la voie à son futur travail parmi les frères, dont certains étaient encore des étrangers pour lui, il leur écrivit une lettre leur annonçant son intention de se rendre dans la métropole, et son espoir de planter l'étendard de la croix en Espagne. CP 332.1

Dans son épître aux Romains, Paul établissait les grands principes de l'Evangile. Il définissait sa position relativement aux questions qui agitaient les églises juives et païennes. Il montrait que les espérances et les promesses, qui jadis n'appartenaient qu'aux Juifs, étaient maintenant offertes aussi aux Gentils. Avec une clarté et une puissance remarquables, il exposait le principe de la justification par la foi en Christ. Il espérait que d'autres églises profiteraient des enseignements qu'il adressait aux chrétiens de Rome; mais comme il se doutait peu de la portée lointaine qu'allaient avoir ses paroles! Dans tous les temps, la grande vérité de la justification par la foi s'est élevée comme un phare puissant pour guider les pécheurs repentants dans le chemin de la vie. C'est cette lumière qui avait dissipé les ténèbres dont l'esprit de Luther était enveloppé; c'est elle qui lui avait révélé le pouvoir justificateur du sang du Christ. Cette même lumière a guidé des milliers de pécheurs à la vraie source du pardon et de la paix. CP 332.2

Tout chrétien a lieu de remercier Dieu pour le contenu de l'épître aux Romains. Paul y donnait libre cours à la tristesse qu'il éprouvait au sujet des Juifs. Depuis sa conversion, il désirait vivement les aider à acquérir une nette compréhension du message évangélique. “Le vœu de mon cœur et ma prière à Dieu pour eux, c'est qu'ils soient sauvés”, déclarait-il. Il suppliait sans cesse Dieu d'agir en faveur de ses compatriotes, qui n'avaient pas reconnu Jésus de Nazareth comme le Messie promis. “Je dis la vérité en Christ, affirmait-il aux Romains, je ne mens point, ma conscience m'en rend témoignage par le Saint-Esprit: j'éprouve une grande tristesse, et j'ai dans le cœur un chagrin continuel. Car je voudrais moi-même être anathème et séparé de Christ pour mes frères, mes parents selon la chair, qui sont Israélites, à qui appartiennent l'adoption, et la gloire, et les alliances, et la loi, et le culte, et les promesses, et les patriarches, et de qui est issu, selon la chair, le Christ, qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni éternellement!” CP 332.3

Les Juifs étaient le peuple élu, par lequel Dieu proposait de bénir le monde entier. Du milieu de lui de nombreux prophètes avaient été suscités. Ceux-ci avaient prédit la venue du Rédempteur, qui devait être rejeté et crucifié par ceux-là même qui auraient dû être les premiers à le reconnaître comme le Messie promis. CP 333.1

Esaïe avait prédit des siècles à l'avance que les prophètes seraient rejetés les uns après les autres et, finalement, Jésus-Christ lui-même. Sous sa plume inspirée, nous lisons que le Rédempteur serait reçu par ceux qui ne faisaient pas partie des enfants d'Israël. Paul déclare au sujet de cette prophétie: “Esaïe pousse la hardiesse jusqu'à dire: J'ai été trouvé par ceux qui ne me cherchaient pas, je me suis manifesté à ceux qui ne me demandaient pas. Mais au sujet d'Israël il dit: J'ai tendu mes mains tout le jour vers un peuple rebelle et contredisant.” CP 333.2

Cependant, bien que les enfants d'Israël aient méprisé son Fils, Dieu ne les rejeta pas. Ecoutez Paul dire à ce sujet: “Je dis donc: Dieu a-t-il rejeté son peuple? Loin de là! Car moi aussi je suis Israélite, de la postérité d'Abraham, de la tribu de Benjamin. Dieu n'a point rejeté son peuple, qu'il a connu d'avance. Ne savez-vous pas ce que l'Ecriture rapporte d'Elie, comment il adresse à Dieu cette plainte contre Israël: Seigneur, ils ont tué tes prophètes, ils ont renversé tes autels; je suis resté moi seul, et ils cherchent à m'ôter la vie? Mais quelle réponse Dieu lui fait-il? Je me suis réservé sept mille hommes, qui n'ont point fléchi le genou devant Baal. De même aussi dans le temps présent il y a un reste, selon l'élection de la grâce.” Israël avait bronché, et était tombé; mais il ne lui était pas impossible de se relever. En réponse à la question: “Est-ce pour tomber qu'ils ont bronché?” l'apôtre répond: “Loin de là! Mais, par leur chute, le salut est devenu accessible aux païens, afin qu'ils fussent excités à la jalousie. Or, si leur chute a été la richesse du monde, et leur amoindrissement la richesse des païens, combien plus en sera-t-il ainsi quand ils se convertiront tous. Je vous le dis à vous, païens: en tant que je suis apôtre des païens, je glorifie mon ministère, afin, s'il est possible, d'exciter la jalousie de ceux de ma race, et d'en sauver quelques-uns. Car si leur rejet a été la réconciliation du monde, que sera leur réintégration, sinon une vie d'entre les morts?” CP 333.3

C'était dans les desseins de Dieu que sa grâce soit manifestée aussi bien aux Gentils qu'aux Israélites. Ceci avait été nettement établi dans les prophéties de l'Ancien Testament. L'apôtre en cite quelques-unes dans son argumentation: “Le potier n'est-il pas maître de l'argile, pour faire avec la même masse un vase d'honneur et un vase d'un usage vil? Et que dire, si Dieu, voulant montrer sa colère et faire connaître sa puissance, a supporté avec une grande patience des vases de colère formés pour la perdition, et s'il a voulu faire connaître la richesse de sa gloire envers des vases de miséricorde qu'il a d'avance préparés pour la gloire? Ainsi nous a-t-il appelés, non seulement d'entre les Juifs, mais encore d'entre les païens, selon qu'il le dit dans Osée: J'appellerai mon peuple celui qui n'était pas mon peuple, et bien-aimée celle qui n'était pas la bien-aimée; et là où on leur disait: Vous n'êtes pas mon peuple! ils seront appelés fils du Dieu vivant.”1Voir Osée 2:1. CP 334.1

Malgré la chute d'Israël, en tant que nation, il restait un bon nombre de Juifs qui désiraient être sauvés. Au moment où le Christ était sur la terre, des âmes sincères avaient reçu avec joie le message de Jean-Baptiste, et avaient été poussées à étudier à nouveau les prophéties relatives au Messie. Lorsque l'Eglise primitive fut fondée, elle se composait de ces fidèles Juifs qui reconnaissaient dans Jésus de Nazareth le Messie ardemment souhaité. C'est à eux que Paul s'adresse quand il écrit: “Or, si les prémices sont saintes, la masse l'est aussi; et si la racine est sainte, les branches le sont aussi.” CP 334.2

Paul compare le reste d'Israël à un olivier majestueux dont quelques branches ont été retranchées. Il compare aussi les Gentils aux rameaux d'un olivier sauvage, entés sur “l'olivier franc”. “Mais si quelques-unes des branches ont été retranchées, écrit-il aux chrétiens de la Gentilité, et si toi, qui étais un olivier sauvage, tu as été enté à leur place, et rendu participant de la racine et de la graisse de l'olivier, ne te glorifie pas aux dépens de ces branches. Si tu te glorifies, sache que ce n'est pas toi qui portes la racine, mais que c'est la racine qui te porte. Tu diras donc: Les branches ont été retranchées, afin que moi je fusse enté. Cela est vrai; elles ont été retranchées pour cause d'incrédulité, et toi, tu subsistes par la foi. Ne t'abandonne pas à l'orgueil, mais crains; car si Dieu n'a pas épargné les branches naturelles, il ne t'épargnera pas non plus. Considère donc la bonté et la sévérité de Dieu: sévérité envers ceux qui sont tombés, et bonté de Dieu envers toi, si tu demeures ferme dans cette bonté; autrement, tu seras aussi retranché.” CP 335.1

La nation d'Israël avait perdu tout contact avec le Seigneur, par suite de son incrédulité et du rejet du plan divin à son égard. Mais les branches qui avaient été retranchées de l'olivier franc pouvaient être entées à nouveau sur le vrai tronc d'Israël, le reste qui était demeuré fidèle à Dieu et à la foi de ses pères. “Eux de même, déclare l'apôtre, en parlant des branches qui ont été retranchées, s'ils ne persistent pas dans l'incrédulité, ils seront entés; car Dieu est puissant pour les enter de nouveau. Si toi, tu as été coupé de l'olivier naturellement sauvage, et enté contrairement à ta nature sur l'olivier franc, à plus forte raison eux seront-ils entés selon leur nature sur leur propre olivier. Car je ne veux pas, frères, que vous ignoriez ce mystère, afin que vous ne vous regardiez point comme sages, c'est qu'une partie d'Israël est tombée dans l'endurcissement, jusqu'à ce que la totalité des païens soit entrée. Et ainsi tout Israël sera sauvé, selon qu'il est écrit: Le libérateur viendra de Sion, et il détournera de Jacob les impiétés; et ce sera mon alliance avec eux, lorsque j'ôterai leurs péchés. En ce qui concerne l'Evangile, ils sont ennemis à cause de vous; mais en ce qui concerne l'élection, ils sont aimés à cause de leurs pères. Car Dieu ne se repent pas de ses dons et de son appel. De même que vous avez autrefois désobéi à Dieu et que par leur désobéissance vous avez maintenant obtenu miséricorde, de même ils ont maintenant désobéi, afin que, par la miséricorde qui vous a été faite, ils obtiennent aussi miséricorde. Car Dieu a renfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire miséricorde à tous. O profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu! Que ses jugements sont insondables, et ses voies incompréhensibles! Car qui a connu la pensée du Seigneur, ou qui a été son conseiller? Qui lui a donné le premier, pour qu'il ait à recevoir en retour? C'est de lui, par lui, et pour lui que sont toutes choses. A lui la gloire dans tous les siècles!” CP 335.2

Ainsi Paul montre que Dieu a la puissance de transformer, de la même manière, le cœur des Juifs et le cœur des Gentils, et d'accorder à tous ceux qui vont au Christ les bénédictions promises à Israël. L'apôtre répète la déclaration d'Esaïe relative aux Israélites: “Quand le nombre des fils d'Israël serait comme le sable de la mer, un reste seulement sera sauvé. Car le Seigneur exécutera pleinement et promptement sur la terre ce qu'il a résolu. Et, comme Esaïe l'avait dit auparavant: Si le Seigneur des armées ne nous eût laissé une postérité, nous serions devenus comme Sodome, nous aurions été semblables à Gomorrhe.” CP 336.1

Quand Jérusalem fut détruite, et que le temple tomba en ruine, des milliers de Juifs furent vendus comme esclaves en terres païennes. Comme des naufragés échoués sur un rivage désert, ils furent dispersés parmi les nations étrangères. Pendant plus de dix-neuf cents ans, les Juifs ont erré de pays en pays, à travers le monde. Dédaignés, haïs, persécutés de siècle en siècle, leur héritage n'a été que celui de la souffrance. CP 336.2

Bien qu'un terrible jugement ait été prononcé contre la nation israélite à l'époque où elle avait rejeté Jésus de Nazareth, des Juifs au cœur noble et craignant Dieu continuèrent, à travers les âges, à souffrir en silence. Dieu a réconforté leurs âmes affligées, et il s'est penché avec pitié sur leur condition tragique. Il a entendu les prières déchirantes de ceux qui le recherchaient de tout leur cœur pour acquérir une juste compréhension de sa Parole. Parmi ces infortunés, certains ont appris à voir dans l'humble Nazaréen, rejeté et crucifié par leurs pères, le véritable Messie d'Israël. Et tandis qu'ils sondaient les prophéties qui leur étaient familières, et que la tradition ou une fausse interprétation leur avaient rendues si longtemps obscures, leur cœur débordait de reconnaissance envers Dieu pour le don ineffable qu'il accorde à tous ceux qui acceptent le Christ comme Sauveur personnel. CP 337.1

C'est à cette catégorie de chrétiens que fait allusion Esaïe lorsqu'il dit: “Un reste seulement sera sauvé.” Depuis l'époque de Paul jusqu'à nos jours, Dieu a appelé à la fois, par son Saint-Esprit, les Juifs et les païens. “Car devant Dieu il n'y a point d'acception de personnes”, déclare Paul. L'apôtre se considérait lui-même débiteur des Grecs et des barbares, ainsi que des Juifs, mais il ne perdait jamais de vue les privilèges que ceux-ci possédaient par rapport aux autres. Il écrit en parlant d'eux: “... et tout d'abord en ce que les oracles de Dieu leur ont été confiés.” “L'Evangile, dit-il encore, est une puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, du Juif premièrement, puis du Grec, parce qu'en lui est révélée la justice de Dieu par la foi et pour la foi, selon qu'il est écrit: Le juste vivra par la foi.” C'est de cet Evangile, aussi efficace pour les Juifs que pour les Gentils, que Paul déclarait, dans son épître aux Romains, “qu'il n'avait point honte”. CP 337.2

Peu nombreux sont les pasteurs qui se sentent appelés à travailler pour le peuple juif; mais le message de miséricorde et d'espoir en Christ doit être annoncé à tous ceux qu'on a trop longtemps négligés. Dans la proclamation finale de l'Evangile, Dieu suscitera des serviteurs qui prendront un soin spécial des Juifs, répandus dans toutes les parties du monde. CP 338.1

Comme l'Ancien Testament s'harmonise avec le Nouveau pour l'explication des desseins éternels de Dieu, de nombreux Juifs y verront comme l'aurore d'une nouvelle création, la résurrection de l'âme. Lorsqu'ils discerneront le Christ de la dispensation évangélique à travers les pages de l'Ancien Testament, lorsqu'ils comprendront combien clairement le Nouveau Testament explique l'Ancien, alors ils se réveilleront de leur assoupissement, et reconnaîtront le Christ comme Sauveur du monde. Et ces paroles s'accompliront alors pour eux: “Mais à tous ceux qui l'ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu.”2Jean 1:12. CP 338.2

Parmi les Juifs, il y en a beaucoup qui, comme Saul de Tarse, sont puissants dans les Ecritures. Ils proclameront avec une force merveilleuse l'immutabilité de la loi divine. Le Dieu d'Israël permettra que tout cela s'accomplisse de nos jours, car son bras ne s'est pas raccourci; il est toujours puissant pour sauver. CP 338.3

“C'est pourquoi ainsi parle l'Eternel à la maison de Jacob, lui qui a racheté Abraham: Maintenant Jacob ne rougira plus, maintenant son visage ne pâlira plus. Car, lorsque ses enfants verront au milieu d'eux l'œuvre de mes mains, ils sanctifieront mon nom; ils sanctifieront le Saint de Jacob, et ils craindront le Dieu d'Israël; ceux dont l'esprit s'égarait acquerront de l'intelligence, et ceux qui murmuraient recevront instruction.”3Ésaïe 29:22-24. CP 338.4