La Vie de Jésus-Christ

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Chapitre 31 — La transfiguration

Comme le temps approchait où Jésus devait souffrir et mourir, il se retirait plus fréquemment à l'écart avec ses disciples. Après avoir enseigné le peuple toute la journée, il se rendait dans un lieu isolé pour prier et converser avec ses disciples. Quoique fatigué, il n'avait pas le temps de se reposer: car son œuvre sur la terre touchait à sa fin, et il avait beaucoup à faire avant que l'heure finale arrivât. VJC 297.1

Il devait bientôt quitter ses disciples, et leur laisser affronter seuls un monde froid et cruel. Il savait combien la haine amère et l'incrédulité les persécuteraient, et il désirait les encourager et les fortifier pour l'heure de l'épreuve. Souvent il se retirait seul et intercédait ardemment son Père en leur faveur, le suppliant de fortifier leur foi dans le moment d'épreuve qui les attendait, afin que ses souffrances et sa mort ne les plongeassent point dans le désespoir. Même en présence de ses souffrances qui approchaient, l'amour du Sauveur pénétrait l'avenir pour protéger ses compagnons de tout danger. VJC 297.2

Ce fut après un de ces moments de prière secrète que Jésus, rejoignant ses disciples, leur demanda: “Qui disent les hommes que je suis, moi le Fils de l'homme? Et il lui répondirent: Les uns disent que tu es Jean-Baptiste; les autres, Elie; et les autres, Jérémie, ou l'un des prophètes.” Les questionnant de plus près, il leur demanda: “Et vous, qui dites-vous que je suis?” Pierre, toujours prêt à parler, répondit pour lui et ses frères: “Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Et Jésus lui répondit: Tu es heureux, Simon, fils de Jona; car ce n'est pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela, mais c'est mon Père qui est dans les cieux.”1 VJC 297.3

Lors même que la foi de beaucoup eût complétement fait naufrage, et que le pouvoir des sacrificateurs et des principaux du peuple s'élevât puissamment contre eux, le brave disciple déclara ainsi hardiment sa foi. Jésus vit, dans cette confession, le principe vivant qui animerait le cœur de ses croyants dans les âges futurs. C'est l'œuvre mystérieuse de l'Esprit de Dieu sur le cœur humain, qui élève l'esprit le plus humble à une science qui dépasse toute la sagesse humaine, à savoir une connaissance des saintes vérités de Dieu. Ah! en effet, “Tu es heureux, Simon, fils de Jona; car ce n'est pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela.” VJC 298.1

Jésus continua: “Et moi je te dis aussi que tu es Pierre, et que sur cette pierre [ce rocher, orig.] je bâtirai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle.” Le mot employé par Jésus correspondant au nom de Pierre signifie pierre, caillou. Mais Christ ne veut point dire que Pierre est le rocher sur lequel il édifierait son Eglise. Cet impétueux disciple qui était plein de confiance en lui-même était comme une pierre qui roule. L'expression “ce rocher” s'appliquait à Christ lui-même, qui était le fondement de l'Eglise chrétienne. Dans Ésaïe 28:16 il y est également fait allusion: “C'est pourquoi ainsi a dit le Seigneur, l'Eternel: Voici, je mettrai pour fondement une pierre en Sion, une pierre éprouvée, une pierre angulaire et précieuse, pour être un fondement solide.” C'est la même pierre dont il est parlé dans Luc 20:17, 18: “Alors il les regarda, et leur dit: Que veut donc dire ce qui est écrit: La pierre que ceux qui bâtissaient ont rejetée est devenue la principale pierre de l'angle? Quiconque tombera sur cette pierre-là sera brisé, et elle écrasera celui sur qui elle tombera.” Egalement dans Marc 12:10, 11: “Et n'avez-vous point lu cette parole de l'Ecriture: La pierre que ceux qui bâtissaient ont rejetée est devenue la principale pierre de l'angle; cela a été fait par le Seigneur, et c'est une chose merveilleuse devant nos yeux?” Ces textes prouvent d'une manière conclusive que Christ est le rocher sur lequel est édifiée l'Eglise; aussi, en s'adressant à Pierre, il parle de lui-même comme du rocher qui est le fondement de l'Eglise. Il continue: VJC 298.2

“Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux; et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux; et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux.” Les paroles de Christ, “je te donnerai les clefs du royaume des cieux,” n'étaient pas adressées à Pierre seul, mais aux disciples, comprenant ceux qui composent l'Eglise chrétienne dans tous les âges. Il ne fut accordé à Pierre ni préférence, ni pouvoir au-dessus des autres disciples. Si Jésus avait accordé quelque autorité spéciale à l'un d'eux, nous ne les verrions pas si souvent disputant entre eux pour savoir lequel serait le plus grand. Ils auraient été soumis à la volonté de leur Maître, et auraient honoré celui qu'il eût choisi comme leur chef. VJC 299.1

Ailleurs, Jésus reconnaît que le pouvoir que l'on prétend avoir été donné à Pierre seul, sur l'autorité du texte préalablement cité, existe dans toute l'Eglise. Dans Matthieu 18, il nous parle de la manière dont les différends entre frères doivent être arrangés. Lorsque des démarches pour ramener au bien un membre délinquant sont restées infructueuses, l'affaire doit être portée devant l'Eglise; si le membre en question refuse d'écouter l'Eglise, dit Christ, “regarde-le comme un païen et un péager.” Puis il ajoute: “Je vous dis en vérité, que tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel; et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel.”1 La décision de l'Eglise réunie doit être ratifiée dans le ciel. VJC 299.2

Jésus continua alors d'expliquer à ses disciples qu'ils devraient souffrir pour son nom, porter la croix en le suivant, et, comme leur Maître, supporter l'humiliation, l'opprobre et les moqueries du monde, sans quoi ils ne pourraient jamais partager sa gloire. Ses souffrances devaient être suivies des leurs, et sa crucifixion leur enseignait qu'ils devaient être crucifiés au monde et renoncer à sa pompe et à ses plaisirs. Avant de leur adresser ces paroles, Jésus avait fréquemment parlé à ses disciples de son humiliation future, et il avait résolûment découragé toutes les espérances qu'ils avaient de le voir élevé en honneur; mais ils avaient été accoutumés si longtemps à attendre un Messie qui régnerait sur eux comme un puissant roi, qu'il leur avait été impossible d'abandonner entièrement ces espérances de gloire. VJC 299.3

Cependant on ne pouvait alors se méprendre sur les paroles de Jésus. Il devait vivre comme un humble pèlerin, n'ayant pas un lieu où reposer sa tête, et mourir de la mort d'un malfaiteur. La tristesse remplissait leur cœur, car ils aimaient leur Maître; mais le doute accablait aussi leur esprit; il leur semblait incompréhensible que le Fils de Dieu souffrît une si cruelle humiliation. Ils ne pouvaient comprendre comment il pouvait aller à Jérusalem pour s'exposer au traitement qu'il avait dit y devoir éprouver. VJC 300.1

Ils étaient profondément affligés qu'il se résignât à un sort aussi ignominieux, et les laissât errer dans des ténèbres plus grandes que celles dans lesquelles ils étaient avant qu'il se révélât à eux. Il leur vint à l'esprit qu'ils pourraient l'entraîner par force dans un lieu sûr, mais ils n'osèrent pas le faire, parce qu'il leur avait déclaré plusieurs fois que de tels projets étaient des suggestions de Satan. Dans ces tristes pensées, ils ne pouvaient que se consoler dans l'idée que quelque circonstance imprévue pourrait détourner le sort terrible qui attendait leur Seigneur. C'est ainsi qu'ils s'affligèrent et doutèrent, espérèrent et craignirent, pendant six longs et tristes jours. VJC 300.2

Jésus connaissait le chagrin et la perplexité de ses disciples, et il résolut de leur donner encore une autre preuve qu'il était le Messie, afin que leur foi ne défaillît point entièrement dans la grande épreuve par laquelle ils allaient bientôt passer. Comme le soleil se couchait, il appela auprès de lui ses trois disciples les plus dévoués, et les conduisit hors de la ville, à travers les champs sur le sommet d'une montagne. Jésus était fatigué de ses labeurs et de son voyage. Pendant toute la journée il avait enseigné le peuple et guéri les malades; aussi il rechercha ce lieu isolé pour être éloigné de la foule qui le cherchait continuellement, et consacrer un moment à la méditation et à la prière. Abattu avant d'avoir gravi la pente de la montagne, il parvint au sommet harassé de fatigue. VJC 300.3

Les disciples étaient aussi accablés, et quoiqu'ils fussent accoutumés comme leur Maître à se retirer dans les solitudes pour prier, ils ne pouvaient s'empêcher de s'étonner que Jésus entreprît de gravir une montagne si rapide après une journée si fatigante. Mais ils ne firent aucune question sur son projet, et l'accompagnèrent patiemment. Pendant qu'ils font l'ascension de la montagne, le soleil couchant abandonne les vallées aux ombres du soir, tandis que la lumière s'attarde sur le sommet des montagnes, et que sa gloire, près de s'évanouir, dore de ses derniers reflets le sentier escarpé qu'ils gravissent péniblement. Mais bientôt cette lumière de pourpre et d'or quitte la colline aussi bien que la vallée, le soleil disparaît derrière l'horizon occidental, et les voyageurs solitaires sont enveloppés dans les ténèbres de la nuit. La mélancolie du paysage semble se confondre avec celle de leur existence, autour de laquelle de sombres nuages s'amoncellent rapidement. VJC 300.4

Parvenu à l'endroit qu'il cherchait, Jésus se met à adresser à son Père d'ardentes prières. Les heures se passent; il est toujours là, le visage baigné de larmes, adressant ses instantes supplications vers le ciel, auquel il demande la force de supporter ses afflictions et la grâce qu'il doit communiquer à ses disciples, afin qu'ils puissent, eux aussi, supporter les épreuves terribles qui les attendent dans un prochain futur. La rosée pénètre peu à peu son corps prosterné, mais il ne semble pas s'en apercevoir; les ombres de la nuit s'épaississent autour de lui, mais il n'en voit point la sinistre noirceur. Lentement les heures s'écoulaient. D'abord, les disciples, pleins de zèle, avaient uni leurs prières aux siennes; mais à mesure que les heures s'avançaient, et malgré leurs efforts pour demeurer éveillés et pour continuer de prier avec leur Seigneur, exténués, ils cédèrent à un sommeil longtemps repoussé. Jésus leur avait parlé de ses prochaines souffrances; il les avait pris avec lui pour leur donner l'occasion de veiller et de prier avec lui, tandis qu'il plaiderait avec son Père; en ce moment même il priait que ses disciples pussent avoir la force de supporter l'épreuve prochaine de son humiliation et de sa mort. Il plaidait surtout pour qu'ils pussent être témoins d'une telle manifestation de sa divinité, que toute incrédulité, et tout doute pussent être à jamais chassés de leur esprit; manifestation dont le souvenir les soutînt à l'heure de son agonie suprême par la conviction qu'il était bien assurément le Fils de Dieu et que sa mort ignominieuse faisait partie du divin plan de la rédemption. VJC 301.1

Dieu entendit la demande de son Fils, et les anges se préparèrent à le servir. Mais Dieu choisit Moïse et Elie pour se rendre auprès de Christ et converser avec lui au sujet des souffrances qu'il devait endurer à Jérusalem. Pendant que Jésus est prosterné sur le terrain humide et pierreux, tout à coup les cieux s'ouvrent, les portes d'or de la cité de Dieu sont ouvertes toutes grandes, et un saint rayonnement descend sur la montagne, enveloppant Christ prosterné.1 Il s'élève et se montre dans sa majesté divine. L'angoisse de son âme a disparu de son visage, qui rayonne d'une clarté sereine, et les traces de la poussière du chemin ont disparu de dessus ses vêtements, qui paraissent blancs et brillants comme le soleil en plein midi. VJC 302.1

Les disciples endormis sont réveillés par le rayon de gloire qui illumine toute la montagne. Ils regardent avec crainte et étonnement les vêtements éclatants et le visage glorieux de leur Maître. D'abord leurs yeux sont aveuglés par l'éclat céleste de cette scène, mais à mesure qu'ils deviennent capables de supporter cette merveilleuse lumière, ils s'aperçoivent que Jésus n'est pas seul. Deux glorieux personnages sont en conversation avec lui. C'est Moïse, qui parla avec Dieu face à face, au milieu du tonnerre et des éclairs de Sinaï, et Elie, le prophète de Dieu qui ne connut point la mort, mais qui fut enlevé au ciel dans un chariot de feu. Ces deux hommes, que Dieu avait jugé bon de favoriser plus que tous ceux qui avaient vécu sur la terre, furent délégués par le Père pour fortifier le Fils, et le réconforter, en parlant avec lui de l'achèvement final de sa mission, et spécialement des souffrances qu'il devait endurer à Jérusalem. VJC 302.2

Le Père choisit Moïse et Elie comme messagers auprès de Christ, pour le glorifier de la lumière du ciel et conférer avec lui concernant sa prochaine agonie, parce qu'ils avaient vécu sur la terre comme des hommes; ils avaient fait l'expérience de la douleur et de la souffrance, et pouvaient sympathiser avec Jésus dans sa vie terrestre. Elie, dans sa position comme prophète d'Israël, avait représenté Christ, et son œuvre avait été, dans un certain degré, semblable à celle du Sauveur. Moïse, comme conducteur d'Israël, avait occupé la place de Christ, s'entretenant avec lui et suivant ses directions; c'est pourquoi, d'entre tous ceux qui entouraient le trône de Dieu, ces deux hommes étaient les plus propres pour assister le Fils. VJC 302.3

Lorsque Moïse, irrité de l'incrédulité des enfants d'Israël, frappa le rocher dans sa colère, et leur fournit l'eau qu'ils demandaient, il s'en attribua la gloire. Son esprit était tellement absorbé par l'ingratitude et la perversité d'Israël, qu'il négligea d'honorer Dieu et de magnifier son nom, en accomplissant l'acte qu'il lui avait commandé. Le dessein du Tout-Puissant était d'amener fréquemment les enfants d'Israël dans des positions difficiles et de les délivrer ensuite par son pouvoir, afin qu'ils reconnussent le soin spécial qu'il avait d'eux et qu'ils glorifiassent son nom. Mais Moïse, en suivant les impulsions naturelles de son cœur, s'était approprié l'honneur qui appartenait à Dieu; il tomba sous le pouvoir de Satan, et il lui fut défendu d'entrer dans la terre promise. VJC 303.1

S'il était resté fidèle, le Seigneur l'eût amené dans le pays de la promesse et l'eût enlevé au ciel sans le faire passer par la mort. Mais à cause de son péché, Moïse dut sentir l'aiguillon du trépas. Ensuite, le Fils de Dieu descendit du ciel et le ressuscita. Quoique Satan contestât avec Michel concernant le corps de Moïse, celui-ci fut transporté au ciel avec un corps ressuscité et glorifié, et fut l'un des deux personnages auxquels échut l'honneur d'être envoyés par le Père vers le Fils, pour le fortifier en vue des souffrances qui l'attendaient. VJC 303.2

En se laissant ainsi aller au sommeil, les disciples avaient perdu la conversation qui avait eu lieu entre les messagers célestes et le Rédempteur glorifié. Mais en se réveillant soudainement, et en contemplant la sublime vision qui apparaissait devant eux, ils furent remplis de ravissement et de crainte. Comme ils regardaient la personne radieuse de leur Maître bien-aimé, ils étaient obligés de voiler leurs yeux avec leurs mains, incapables de supporter autrement la gloire incomparable qui l'enveloppait, et qui projetait des rayons de lumière semblables à ceux du soleil. Pendant un court moment, les disciples considérèrent leur Maître ainsi glorifié, exalté devant leurs yeux, et honoré par les êtres radieux qu'ils reconnurent comme ceux qui avaient été favorisés de Dieu. VJC 303.3

Ils crurent que, suivant la prophétie, Elie était alors venu et que le royaume de Christ devait être établi sur la terre. Même, dans le premier moment de surprise, Pierre fit des plans pour le bien-être de Christ et de ceux qui leur étaient apparus. Aussitôt qu'il put élever la voix, il s'adressa à Jésus et lui dit: “Maître! il est bon que nous demeurions ici; faisons-y donc trois tentes: une pour toi, une pour Moïse, et une pour Elie.” Dans la joie du moment, Pierre se flattait que les deux messagers du ciel avaient été envoyés pour préserver la vie de Jésus du sort dont elle était menacée à Jérusalem. Il était rempli de joie à la pensée que ces êtres glorieux, revêtus de lumière et de puissance, devaient protéger le Fils de Dieu et établir son autorité royale sur la terre. Il oubliait pour le moment les explications fréquentes données par Jésus lui-même sur le plan du salut, qui ne pouvait être accompli que par ses propres souffrances et sa mort. VJC 304.1

Pendant que les disciples étaient remplis de ravissement et d'étonnement, une nuée resplendissante les couvrit, et une voix sortit de la nuée qui dit: “C'est ici mon Fils bien-aimé; écoutez-le.” Lorsque les disciples virent l'éclatante nuée de gloire, plus brillante que celle qui allait devant les tribus d'Israël dans le désert; et lorsqu'ils entendirent la voix de Dieu retentir dans la nuée, dans des accents de majesté qui faisaient trembler la montagne, comme si elle eût été secouée dans ses fondements, ils ne purent endurer plus longtemps cette grandeur suprême, et tombèrent le visage contre terre. VJC 304.2

Ils demeurèrent dans cette attitude n'osant lever la tête, jusqu'à ce que Jésus s'approchant d'eux les releva en les rassurant de sa voix aimée et bien connue, disant: VJC 304.3

“Levez-vous, et n'ayez point de peur.” Osant alors lever les yeux, ils virent que la gloire céleste s'était dissipée. Les personnes radieuses de Moïse et d'Elie avaient disparu, le Fils de Dieu n'était plus enveloppé d'une lumière divine, trop éblouissante pour leurs regards: ils étaient seuls sur la montagne avec Jésus. VJC 305.1

La nuit entière s'était passée sur la montagne, et comme le soleil se levait, chassant les ténèbres de ses bienfaisants rayons, Jésus et ses disciples descendirent. Ils seraient restés volontiers dans ce saint lieu, qui avait été effleuré et honoré de la gloire du ciel, et où le Fils de Dieu avait été transfiguré devant les yeux de ses disciples; mais il y avait une œuvre à faire pour le peuple, qui cherchait déjà Jésus au près et au loin. VJC 305.2

Au pied de la montagne, une grande foule s'était assemblée, conduite là par des disciples qui étaient restés en arrière, et qui connaissaient les retraites favorites où Jésus se rendait pour la méditation et la prière. Comme ils approchaient du peuple, Jésus dit à ses disciples de tenir secrètes les choses qu'ils avaient vues. “Ne dites à personne ce que vous avez vu, jusqu'à ce que le Fils de l'homme soit ressuscité des morts.” Christ savait que ni le peuple, ni les disciples qui les avaient conduits dans cet endroit, n'étaient préparés à apprécier ou à comprendre l'événement merveilleux de la transfiguration sur la montagne. Après sa résurrection, le témoignage de ceux qui l'avaient vu devait être donné, pour prouver le fait qu'il était vraiment le Fils de Dieu. VJC 305.3

Les trois disciples choisis avaient alors une preuve dont ils ne pouvaient douter que Jésus était le Messie promis. Une voix de la gloire magnifique avait déclaré sa divinité. Ils étaient alors fortifiés et pouvaient endurer l'humiliation et la crucifixion de leur Sauveur. Le Maître patient, celui qui était doux et humble de cœur, qui, depuis trois ans, allait çà et là, de ville en ville, un homme de douleur, n'ayant pas un lieu où reposer sa tête, a été reconnu par la voix de Dieu comme son Fils, et Moïse et Elie, environnés de gloire dans le ciel, lui ont rendu hommage. Les disciples favorisés ne peuvent douter plus longtemps. Ils ont vu de leurs yeux et entendu de leurs oreilles des choses au-dessus de la compréhension de l'homme. VJC 305.4

Jésus retourna alors à son œuvre parmi le peuple. Lorsque la foule vit le Sauveur, tous coururent à sa rencontre et l'accueillirent avec un grand respect. Bientôt il s'aperçut qu'ils étaient dans une grande perplexité. C'était à cause d'un incident qui venait de se passer: un homme avait amené son fils aux disciples pour le délivrer d'un esprit muet qui le tourmentait extrêmement;1 mais ses disciples avaient été incapables de le guérir, de sorte que les scribes avaient saisi l'occasion de disputer avec eux quant à leur pouvoir de faire des miracles. Ils déclarèrent alors triomphalement qu'il y avait là un démon que ni les disciples, ni leur Maître ne pouvaient vaincre. VJC 306.1

Comme Jésus s'approchait, il demanda la cause de cette agitation. Le père affligé répondit: “Maître! je t'ai amené mon fils qui est possédé d'un esprit muet, qui l'agite par des convulsions partout où il le saisit: alors il écume, grince les dents, et devient tout sec; et j'ai prié tes disciples de le chasser, mais ils n'ont pu le faire.” Jésus écouta attentivement ce récit, et répondit alors à l'insuccès des disciples, aux doutes du peuple et aux vanteries des scribes par ces mots: “O race incrédule! jusqu'à quand serai-je avec vous? jusqu'à quand vous supporterai-je? Amenez-le moi.” VJC 306.2

Le père obéit au commandement de Jésus; mais aussitôt que son fils fut en la présence divine, l'esprit malin l'attaqua violemment, et il tomba par terre, se tordant, se roulant et écumant. Jésus permit à Satan d'exercer ainsi son pouvoir sur sa victime, afin que le peuple pût mieux comprendre la nature du miracle qu'il allait accomplir, et que tous fussent plus profondément impressionnés par l'idée de sa puissance divine. Jésus demande alors au père depuis combien de temps son fils était ainsi tourmenté par le démon. Le père répondit: VJC 306.3

“Dès son enfance; et l'esprit l'a souvent jeté dans le feu et dans l'eau, pour le faire périr; mais si tu y peux quelque chose, aide-nous, et aie compassion de nous.” L'incapacité des disciples à guérir le malheureux enfant avait fort découragé le père, et les souffrances de son fils angoissaient son âme. La question lui remit en mémoire les longues années de souffrances endurées par son fils, et son cœur défaillait au dedans de lui. Il craignait que ce que les scribes prétendaient ne fût vrai, et que Jésus lui-même ne pût pas vaincre un démon si puissant. Jésus vit sa condition d'abattement, et chercha à lui inspirer la foi. Il s'adressa à lui de cette manière: “Si tu le peux croire, toutes choses sont possibles pour celui qui croit.” L'espérance fut aussitôt ranimée dans le cœur du père, et il s'écria: “Je crois, Seigneur! aide-moi dans mon incrédulité.” VJC 306.4

Ce père en détresse comprit qu'il avait besoin d'un secours immédiat, et que personne ne pouvait lui accorder ce secours, si ce n'était le Sauveur miséricordieux, et il se reposait sur lui seul. Sa foi ne fut point inutile; car Jésus, devant toute la multitude qui les entourait pour voir la scène, “reprit sévèrement l'esprit immonde, et lui dit: Esprit muet et sourd, je te commande, moi, sors de lui, et ne rentre plus en lui.” Immédiatement le démon le quitta, et le garçon demeura comme mort. Le mauvais esprit l'avait agité si violemment que toutes ses forces l'avaient abandonné, et qu'il fut réduit à un état d'impuissance et d'inconscience. Le peuple avait considéré avec effroi le changement soudain qui avait eu lieu dans le jeune garçon, et quelques-uns disaient entre eux: “Il est mort.” Mais Jésus s'arrêta, avec une tendre compassion, le “prit par la main, le fit lever; et il se leva”. VJC 307.1

Grande fut la joie du père à la vue de son fils guéri, et grande fut la joie du fils d'être affranchi du cruel démon qui l'avait tourmenté depuis si longtemps. Le père et le fils louèrent et magnifièrent le nom de celui qui les avait délivrés, tandis que les spectateurs étaient plongés dans l'étonnement, et que les scribes, battus et confus, se retiraient maussades. VJC 307.2

Jésus avait donné aux disciples le pouvoir de faire des miracles de guérison; mais leur insuccès devant un si grand nombre de témoins les avait profondément humiliés. Lorsqu'ils furent seuls avec Jésus, ils lui demandèrent pourquoi ils n'avaient pas pu chasser l'esprit immonde. Jésus répondit que c'était à cause de leur incrédulité, et l'incurie avec laquelle ils avaient regardé l'œuvre sacrée qui leur avait été confiée. Ils ne s'étaient pas préparés à cette sainte vocation par le jeûne et la prière. Il leur était impossible de vaincre Satan, sans le secours de Dieu. Ils devaient aller à lui dans l'humiliation et le renoncement à eux-mêmes, et demander la force de vaincre l'ennemi des âmes. La dépendance de Dieu pouvait seule leur assurer le succès. Jésus encourage ses disciples déçus par ces paroles: “Si vous aviez de la foi aussi gros qu'un grain de moutarde, vous diriez à cette montagne: Transporte-toi d'ici là, et elle s'y transporterait, et rien ne vous serait impossible.” VJC 307.3

Dans un court espace de temps, les disciples favorisés avaient vu les extrêmes de la gloire et de l'angoisse. Jésus, descendant de la montagne où il avait été transfiguré par la gloire de Dieu, où il avait parlé avec les messagers célestes, et avait été proclamé Fils de Dieu par la voix du Père sortant de la gloire éclatante, rencontrait un spectacle révoltant, un enfant lunatique, dont le visage était contracté, grinçant des dents dans les spasmes de la douleur, et qu'aucun mortel ne pouvait soulager. Ce puissant Rédempteur, qui apparaissait quelques heures auparavant seulement, glorifié devant les disciples étonnés, se baissait pour relever cette victime de Satan qui se tordait par terre, et rendait l'enfant à son père, délivré pour toujours du pouvoir du démon. VJC 308.1

Avant sa transfiguration, Jésus avait dit à ses disciples que quelques-uns d'entre eux, alors avec lui, ne mourraient point qu'ils n'eussent vu le royaume de Dieu venir avec puissance. Dans la transfiguration sur la montagne, cette promesse fut accomplie; car ils virent là le royaume de Christ en miniature. Jésus était revêtu de la gloire du ciel, et déclaré Fils de Dieu par la voix du Père. Moïse était présent, représentant ceux qui ressusciteront des morts à la seconde venue de Christ, et Elie, qui avait été transporté au ciel sans voir la mort, préfigurait ceux qui vivront sur la terre au moment de la seconde apparition de Christ, et qui seront changés en immortalité et enlevés au ciel sans passer par la mort. VJC 308.2