Le Grand Espoir- 3e édition

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35 - Menaces contre la liberté de conscience

L’attitude des protestants d’aujourd’hui envers l’Église catholique romaine est beaucoup plus favorable que dans les années passées. Dans les pays où le catholicisme n’est pas majoritaire, et où les partisans de la papauté adoptent une attitude conciliante pour augmenter leur influence, on constate une indifférence croissante à l’égard des doctrines qui séparent les Églises réformées de la hiérarchie papale. L’opinion selon laquelle, après tout, les protestants ne diffèrent pas autant sur les points essentiels qu’on l’avait supposé, et que quelques concessions de leur part leur apporteraient une meilleure compréhension de l’Église catholique romaine gagne du terrain. Il y eut un temps où les protestants accordaient une grande valeur à la liberté de conscience, acquise à si grand prix. Ils enseignaient leurs enfants à avoir en horreur le papisme et déclaraient que chercher l’entente avec l’Église catholique romaine serait un acte de déloyauté envers Dieu. Combien différents sont les sentiments exprimés aujourd’hui! GE3 413.1

Les partisans de la papauté prétendent qu’on a calomnié l’Église, et le monde protestant est enclin à accepter cette affirmation. Beaucoup avancent l’idée qu’il serait injuste de juger l’Église d’aujourd’hui sur les abominations et les absurdités qui ont marqué son règne au cours des siècles d’ignorance et de ténèbres. Ils excusent son horrible cruauté en l’attribuant à la barbarie de l’époque et font valoir que, sous l’influence de la civilisation moderne, elle a changé de sentiments. GE3 413.2

Ces personnes ont-elles oublié la prétention à l’infaillibilité exprimée depuis neuf cents ans par ce hautain pouvoir? Bien loin d’avoir été abandonnée, cette prétention a été confirmée au XIXe siècle avec encore plus de force que jamais auparavant. Puisque Rome affirme que « l’Église n’a jamais erré, et, selon les Écritures, n’errera jamais1»’ comment pourrait-elle renoncer aux principes qui ont guidé son comportement dans les siècles passés ? GE3 413.3

L’Église papale n’abandonnera jamais don désir ambitieux d’infaillibilité. Tout ce qu’elle a fait en persécutant ceux qui rejetaient ses dogmes, elle le tient pour juste. Ne répéterait-elle pas les mêmes actes si l’occasion s’en présentait? Que viennent à disparaître les restrictions imposées aujourd’hui par les gouvernements séculiers, que l’Église romaine retrouve son ancien pouvoir, et on assisterait rapidement à un renouveau de son esprit tyrannique et de ses persécutions. GE3 413.4

Un auteur bien connu parle ainsi de l’attitude de la hiérarchie papale à l’égard de la liberté de conscience, et des dangers qui menacent spécialement les Etats-Unis si elle réussissait à appliquer sa politique : GE3 414.1

« Il y en a beaucoup qui sont disposés à attribuer à la bigoterie ou à la puérilité la crainte à l’égard du catholicisme romain aux États-Unis. Ceux-là ne discernent rien dans le caractère et l’attitude de l’Église romaine qui soit hostile à nos libres institutions, ni aucun mauvais présage dans sa croissance. Comparons donc, pour commencer, quelques-uns des principes fondamentaux de notre gouvernement avec ceux de l’Église catholique. GE3 414.2

«La Constitution des États-Unis garantit la liberté de conscience. Rien n’est si cher à notre cœur, ni si fondamental. Or, le pape Pie IX, dans son Encyclique du 15 août 1854, déclarait: “Les doctrines ou divagations absurdes et erronées en faveur de la liberté de conscience sont une erreur pestilentielle, une théorie pernicieuse à redouter plus que toute autre dans un État.” Le même pape, dans son Encyclique du 8 décembre 1864, frappait d’anathème “ceux qui proclament la liberté de conscience et de culte”, et également “tous ceux qui professent que l’Église n’a pas le droit d’employer la contrainte.” GE3 414.3

«Le ton pacifique de l’Église catholique romaine aux États-Unis n’implique pas un changement de cœur. Elle se montre tolérante là où elle ne peut pas faire autrement. L’évêque O’Connor déclarait: “On ne supporte la liberté religieuse que jusqu’au moment où son contraire pourra être mis en œuvre sans danger pour le monde catholique.” L’archevêque de Saint-Louis a déclaré: “L’hérésie et l’incrédulité sont des crimes. Dans les pays chrétiens tels que, par exemple, l’Italie et l’Espagne, où toute la population est catholique et où la religion catholique est une partie essentielle des lois du pays, celles-ci sont punissables au même titre que les autres crimes.” GE3 414.4

« Chaque cardinal, archevêque et évêque de l’Église catholique prête un serment d’obéissance au pape, contenant les paroles suivantes: “Je persécuterai de toutes mes forces les hérétiques, les schismatiques et les rebelles à notre Seigneur (le pape) ou à ses successeurs et m’opposerai à eux” 2. » GE3 414.5

Il est vrai qu’il y a de véritables chrétiens au sein de l’Église catholique. Dans cette communauté, des milliers de personnes servent Dieu au mieux des lumières qu’elles ont reçues. On ne leur permet pas d’avoir accès à la Parole de Dieu 3, et elles ne peuvent donc pas discerner la vérité. Elles n’ont jamais vu le contraste existant entre un service vivant provenant du cœur et une simple répétition de formules et de cérémonies. Dieu regarde avec tendresse et pitié ces âmes, éduquées dans une foi trompeuse et insatisfaisante. Il leur fera parvenir des rayons de lumière au sein des profondes ténèbres qui les entourent. Il leur révélera « la vérité qui est en Jésus 4 ”, et beaucoup d’entre elles se rangeront un jour du côté de son peuple. GE3 414.6

Mais l’Église catholique romaine, en tant que système, n’est pas plus en accord avec l’Évangile du Christ aujourd’hui qu’elle ne l’était à n’importe quelle époque précédente de son histoire. Les Églises protestantes sont dans une profonde obscurité, sinon elles discerneraient «les signes des temps 5 ». Rome voit loin dans ses plans et dans ses façons d’agir. Elle emploie tous les stratagèmes possibles pour étendre son influence et accroître sa puissance en prévision d’un conflit rude et déterminé pour reprendre la domination du monde, pour rétablir la persécution et pour défaire tout ce qui a été construit par le protestantisme. GE3 414.7

Le catholicisme gagne du terrain de tous côtés. Voyez le nombre croissant de ses églises et de ses chapelles dans les pays protestants. Regardez la popularité de ses établissements d’enseignement supérieur et de ses séminaires en Amérique, dans lesquels il y a tant d’élèves protestants. Regardez la croissance du ritualisme en Angleterre, et les fréquentes défections de protestants qui se joignent à l’Église catholique: Tout cela devrait éveiller l’inquiétude de tous ceux qui apprécient à leur juste valeur les purs principes de l’Évangile. GE3 415.1

Les protestants ont fraternisé avec la papauté et l’ont encouragée. Ils ont fait des compromis et des concessions que les catholiques eux-mêmes sont surpris de constater et n’arrivent pas à comprendre. Les hommes se ferment les yeux sur le véritable caractère de l’Église romaine et sur les dangers qui surgiraient si elle retrouvait sa suprématie. Il faut que les gens se réveillent pour résister aux avances de ce redoutable ennemi de la liberté civile et religieuse. GE3 415.2

De nombreux protestants supposent que la religion catholique manque d’attrait et que son culte est une répétition de cérémonies ennuyeuses et vides de sens. Ils commettent une grave erreur. Bien que l’Église romaine repose sur une tromperie, ce n’est pas une imposture grossière et maladroite. Les services religieux de l’Église romaine sont des cérémonies profondément impressionnantes. Ses magnifiques cérémonies et ses rites solennels fascinent les sens des gens et font taire la voix de la raison et de la conscience. Ils charment les yeux. Ses églises magnifiques, ses processions impressionnantes, ses autels dorés, ses reliquaires recouverts de bijoux, ses tableaux soigneusement choisis et ses exquises sculptures font appel à l’amour de la beauté. L’oreille aussi est captivée. La musique est sans égale. Les riches accords des orgues aux profondes sonorités, s’harmonisant avec la mélodie de chorales nombreuses, s’élevant jusqu’aux voûtes altières et se répandant dans les allées à colonnades de ses magnifiques cathédrales, ne peuvent manquer d’impressionner l’esprit de crainte et de respect. GE3 415.3

Cependant, cette splendeur, cette pompe et ce cérémonial extérieurs, qui ne font que tromper les aspirations des âmes malades de leurs péchés, sont une preuve de sa corruption intérieure. La religion du Christ n’a pas besoin de tels attraits pour se recommander aux hommes. À la lumière qui jaillit de la croix, le véritable christianisme paraît si pur et si aimable qu’aucune décoration extérieure ne peut ajouter à sa véritable valeur. C’est « l’éclat de la sainteté 6 ”, « la parure impérissable d’un esprit doux et paisible 7”, qui sont « d’un grand prix devant Dieu 8 ». GE3 415.4

L’éclat du style n’est pas nécessairement l’indice de pensées pures et élevées. On trouve souvent de hautes conceptions artistiques et un délicat raffinement du goût chez des esprits qui sont terrestres et sensuels. Satan les utilise souvent pour faire oublier aux hommes les besoins de leur âme, pour leur faire perdre de vue la vie future immortelle, pour les détourner de leur tout-puissant Protecteur, et pour les amener à vivre seulement pour ce monde. GE3 415.5

Une religion d’apparence extérieure plaît au cœur non régénéré. Les fastes et les cérémonies du culte catholique exercent une puissance de séduction et de fasci- nation qui trompe de nombreuses personnes ; celles-ci en viennent à considérer l’Église romaine comme la porte même du ciel. Seuls sont à l’abri de son influence ceux qui ont planté fermement les pieds sur le fondement de la vérité, et dont le cœur a été régénéré par l’Esprit de Dieu. Des milliers de personnes qui n’ont aucune connaissance expérimentale du Christ seront amenées à accepter « la forme extérieure de la piété 9 », mais sans sa puissance. Ce genre de religion est exactement ce que les multitudes désirent. GE3 415.6

La prétention de l’Église romaine au droit de pardonner pousse ses membres à se sentir libres de pécher. Le sacrement de la confession, sans lequel le pardon n’est pas accordé, tend aussi à donner licence au mal. Celui qui s’agenouille devant un homme déchu et lui ouvre les secrets de ses pensées et les rêves de son cœur avilit sa dignité d’homme et détériore les nobles instincts de son âme. En dévoilant les transgressions de sa vie devant un prêtre, un mortel faillible, un pécheur, trop souvent corrompu par le vin et la libéralité, il abaisse les principes de son caractère, et s’en trouve souillé. Sa conception du divin est altérée au niveau de l’humanité entachée, car le prêtre est pour lui un représentant de Dieu. GE3 416.1

Cette confession dégradante d’homme à homme est la source secrète d’une grande partie des maux qui souillent notre monde et le préparent à sa destruction finale. Cependant, pour celui qui aime ses aises, il est préférable de se confesser à l’un de ses semblables que d’ouvrir son âme à Dieu. Il est plus agréable à la nature humaine de faire pénitence que de renoncer au péché. Il est plus facile de mortifier la chair en la revêtant de toile de sac, en la meurtrissant à coups d’orties ou en la chargeant de lourdes chaînes que de crucifier ses désirs. Combien lourd est le joug que le cœur charnel choisit de porter plutôt que de s’incliner devant celui du Christ! GE3 416.2

Il existe une ressemblance frappante entre l’Église catholique romaine et la communauté juive à l’époque de la première venue du Christ. Tout en transgressant secrètement chaque principe de la loi de Dieu, les Juifs étaient extérieurement très stricts dans l’observation de ses préceptes, les chargeant d’exigences et de traditions qui rendaient l’obéissance pénible et pesante. De même que les Juifs professaient un grand respect pour la loi de Dieu, de même les partisans de l’Église romaine prétendent l’avoir pour la croix. Ils exaltent le symbole des souffrances du Christ, tout en reniant par leur vie Celui que cette croix représente. GE3 416.3

Les catholiques placent des croix sur leurs églises, sur leurs autels et sur leurs vêtements. On voit partout les insignes de la croix, partout on l’honore et on l’exalte extérieurement, mais les enseignements du Christ sont ensevelis sous une masse de traditions dépourvues de sens, de fausses interprétations et de rigoureuses exigences. Les paroles du Sauveur destinées aux Juifs bigots s’appliquent avec encore plus de force aux dirigeants de l’Église romaine: « Ils lient des charges lourdes, difficiles à porter, pour les mettre sur les épaules des gens, mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt 10. » Des âmes consciencieuses sont maintenues dans une terreur constante, craignant la colère d’un Dieu offensé, tandis que de nombreux dignitaires de l’Église vivent dans le luxe et les plaisirs sensuels. GE3 416.4

Le culte des images et des reliques, l’invocation des saints et l’exaltation du pape sont des stratagèmes de Satan pour détourner l’esprit des gens de Dieu et de son Fils. Pour provoquer leur destruction, il s’efforce d’écarter leur attention de Celui qui seul peut leur donner le salut. Il les dirigera vers n’importe quel objet qui puisse remplacer Celui qui a dit: «Venez à moi, vous qui peinez sous la charge; moi, je vous donnerai le repos 11 GE3 416.5

L’effort constant de Satan est de nous donner une représentation erronée du caractère de Dieu, de la nature du péché et des véritables enjeux de la grande controverse entre le Christ et lui. Ses sophismes minimisent l’obligation de la loi divine et autorisent les hommes à pécher. En même temps, il les amène à entretenir une fausse vision de Dieu, de sorte qu’ils le considèrent avec crainte et avec haine plutôt qu’avec amour. Il attribue au Créateur la cruauté qui est celle de son propre caractère; celle-ci est incorporée dans les systèmes religieux et exprimée dans leurs cultes. C’est ainsi que Satan aveugle l’esprit des hommes, puis les utilise comme agents dans sa lutte contre Dieu. Par des conceptions perverties des attributs divins, les nations païennes ont été amenées à croire que les sacrifices humains étaient nécessaires pour obtenir la faveur de la divinité ; et d’horribles actes de cruauté ont été commis sous diverses formes d’idolâtrie. GE3 417.1

L’Église catholique romaine, unissant les formes du paganisme et celles du christianisme, et dénaturant le caractère de Dieu, a eu recours à des pratiques tout aussi cruelles et révoltantes. À l’époque de sa suprématie, on employait des instruments de torture pour contraindre les âmes à accepter ses doctrines. Le bûcher attendait ceux qui ne voulaient pas reconnaître ses prétentions. Des massacres furent perpétrés sur une échelle dont l’ampleur ne sera révélée qu’au Jour du Jugement. Des dignitaires de l’Église cherchaient, sous la direction de Satan, leur maître, des moyens d’infliger le maximum de souffrances sans mettre fin à la vie de leur victime. Dans de nombreux cas, ce processus infernal était répété jusqu’aux limites de l’en-durance humaine, jusqu’à ce que la nature abandonne la lutte et que le supplicié accueille la mort comme une douce délivrance. GE3 417.2

Tel était le sort des opposants à L’Église catholique romaine. Pour ses adhérents, elle utilisait la discipline du fouet, des jeûnes et des austérités physiques sous les aspects les plus divers et les plus repoussants. Pour obtenir la faveur du ciel, des pénitents transgressaient les lois de Dieu régissant la nature. On leur enseignait à rompre les liens que Dieu avait formés pour bénir et réjouir le chemin terrestre des hommes. Les cimetières contiennent des millions de victimes qui passèrent leur vie en vains efforts pour étouffer leurs affections naturelles, pour réprimer toute pensée et tout sentiment de sympathie envers leurs semblables, comme si c’était quelque chose qui offensait Dieu. GE3 417.3

Si nous voulons comprendre la cruauté déterminée de Satan, manifestée pendant des centaines d’années, non parmi ceux qui n’ont jamais entendu parler de Dieu, mais au cœur même de la chrétienté et dans toute son étendue, nous n’avons qu’à regarder l’histoire de l’Église catholique romaine. Par l’intermédiaire de ce gigantesque système de tromperie, le prince du mal réalise son dessein de déshonorer Dieu et d’attirer la souffrance sur l’humanité. En voyant comment il se déguise pour accomplir son œuvre par l’intermédiaire des dirigeants de l’Église, nous pou-vons mieux comprendre pourquoi il manifeste une telle antipathie envers la Bible. Si on lit ce Livre, il nous révélera la miséricorde et l’amour de Dieu; nous verrons qu’il ne place sur les épaules des hommes aucun de ces lourds fardeaux. Tout ce qu’il demande, c’est «un cœur brisé, écrasé 12 ”, un esprit d’humilité et d’obéissance. GE3 417.4

Le Christ ne donne aucun exemple durant sa vie incitant les hommes et les femmes à s’enfermer dans un monastère pour se préparer pour le ciel. Jamais il ne nous a enseigné à réprimer notre amour et notre sympathie. Le cœur du Sauveur débordait d’affection. Plus l’homme approche de la perfection morale et plus sa sensibilité augmente, plus sa perception du péché devient aiguë et plus sa tendresse pour les affligés s’approfondit. GE3 418.1

Le pape prétend être le vicaire du Christ; mais en quoi son caractère supporte-t-il la comparaison avec celui de notre Sauveur? A-t-on déjà appris que le Christ ait condamné des hommes à la prison ou au chevalet parce qu’ils ne lui rendaient pas hommage comme Roi du ciel? A-t-on déjà entendu sa voix châtier à mort ceux qui ne l’acceptaient pas ? Lorsque les habitants d’un village samaritain le rejetèrent, l’apôtre Jean, rempli d’indignation, lui demanda: « Seigneur, veux-tu que nous disions au feu de descendre du ciel pour les détruire 13?” Jésus regarda son disciple avec pitié et réprima la dureté de son esprit en déclarant: « Je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour sauver le monde 14. » Quelle différence entre l’esprit manifesté par le Christ et celui de son prétendu vicaire! GE3 418.2

De nos jours, l’Église catholique romaine présente au monde un visage attrayant, couvrant par des excuses ses horribles actes de cruauté des temps passés. Elle s’est revêtue de vêtements chrétiens ; mais son cœur n’a pas changé. Tous les principes de la papauté qui existaient dans les siècles passés sont encore les siens. Elle professe toujours les doctrines conçues pendant la période d’obscurantisme. Que personne ne s’y trompe : la papauté, que les protestants sont présentement si disposés à honorer est la même que celle qui dominait le monde à l’époque de la Réforme, lorsque des hommes de Dieu se levèrent au péril de leur vie pour dénoncer ses iniquités. Elle possède le même orgueil et la même prétention arrogante qui l’ont amenée à dominer les rois et les princes et à prétendre posséder les prérogatives de Dieu. Son esprit n’est pas moins cruel ni moins despotique aujourd’hui que lorsqu’elle écrasait la liberté humaine et mettait à mort « les saints du Très-Haut 15 GE3 418.3

La papauté est exactement ce que la prophétie a annoncé à son sujet: l’apostasie des derniers temps 16. Cela fait partie de sa politique d’assumer le caractère qui convient le mieux à la réalisation de ses desseins ; mais, sous l’apparence changeante du caméléon, elle cache toujours le venin du serpent. Elle a déclaré : « On n’est pas tenu de respecter la parole donnée aux hérétiques, ni aux personnes soupçonnées d’hérésie 17. » Devra-t-on reconnaître aujourd’hui cette puissance, dont l’histoire pendant un millénaire a été écrite dans le sang des saints, comme faisant partie de l’Église du Christ? GE3 418.4

Ce n’est pas sans raison qu’on a prétendu dans les pays protestants que le catholicisme diffère moins qu’autrefois du protestantisme. Il y a eu un changement; mais ce n’est pas la papauté qui a changé. En effet, le catholicisme ressemble beaucoup au protestantisme actuel ; mais c’est parce que le protestantisme a tellement dégénéré depuis l’époque des réformateurs. GE3 418.5

Tandis que les Églises protestantes recherchaient la faveur du monde, une charité trompeuse a aveuglé leurs yeux. En estimant qu’il est bon de penser du bien de tout le mal, elles finissent inévitablement par penser du mal de tout le bien. Au lieu de prendre la défense de «la foi qui a été transmise aux saints une fois pour toutes 18 ”, elles sont, pour ainsi dire, en train de s’excuser devant l’Église romaine pour avoir eu d’elle une opinion peu charitable, et de lui demander pardon de leur bigoterie. GE3 418.6

Un grand nombre de personnes, même parmi celles qui ne considèrent pas l’Église catholique romaine avec faveur, redoutent peu le danger de sa puissance et de son influence. Beaucoup prétendent que les ténèbres intellectuelles et morales qui régnaient au Moyen Âge favorisaient la propagation de ses dogmes, de ses superstitions et de son oppression, et que l’intelligence plus grande des temps modernes, la diffusion générale des connaissances et le libéralisme croissant en matière de religion empêchent un retour de l’intolérance et de la tyrannie. On tourne en ridicule la pensée qu’un tel état de choses puisse exister dans ce siècle éclairé. Il est vrai qu’une grande lumière, intellectuelle, morale et religieuse brille sur notre génération. Par les pages ouvertes de la Sainte Parole de Dieu, la clarté du ciel a été répandue sur le monde. Mais on doit se souvenir que plus grande est la lumière accordée, plus profondes sont les ténèbres de ceux qui la pervertissent et la rejettent. GE3 419.1

Une étude de la Bible faite dans un esprit de prière montrerait aux protestants le véritable caractère de la papauté et les amènerait à l’avoir en horreur et à l’éviter; mais beaucoup s’estiment si sages à leurs propres yeux qu’ils n’éprouvent aucune nécessité de rechercher humblement Dieu afin d’être conduits dans la vérité. Tout en se vantant de la lumière qui brille sur eux, ils ne connaissent « ni les Écritures, ni la puissance de Dieu 19 ». Ayant besoin d’un moyen leur permettant d’apaiser leur conscience, ils cherchent celui qui est le moins spirituel et le moins humiliant. Ce qu’ils désirent, c’est une méthode pour oublier Dieu qui puisse être considérée comme une méthode pour se souvenir de lui. La papauté est bien conçue pour répondre aux besoins de tous ceux-là. Elle a été envisagée pour deux classes d’hommes, qui englobent presque le monde entier: ceux qui veulent être sauvés par leurs mérites, et ceux qui veulent être sauvés dans leurs péchés. Voilà le secret de sa puissance. GE3 419.2

On a pu voir qu’une époque d’obscurantisme profond était favorable au succès de la papauté. Il reste encore à démontrer qu’un temps de grandes lumières intellectuelles est également propice à son succès. Dans les siècles passés, lorsque les hommes étaient sans la Parole de Dieu et sans connaissance de la vérité, leurs yeux étaient comme bandés ; des milliers d’entre eux tombaient dans le piège sans voir le filet tendu à leurs pieds. Dans notre génération, beaucoup sont éblouis par l’éclat des spéculations humaines, « la pseudo-connaissance 20 ». Ils ne discernent pas ce filet tendu et s’y précipitent avec autant d’empressement que s’ils étaient aveugles. GE3 419.3

L’intention de Dieu était que l’homme considère ses facultés intellectuelles comme un don de son Créateur et les mette au service de la vérité et de la justice; mais, lorsqu’il caresse l’orgueil et l’ambition et exalte ses propres théories au-dessus de la Parole de Dieu, son intelligence peut causer plus de mal que l’ignorance. Ainsi, la fausse science d’aujourd’hui, qui sape la foi dans la Bible, se révélera avoir tout autant de succès pour préparer la voie à l’acceptation de la papauté, avec ses formes agréables, que la privation de connaissance au Moyen Âge en avait pour ouvrir la voie à sa domination. GE3 419.4

Dans les mouvements qui se développent actuellement aux États-Unis pour obtenir au profit des institutions et de l’Église le soutien de l’État, les protestants suivent les traces des partisans de l’Église catholique romaine. Que dis-je, ils ouvrent la porte à la papauté pour qu’elle retrouve dans l’Amérique protestante la suprématie qu’elle a perdue dans l’Ancien Monde. Ce qui donne à ce mouvement encore plus de signification est le fait que le principal objectif visé est l’obligation de l’observation du dimanche, une coutume dont l’Église romaine est à l’origine et dont elle se réclame comme signe de son autorité. C’est l’esprit de Rome, l’esprit de conformité aux habitudes du monde, la vénération des traditions humaines au-dessus des commandements de Dieu qui pénètre dans les Églises protestantes et les amène à réaliser la même œuvre d’exaltation du dimanche que la papauté avait réalisée avant elles. GE3 420.1

Si le lecteur veut comprendre les agents qui seront employés dans cette controverse imminente, il n’a qu’à examiner l’histoire des moyens que l’Église catholique romaine a mis en œuvre dans le même but au cours des siècles passés. S’il veut savoir comment catholiques et protestants, une fois unis, traiteront ceux qui rejettent leurs dogmes, qu’il observe quel esprit l’Église catholique romaine a manifesté envers le sabbat et ses défenseurs. GE3 420.2

Édits royaux, conciles généraux et ordonnances ecclésiastiques soutenues par le pouvoir séculier, telles furent les étapes par lesquelles cette fête païenne a atteint sa place d’honneur dans le monde chrétien. La première mesure publique imposant l’observation du dimanche fut la loi promulguée par l’empereur Constantin, en l’an 321 de notre ère 21. Cet édit ordonnait aux citadins de se reposer « le vénérable jour du soleil », mais permettait aux campagnards de poursuivre leurs travaux agricoles. Bien que ce soit un édit virtuellement païen, il fut imposé par l’empereur après son acceptation nominale du christianisme. GE3 420.3

Cet édit royal ne constituant pas un substitut suffisamment convaincant pour remplacer l’autorité divine, Eusèbe, un évêque qui recherchait la faveur des princes et qui était l’ami intime de Constantin, qu’il flattait, prétendit que le Christ avait transféré le sabbat au dimanche. Il ne présenta aucun témoignage des Écritures pour soutenir cette nouvelle doctrine. Eusèbe lui-même reconnaît involontairement la fausseté de celle-ci et désigne les véritables auteurs de ce changement en disant: «Tout ce qui était de notre devoir le sabbat, nous l’avons transféré au jour du Seigneur 22. » Mais cet argument en faveur du dimanche, aussi dénué de fondement qu’il était, servit à enhardir les hommes à fouler aux pieds le sabbat du Seigneur. Tous ceux qui recherchaient les honneurs du monde acceptèrent cette fête populaire. GE3 420.4

Au fur et à mesure que la papauté asseyait son pouvoir, l’œuvre de l’exaltation du dimanche se poursuivait. Pendant quelque temps, les gens s’adonnaient aux travaux agricoles lorsqu’ils n’étaient pas à l’église, et le septième jour était encore considéré comme le sabbat. Mais un changement s’effectua graduellement. On interdit aux magistrats de prononcer un jugement dans un procès civil le dimanche. Peu après, on ordonna à tous, quel que soit leur rang, de s’abstenir de travailler le dimanche, sous peine d’amende pour les hommes libres, et de coups de fouet pour les serviteurs. Plus tard encore, on décréta que les riches coupables devaient être punis en abandonnant la moitié de leurs propriétés; et, finalement, qu’ils seraient réduits en esclavage s’ils s’obstinaient à travailler le dimanche. Les classes inférieures devaient être condamnées au bannissement perpétuel. GE3 420.5

On eut aussi recours aux miracles. Parmi d’autres prodiges, on raconta qu’un cultivateur qui se préparait à labourer son champ un dimanche voulut nettoyer le soc de sa charrue avec un fer; ce fer se colla à sa main; et, pendant deux ans, il dut le porter partout avec lui, « à sa grande souffrance et à sa grande honte 23 ». GE3 421.1

Plus tard, le pape ordonna aux prêtres des paroisses de réprimander les transgresseurs du dimanche et en leur recommandant d’aller à l’église et de faire leurs prières, de peur d’attirer quelque grande calamité sur eux-mêmes et sur leurs voisins. Un concile ecclésiastique avança l’argument, si souvent employé depuis, même par les protestants, disant que, puisque la foudre avait frappé des personnes pendant qu’elles travaillaient un dimanche, ce jour était certainement le véritable sabbat. « Il est évident, disaient les prélats, que leur négligence dans l’observation de ce jour a causé à Dieu un grand déplaisir. » Un appel fut ensuite adressé aux prêtres et aux ministres, aux rois et aux princes, ainsi qu’à tous les fidèles, pour qu’ils « fassent tous leurs efforts pour veiller à ce que ce jour soit remis en honneur et, pour la réputation du christianisme, soit observé à l’avenir avec plus de piété 24 ». GE3 421.2

Les décrets des conciles se révélant insuffisants, on réclama aux autorités séculières un édit qui frapperait de terreur le cœur des gens du peuple et les forcerait à s’abstenir de travailler le dimanche. Lors d’un synode tenu à Rome, toutes les décisions précédentes furent réaffirmées avec encore plus de force et de solennité. Elles furent aussi incorporées dans les lois ecclésiastiques et imposées par les autorités civiles dans presque toute la chrétienté 25. GE3 421.3

Cependant, l’absence d’autorité biblique pour l’observation du dimanche causait un profond embarras. Les gens du peuple contestaient à leurs docteurs le droit de rejeter la déclaration positive de l’Éternel, « le septième jour, c’est un sabbat pour le SEIGNEUR, ton Dieu 26 ”, pour honorer à sa place le jour du soleil. Pour suppléer au manque de témoignage biblique, il fallut d’autres expédients. Un zélé partisan du dimanche qui, vers la fin du XII° siècle, visitait les Églises d’Angleterre, se heurta à la résistance de fidèles témoins de la vérité; et ses efforts se révélèrent si vains qu’il dut quitter ce pays pendant un certain temps et chercher comment soutenir ses enseignements. Lorsqu’il y revint, ce manque était comblé ; il rencontra davantage de succès dans la suite de ses travaux. Il apporta avec lui un rouleau qui, soi-disant, provenait de Dieu lui-même, et contenait le commandement imposant l’observation du dimanche, et d’horribles menaces pour terrifier ceux qui voudraient désobéir. GE3 421.4

Ce précieux document, une contrefaçon aussi vile que l’institution qu’elle prétendait soutenir, était prétendument tombé du ciel et avait été découvert à Jérusalem, sur l’autel de Saint-Siméon, à Golgotha. Mais, en réalité, la source de sa provenance était le palais pontifical de Rome. La hiérarchie papale a estimé comme légitimes, dans tous les siècles, les duperies et les reproductions frauduleuses destinées à augmenter la puissance et la prospérité de l’Église. GE3 421.5

Ce rouleau interdisait tout travail depuis la neuvième heure (trois heures de l’après-midi) le samedi après-midi jusqu’au lever du soleil le lundi matin. Son autorité était prétendue confirmée par de nombreux miracles. On racontait que des personnes qui avaient travaillé au-delà de l’heure permise avaient été frappées de paralysie. Un meunier qui tentait de moudre son grain vit, au lieu de farine, un torrent de sang s’écouler de son moulin, et celui-ci s’immobilisa, malgré la rapidité du courant d’eau qui l’activait. Une femme qui avait mis sa pâte dans le four la retrouva encore crue lorsqu’elle la ressortit, bien que son four ait été très chaud. Une autre, qui avait préparé sa pâte pour la faire cuire à la neuvième heure, mais qui avait décidé de la mettre de côté jusqu’au lundi, découvrit le lendemain qu’elle s’était transformée en baguettes de pains après avoir été cuite par la puissance divine. Un homme qui avait fait son pain le samedi après la neuvième heure découvrit, en le rompant le lendemain matin, qu’il en sortait du sang. C’est par de telles inventions absurdes et superstitieuses que les partisans du dimanche tentèrent de prouver son caractère sacré 27. GE3 422.1

En Écosse, comme en Angleterre, on réussit à obtenir un plus grand respect pour le dimanche en lui associant une partie de l’ancien sabbat. Mais la durée du temps à sanctifier variait. Un édit du roi d’Écosse déclarait que « le samedi à partir de midi doit être considéré comme saint », et que personne, depuis cette heure jusqu’au lundi matin, ne devait s’adonner à des travaux séculiers 28. GE3 422.2

Mais, malgré tous leurs efforts pour prouver le caractère sacré du dimanche, les partisans de la papauté reconnurent eux-mêmes publiquement l’autorité divine du sabbat et l’origine humaine de l’institution qui l’avait supplanté. Au XVIe siècle, un concile papal déclara clairement : « Que tous les chrétiens se souviennent que le septième jour a été consacré par Dieu, et a été reconnu et observé non seulement par les Juifs, mais aussi par tous les autres qui prétendent adorer Dieu; bien que nous, chrétiens, ayons changé leur sabbat en jour du Seigneur 29. » Ceux qui jouaient ainsi avec la loi divine n’étaient donc pas ignorants du caractère de leur œuvre: ils se plaçaient délibérément au-dessus de Dieu. GE3 422.3

Un exemple frappant de la politique de l’Église romaine envers ceux qui ne sont pas d’accord avec elle nous a été donné dans la longue et sanglante persécution des Vaudois, dont quelques-uns observaient le sabbat. D’autres souffrirent de manière identique pour leur fidélité au quatrième commandement. L’histoire des Églises d’Éthiopie et d’Abyssinie a une signification particulière. Parmi les ténèbres du Moyen Âge, ces chrétiens d’Afrique centrale furent perdus de vue et oubliés par le monde, et, pendant de nombreux siècles, ils jouirent de la liberté dans l’exercice de leur foi. Mais l’Église romaine apprit enfin leur existence, et réussit bientôt à persuader par la ruse l’empereur d’Abyssinie à reconnaître le pape comme le vicaire du Christ. D’autres concessions suivirent. Un édit fut promulgué, interdisant l’observation du sabbat sous peine de châtiments les plus sévères 30. GE3 422.4

Mais la tyrannie papale devint bientôt un joug si insupportable que les Abyssiniens décidèrent de l’ôter de leur cou. Après une lutte acharnée, ils bannirent de leurs territoires les partisans de l’Église catholique romaine et rétablirent l’ancienne foi. Les Églises se réjouirent de leur liberté et n’oublièrent jamais la leçon apprise sur les tromperies, le fanatisme et le pouvoir despotique de l’Église catho- tique romaine. Dans leur royaume solitaire, elles se contentèrent de rester inconnues du reste de la chrétienté. GE3 423.1

Les Églises d’Afrique observaient le sabbat comme il avait été observé par la communauté catholique avant que celle-ci ne tombe dans l’apostasie totale. Mais, tout en pratiquant le septième jour pour obéir au commandement de Dieu, elles s’abstenaient de travailler le dimanche, conformément à la coutume de l’Église catholique romaine. En obtenant le pouvoir suprême, le pape avait foulé aux pieds le sabbat de Dieu pour exalter le sien ; mais les églises d’Afrique, cachées pendant presque un millénaire, n’avaient pas participé à cette apostasie. Cependant, une fois placées sous la domination papale, elles furent forcées de mettre de côté le véritable sabbat et d’exalter le faux. À peine avaient-elles retrouvé leur indépendance qu’elles revinrent à l’obéissance du quatrième commandement 31 GE3 423.2

Ces récits du passé révèlent clairement l’inimitié de l’Église romaine contre le véritable sabbat et ses partisans, ainsi que les moyens qu’elle emploie pour honorer l’institution qu’elle a elle-même créée. La Parole de Dieu enseigne que ces scènes se répéteront lorsque catholiques et protestants s’uniront pour exalter le dimanche. GE3 423.3

La prophétie du chapitre 13 de l’Apocalypse déclare que le pouvoir représenté par la bête qui « avait deux cormes semblables à celles d’un agneau32 » fera « que la terre et ses habitants se prosternent devant la première bête 33 » [la papauté], symbolisée ici par « la bête [...] semblable à un léopard 34». Cette bête à deux cornes allait aussi dire « aux habitants de la terre de faire une image de la bête 35 ». De plus, elle allait ordonner «qu’on impose à tous, petits et grands, riches et pauvres, hommes libres et esclaves, une marque 36 » : celle de la bête. GE3 423.4

On a déjà montré que les États-Unis sont le pouvoir représenté par cette bête aux « deux cornes semblables à celles d’un agneau », et que cette prophétie s’accomplira lorsque les États-Unis imposeront l’observation du dimanche, que l’Église romaine revendique comme marque de la reconnaissance spéciale de sa suprématie. Mais ce pays ne sera pas seul à rendre cet hommage à la papauté. L’influence des catholiques dans les pays qui reconnaissaient autrefois sa domination est encore loin d’être détruite. La prophétie prédit la restauration de son pouvoir: «L’une de ses têtes était comme égorgée, mais sa blessure mortelle fut guérie. Étonnée, toute la terre suivit la bête 37. » L’infliction de cette blessure mortelle annonçait la chute de la papauté en 1798. GE3 423.5

Après cela, nous dit le prophète, «sa blessure mortelle fut guérie. Étonnée, toute la terre suivit la bête ». Paul déclare clairement que « le Sans-loi 38» subsistera jusqu’au second avènement de Jésus 39. Jusqu’à la fin des temps, il poursuivra son œuvre de tromperie. L’auteur de l’Apocalypse déclare, en mentionnant aussi la papauté: «Tous les habitants de la terre, ceux dont le nom n’a pas été inscrit sur le livre de la vie de l’agneau immolé depuis la fondation du monde, se prosterneront devant elle 40. » Dans l’Ancien comme dans le Nouveau Monde, c’est par l’honneur rendu à l’institution du dimanche, qui ne repose que sur l’autorité de l’Église romaine, que la papauté recevra cet hommage. GE3 423.6

Depuis le milieu du XIXe siècle, des étudiants de la prophétie aux États-Unis ont présenté ce témoignage au monde. On discerne, dans les événements qui se déroulent aujourd’hui, un progrès rapide dans le sens de l’accomplissement de cette prédiction. Les théologiens protestants revendiquent la même autorité divine pour l’observation du dimanche et révèlent la même absence de preuves bibliques que la hiérarchie papale, qui inventa des miracles pour compenser ce manque d’un commandement provenant de Dieu. On répétera l’affirmation que les jugements de Dieu s’abattent sur les hommes qui transgressent le dimanche-sabbat ; on commence déjà à avancer cette affirmation. Un mouvement destiné à imposer l’observation du dimanche gagne rapidement du terrain. GE3 424.1

L’Église catholique romaine est étonnante par sa sagacité et son ingéniosité. Elle sait lire les événements futurs. Elle prend son temps, en constatant que les Églises protestantes lui rendent hommage en acceptant le faux sabbat et qu’elles se préparent à l’imposer par les mêmes moyens mêmes qu’elle a utilisés autrefois. Ceux qui rejettent la lumière de la vérité rechercheront un jour l’aide de ce pouvoir qui s’est proclamé lui-même infaillible pour exalter une institution dont il est à l’origine. Il n’est pas difficile d’imaginer avec quel empressement elle viendra à l’aide des protestants dans cette œuvre. Qui, mieux que la hiérarchie papale, sait comment traiter ceux qui désobéissent à l’Église? GE3 424.2

L’Église catholique romaine, avec toutes ses ramifications s’étendant dans le monde entier, constitue une gigantesque organisation placée sous l’autorité du Saint-Siège et destinée à servir ses intérêts. On enseigne à ses millions de fidèles, dans tous les pays, à se considérer comme moralement tenus d’obéir au pape. Quel que soit leur gouvernement ou leur nationalité, ils doivent considérer l’autorité de l’Église comme étant au-dessus de toute autre autorité. Même s’ils ont fait serment de loyauté à l’État, derrière ce serment se trouve leur vœu d’obéissance à l’Église romaine, qui les délie de tout lien qui lui soit défavorable. GE3 424.3

L’Histoire témoigne de ses efforts astucieux et persistants pour s’ingérer dans les affaires des nations, et, ayant pris pied quelque part, pour favoriser ses propres desseins, même s’il faut pour cela causer la ruine des princes et des gens du peuple. En 1204, le pape Innocent III arracha à Pierre II, roi d’Aragon, l’extraordinaire serment suivant: « Moi, Pierre, roi d’Aragon, professe et promets d’être toujours fidèle et obéissant à mon Seigneur le Pape Innocent, à ses successeurs catholiques et à l’Église romaine, et de maintenir fidèlement mon royaume dans l’obéissance à ses ordres en défendant la foi catholique et en persécutant la dépravation héré-tique 41. » Ceci est en accord avec les prétentions concernant le pouvoir du pontife romain, « qu’il est légitime pour lui de déposer les empereurs” et « qu’il peut dispenser les sujets de leur allégeance à des dirigeants injustes42». GE3 424.4

Qu’on se souvienne que l’Église romaine prétend qu’elle ne change jamais. Les principes de Grégoire VII et d’Innocent III sont encore ceux de l’Église catholique romaine d’aujourd’hui. Si elle en avait le pouvoir, elle les mettrait en pratique avec autant de vigueur de nos jours que dans les siècles passés. Les protestants ne se doutent pas de ce qu’ils font lorsqu’ils se proposent d’accepter l’aide de Rome dans l’œuvre de l’exaltation du dimanche. Tandis qu’ils sont déterminés à réaliser leur dessein, l’Église catholique romaine vise à restaurer son pouvoir, à retrouver sa suprématie perdue. Si on acceptait, aux États-Unis, le principe prétendant que l’Église peut employer ou dominer le pouvoir de l’État et que les lois séculières peuvent imposer l’observation d’actes religieux; bref, si l’Église et l’État avaient l’autorité de dominer la conscience des citoyens, le triomphe de l’Église catholique romaine aux États-Unis serait assuré. GE3 425.1

La Parole de Dieu nous a avertis du danger imminent. S’il n’en tient pas compte, le monde protestant n’apprendra ce que sont vraiment les desseins de l’Église romaine que lorsqu’il sera trop tard pour échapper au piège. La puissance de celle-ci grandit silencieusement. Ses doctrines exercent leur influence dans les assemblées législatives, dans les Églises et dans le cœur des hommes. Elle multiplie le nombre de ses bâtiments altiers et massifs, dans le secret desquels se répéteront ses anciennes persécutions. Subrepticement et sans être soupçonnée, elle rassemble ses forces pour réaliser ses propres desseins lorsque viendra pour elle le moment de frapper. Tout ce qu’elle désire est d’obtenir une position avantageuse, qui lui est déjà accordée. Nous verrons et sentirons bientôt ce qu’est l’objectif de l’Église catholique romaine. Quiconque voudra croire à la Parole de Dieu et lui obéir devra subir l’opprobre et la persécution. GE3 425.2