La Vie de Jésus-Christ

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Chapitre 24 — Christ calme la tempête

Jésus avait enseigné et guéri sans interruption toute la journée, et il désirait ardemment se retirer à l'écart et trouver un lieu où il pût se reposer avec ses disciples; c'est pourquoi il leur proposa de passer avec lui de l'autre côté du lac. Mais avant de s'embarquer, il fut accosté par un scribe qui lui avait entendu dire que la vérité était d'une plus grande valeur qu'un trésor caché. Dans l'obscurité de son esprit, le scribe comprenait que Christ avait l'intention d'enrichir ses disciples de trésors terrestres. Il s'adresse donc à lui avec avidité, comme l'avait fait Judas, disant: “Maître! je te suivrai partout où tu iras.” Le Sauveur lut les pensées indignes qui animaient son cœur, et il lui répondit comme il avait répondu à Judas: “Les renards ont des tanières, et les oiseaux de l'air ont des nids; mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête.”1 Ce docteur juif n'avait en vue, lorsqu'il offrit à Jésus de le suivre, que ses propres intérêts égoïstes. Il espérait que le Sauveur établirait bientôt son royaume sur la terre, et que les richesses et la position que les disciples obtiendraient étaient les biens dont Jésus avait parlé. Mais il n'y a qu'un esprit aveuglé par l'avarice et la convoitise du monde qui puisse avoir aussi mal interprété les paroles du Sauveur. VJC 248.1

Si ce n'était à cause de la pauvreté de Christ et le fait que les pauvres et les humbles se rangent sous sa bannière, beaucoup d'hommes viendraient à lui et glorifieraient son nom. S'il avait accordé des honneurs et des richesses à ceux qui devinrent ses disciples, avec quelle joie les orgueilleux pharisiens, les principaux sacrificateurs et les scribes ne lui auraient-ils pas rendu hommage. De nos jours, beaucoup de gens accepteraient la vérité, s'il n'y avait aucun renoncement à faire. S'ils pouvaient avoir le monde avec Christ, ils s'enrôleraient dans son armée. Mais pour le suivre dans son humiliation, sans espoir d'une récompense terrestre, c'est plus que leur faible foi ne peut supporter. Ils tournent le dos et s'en vont la tête basse, comme le scribe qui fut repris par Jésus. VJC 248.2

Après avoir renvoyé la multitude, Jésus et ses disciples s'embarquèrent pour passer sur la rive opposée. C'était une côte déserte, en comparaison de celle qu'ils quittaient; mais, pour cette raison même, étant éloignés des habitations des hommes, ils espéraient trouver, après la fatigue et les travaux, le repos depuis si longtemps attendu. Pourtant, lorsqu'ils s'éloignèrent, un certain nombre de barques, remplies de gens qui désiraient connaître plus complétement la doctrine de Jésus, les suivirent. VJC 249.1

Le Sauveur était fatigué de ses longs et pénibles travaux, et étant délivré pour un moment de la multitude, il se coucha sur les planches dures de la barque de pêcheurs, et s'endormit. Peu après, le temps qui avait été calme et agréable changea soudainement. De sombres nuages s'accumulèrent dans le ciel, et une terrible tempête, telle qu'on en voit fréquemment dans ces parages, se déchaîna sur le lac.1 Le soleil s'était couché, et l'obscurité de la nuit descendait sur les eaux. Les ondes furieuses poussaient la barque çà et là sur les flots, menaçant de l'engloutir. Les vagues la balayaient, et déjà elle se remplissait d'eau. A l'intérieur, tout était précipitation et confusion, et le bruit des voix se mêlait avec celui de la tempête. Les pêcheurs, forts et courageux, étaient habiles à manier leurs barques, et connaissaient par expérience les brusques changements du lac; mais ils se sentaient impuissants en face de cette terrible bourrasque, et voyant que le bateau s'enfonçait, ils commencèrent à désespérer. VJC 249.2

Ils avaient fait de si grands efforts pour se sauver et pour tenir le bateau à flot, qu'ils avaient oublié que Jésus était dans la barque. Mais alors, comme leur courage défaillait et qu'ils se croyaient perdus, ils se souvinrent que c'était Jésus qui leur avait commandé de traverser le lac. Dans leur grande détresse, ils s'adressent à lui, et s'écrient: “Maître! Maître!” Mais le mugissement de la tempête couvre leurs voix, et ils n'obtiennent point de réponse. VJC 250.1

Le désespoir les saisit; ils appellent de nouveau; mais ils ne reçoivent d'autre réponse que le bruit du vent et des eaux. Le Maître les a-t-il délaissés? S'en est-il allé sur les vagues écumantes, les abandonnant à leur sort? Affollés, ils appellent, ils appellent encore, car ils ne peuvent rien faire de plus pour se sauver. La tempête avait tellement grossi que tous leurs efforts pour diriger la barque étaient vains; Jésus est leur seule espérance. La lueur d'un éclair le leur découvre soudain, profondément et paisiblement endormi, au milieu du bruit et de la confusion. VJC 250.2

Se penchant sur son corps, ils s'écrient avec amertume: “Maître! ne te soucies-tu point que nous périssions?” Ils sont choqués de le voir dormir si paisiblement, pendant que le danger et la mort les menacent, et qu'ils luttent si fort contre la fureur de la tempête. Ce cri de désespoir réveille Jésus. Pendant que les disciples saisissent de nouveau leurs rames pour faire un dernier effort, Jésus se lève lentement. Il est là debout dans sa divine majesté, dans l'humble barque des pêcheurs, calme et sans crainte au milieu de la fureur de la tempête; les vagues se brisent contre l'avant du bateau et les éclairs illuminent son visage. Sa main si souvent employée pour accomplir des miracles de grâce se lève, et il dit à la mer en courroux: “Tais-toi, sois tranquille.” L'orage cesse, les vagues irritées s'apaisent. Les nuages se dissipent, et les étoiles apparaissent; la barque repose maintenant sur un lac tranquille. Alors, se tournant vers ses disciples, Jésus les censure disant: “Pourquoi avez-vous peur? Comment n'avez-vous point de foi?” VJC 250.3

Les disciples étaient muets d'étonnement; aucun ne rompait le silence; l'impétueux Pierre même n'essaya point d'exprimer la crainte respectueuse qui remplissait son cœur. Les barques qui avaient accompagné Jésus avaient été dans le même danger que celle des disciples. La terreur et finalement le désespoir s'étaient emparés des personnes qui les occupaient; mais au commandement de Jésus, la tranquillité succéda au tumulte. Toute crainte s'évanouit, car le danger était passé. La fureur de la tempête avait entraîné les barques les unes vers les autres, et tous avaient vu le miracle de Jésus. Après que la tempête fut calmée, ils chuchotaient entre eux: “Mais qui est celui-ci, que le vent même et la mer lui obéissent?” Jamais cette scène si imposante ne fut oubliée de ceux qui en avaient été témoins. Jamais son étonnante majesté ne manquera de remplir les enfants de Dieu de respect et de crainte. VJC 250.4

Lorsqu'il fut brusquement réveillé par les pêcheurs effrayés, le Sauveur n'avait aucune crainte pour lui-même, mais pour ses disciples qui ne s'étaient pas fiés à lui dans le danger. Il leur reprocha leur frayeur qui montrait leur peu de foi. Ils auraient dû s'adresser à lui à la première apparence de danger et il les aurait délivrés de leur détresse. Mais dans leurs efforts pour se sauver eux-mêmes, ils avaient oublié que Jésus était dans la barque. Combien de personnes, pendant les épreuves de la vie, ou au milieu des perplexités et des dangers, luttent seules contre le torrent de l'adversité, oubliant qu'il en est Un qui peut les aider. Elles se confient en leurs propres forces et en leur habileté, jusqu'à ce que, déconcertées et découragées, elles se souviennent de Jésus, et le prient humblement de les sauver. Quoiqu'il réprouve avec chagrin leur incrédulité et leur vaine confiance en leurs propres forces, il ne manque jamais d'entendre leurs cris et de leur accorder le secours dont elles ont besoin. VJC 251.1

Agité sur les vagues écumantes de la mer, le voyageur fatigué devrait se souvenir que Jésus était sur la mer dans un moment de semblable péril; que sa voix commanda à la terrible tempête de cesser; que les éléments déchaînés obéirent à son ordre, et que ses disciples fidèles furent sauvés. Lorsque les vagues se brisent contre notre barque chancelante, et que les éclairs nous révèlent les récifs qui menacent de nous détruire, nous pouvons nous souvenir que Jésus est dans la barque. Il entend notre cri d'angoisse et il n'abandonnera jamais ceux qui mettent en lui leur confiance. VJC 251.2

Que nous soyons sur la terre ou sur la mer, que nous dormions ou que nous veillons, si nous avons le Sauveur dans nos cœurs, il n'est pas besoin d'avoir peur. L'appel de la foi obtiendra toujours une réponse. Nous pouvons être repris parce que nous ne l'avons pas cherché au commencement de notre épreuve; mais cependant il acceptera nos humbles prières, fatigués comme nous le sommes dans nos efforts pour nous sauver nous-mêmes. La foi vivante dans le Rédempteur calmera l'océan de la vie, et il nous délivrera du danger, de la manière qu'il sait être la meilleure. VJC 252.1