La Vie de Jésus-Christ

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Chapitre 16 — Jésus à Capernaüm

Après la guérison accomplie par Jésus le jour du Sabbat, au réservoir de Béthesda, la malice des principaux d'entre les Juifs s'enflamma si fort contre lui qu'ils complotèrent pour lui ôter la vie, de sorte qu'il ne pouvait plus rester à Jérusalem sans compromettre sa sûreté personnelle. Il se rendit donc en Galilée, et fit de Capernaüm1 le champ principal de ses travaux. Comme il enseignait dans cette ville, le jour du Sabbat, des foules s'assemblèrent pour l'écouter. Là il paraissait pouvoir travailler sans empêchement, quoiqu'il fût observé par des espions qui cherchaient comment ils pourraient l'accuser. VJC 166.1

Les cœurs des humbles d'entre le peuple étaient ouverts pour recevoir ses divines instructions. Le cœur du Sauveur débordait de sympathie pour l'humanité souffrante, et c'était avec joie qu'il voyait de pauvres pécheurs répondre à ses enseignements d'amour et de bienfaisance. Ses auditeurs étaient charmés de la simplicité éloquente avec laquelle il prêchait la vérité. Il tirait ses illustrations des scènes de la vie de chaque jour. Il adaptait son langage aux personnes de toute classe et de toute condition. VJC 166.2

Jésus n'alla point à Capernaüm pour éviter la société ou pour se reposer de ses travaux. Capernaüm était une grande ville de communications, un lieu de passage pour les voyageurs venant de divers pays, et qui parfois s'y reposaient avant de continuer leur voyage. Là, le divin Docteur avait l'occasion de s'adresser à des gens de toute nation et de tout rang. Il pouvait donner des leçons qui non seulement seraient reçues par ceux qui les entendaient, mais qui seraient portées par eux dans bien des pays et dans bien des demeures. Par ce moyen, le peuple serait incité à s'enquérir plus soigneusement des prophéties, son attention serait dirigée vers le Sauveur, et son œuvre, sa mission, seraient présentées au monde. VJC 166.3

A Capernaüm, il avait une meilleure occasion qu'ailleurs de rencontrer les représentants de toutes les classes qui s'y trouvaient mélangées, vu que chacun s'y rendait pour ses propres affaires. Là, son ministère pouvait parvenir aux grands de ce monde, recherchés à cause de leurs richesses, aussi bien qu'aux pauvres et aux nécessiteux. Christ se présentait au peuple comme le Sauveur du monde. Aussitôt que l'on sut qu'il était à Capernaüm, les foules s'empressèrent d'accourir pour entendre ses paroles de sagesse divine. Jésus s'était retiré sur une montagne avec ses disciples pour jouir de quelques moments de solitude et de recueillement, mais quand il vit le peuple accourir vers lui en foule, il ne voulut pas les renvoyer sans leur donner les instructions dont ils avaient besoin. VJC 167.1

La fête des Juifs approchait, et beaucoup de gens qui se rendaient à Jérusalem, et qui passaient par la ville, cherchaient à voir Jésus, dont les étonnants miracles étaient parvenus jusqu'à eux. Les malades et les affligés lui furent amenés, et il les guérit de leurs maladies. En contemplant la joie de ceux qu'il avait guéris, son cœur, rempli d'amour, se réjouissait avec ceux qui avaient été l'objet de ses faveurs. Il rendit le bonheur à bien des familles en guérissant leurs malades. Il fit reparaître la joie dans bien des demeures plongées dans la tristesse et l'affliction. Les affligés étaient consolés, les ignorants instruits, et les cœurs abattus se ranimaient à l'espérance. VJC 167.2

Le peuple reçut le message qu'il leur apportait et crut à ses paroles. Personne n'était plus disposé à accepter la vérité que les pauvres et les humbles, qui n'étaient pas séparés de leur Sauveur par la vanité et l'orgueil, les trésors de ce monde, ou la louange des hommes. Ils trouvaient en lui de la consolation dans toutes leurs luttes et leurs privations. Jésus ne renvoyait aucun d'eux. Il était touché d'une tendre compassion pour la détresse de ceux qui recherchaient son aide, et lorsqu'ils sortaient de sa présence, ils emportaient avec eux, en leurs propres personnes, les preuves de son pouvoir vivifiant. Les cœurs de ces gens débordaient de respect, d'amour et de reconnaissance pour leur Bienfaiteur, et il partageait leur joie. Ses travaux à Capernaüm produisirent un bon résultat, et beaucoup furent amenés à croire en lui. Ses actes incomparables de miséricorde gagnaient le cœur des multitudes. VJC 167.3

Les scribes et les pharisiens étaient confondus; leurs desseins à l'égard de Jésus étaient déjoués. Ils avaient écouté ses enseignements afin de le surprendre dans ses paroles, et de détourner de lui l'esprit du peuple pour l'attirer sur eux-mêmes. Ils savaient que depuis que le ministère de Jésus avait commencé, leur influence sur le peuple avait grandement diminué. Les cœurs sympathiques de la multitude acceptaient des leçons d'amour, de bienveillance et de bonté plutôt que les formes froides et les cérémonies rigides exigées par les sacrificateurs. VJC 168.1

Quoique les pharisiens fussent étonnés des miracles que Jésus opérait, ils étaient d'autant plus désireux de se débarrasser de ce personnage dont la grande puissance était fatale à leurs prétentions. VJC 168.2

Les maladies corporelles, quelque graves qu'elles fussent et apparemment sans espoir de guérison, étaient arrêtées par son pouvoir divin; mais la maladie de l'âme, enracinée dans l'incrédulité et les préjugés aveugles prenait plus fortement prise sur ceux qui fermaient les yeux à la lumière. La preuve la plus puissante que l'on pût produire ne faisait que fortifier leur opposition. La lèpre et la paralysie n'étaient point aussi redoutables que la bigoterie et l'incrédulité. Jésus se détourna des docteurs d'Israël, et leurs chaînes d'obscurité et de scepticisme les enlacèrent plus fortement que jamais. VJC 168.3

Les habitants de Capernaüm avaient été grandement étonnés de la guérison soudaine du fils du seigneur, opérée par une seule parole de Jésus, lorsqu'il était à une distance de plus de vingt milles du malade. Ils furent réjouis d'apprendre que Celui qui possédait un tel pouvoir miraculeux se trouvait dans leur propre ville. Le jour du Sabbat, la synagogue dans laquelle il devait parler était comble, et un grand nombre de personnes furent obligées de rester dehors. Comme à l'ordinaire, un grand nombre vinrent par curiosité, mais il y en avait beaucoup qui désiraient sérieusement s'informer de l'Evangile du royaume de Dieu. VJC 168.4

Tous ceux qui l'entendaient étaient étonnés, “car il les enseignait comme ayant autorité, et non pas comme les scribes.”1 Ses paroles étaient une démonstration de l'Esprit de Dieu, et pénétraient dans la conscience des hommes avec une puissance divine. L'enseignement des scribes et des pharisiens était froid et monotone, comme une leçon apprise par routine. Ils expliquaient la loi comme une affaire d'habitude, mais leur parole n'était point sanctifiée par l'autorité de Dieu; leurs propres cœurs et ceux de leurs auditeurs n'étaient point émus d'une sainte inspiration. VJC 169.1

Jésus n'avait rien à faire avec les divers sujets de dissension qui existaient parmi les Juifs. Ses paroles étaient si simples qu'un enfant même pouvait les comprendre; toutefois, dans leur sublime simplicité, elles étaient assez élevées pour charmer l'esprit le plus cultivé par les nobles vérités qu'elles exprimaient. Il parlait d'un nouveau royaume qu'il venait établir parmi eux en opposition aux royaumes de ce monde; et de son pouvoir pour arracher son royaume d'entre les mains de Satan, et pour délivrer les captifs enchaînés sous son pouvoir. VJC 169.2

Il y avait dans la synagogue un homme possédé de l'esprit de Satan. Cet homme interrompit le discours de Jésus en poussant un cri perçant qui glaça les auditeurs d'une terreur indicible. “Ha! qu'y a-t-il entre nous et toi, Jésus de Nazareth? Es-tu venu pour nous perdre? Je sais qui tu es: tu es le Saint de Dieu.” VJC 169.3

Les démons même croyaient et tremblaient; mais l'Israël de Dieu avait fermé les yeux et les oreilles aux preuves de la divinité de Christ, et il ne connaissait point le temps de sa visitation. Le but de Satan en conduisant sa malheureuse victime dans la synagogue, était de détourner de Jésus l'attention du peuple en la dirigeant vers les paroxysmes du pauvre possédé, et d'empêcher ainsi que les paroles de la vérité ne pénétrassent dans les cœurs. Mais l'intelligence obscurcie même de cet homme comprenait que les enseignements de Jésus venaient du ciel. La puissance de la divinité éveillait la terreur du démon qui s'était emparé de lui, et une lutte s'engagea entre cet esprit malin, et ce qui restait de raison à ce pauvre possédé. VJC 169.4

A mesure que la victime sentait que le céleste Médecin était là pour lui rendre la liberté, son cœur souhaitait ardemment d'être délivré de la puissance de Satan. Le démon résistait à ce pouvoir et cherchait à retenir sous son empire ce pauvre malheureux qui luttait contre lui. Ce démoniaque tâchait de crier à Jésus pour lui demander de l'aide, mais lorsqu'il essayait de parler, le démon mettait d'autres paroles dans sa bouche, de sorte qu'il s'écria dans l'intensité de sa crainte: “Ah! qu'y at-il entre nous et toi, Jésus de Nazareth?” La raison obscurcie de ce pauvre homme comprenait en partie qu'il était en présence de Celui qui pouvait l'affranchir de l'esclavage dans lequel il avait été si longtemps retenu; mais lorsqu'il chercha à s'approcher du divin Médecin, la volonté d'un autre le retint, les paroles d'un autre sortirent de sa bouche. VJC 170.1

Par sa conduite coupable, cet homme s'était placé sur le chemin de l'ennemi, et Satan s'était emparé de toutes ses facultés, de sorte que, lorsque quelques rayons de lumière émanant de la présence du Sauveur percèrent les ténèbres dont était entourée son intelligence, la lutte entre son désir de liberté et la puissance du diable lui firent faire d'affreuses contorsions et lui arrachèrent des cris surnaturels. Le démon exerçait tout son diabolique pouvoir pour retenir sa victime sous son empire. S'il perdait du terrain dans cette circonstance, c'était céder une victoire à Jésus. Celui qui, dans sa propre personne, avait vaincu le prince de la puissance des ténèbres dans la tentation au désert, se trouvait de nouveau face à face avec son ennemi. VJC 170.2

Il semblait que le pauvre homme si cruellement torturé dût perdre la vie dans cette lutte contre le démon qui avait été la ruine de son intelligence. Une seule puissance pouvait briser cette cruelle tyrannie. Jésus parla avec une voix d'autorité et rendit la liberté au pauvre captif. L'esprit démoniaque fit un dernier effort pour arracher la vie de sa victime avant d'être forcé de sortir de celui qu'il avait tourmenté si longtemps. Ensuite l'homme qui avait été possédé se tint devant le peuple émerveillé, heureux d'avoir retrouvé la liberté et la possession de lui-même. Dans la synagogue, le jour du Sabbat, devant l'assemblée réunie, le prince des ténèbres avait été de nouveau vaincu, et le démon même avait rendu témoignage au pouvoir divin du Sauveur, en criant: “Jésus de Nazareth! es-tu venu pour nous perdre? Je sais qui tu es: tu es le Saint de Dieu.” VJC 170.3

L'homme dont la raison avait été si soudainement restaurée louait Dieu de sa délivrance. Ses yeux qui, si récemment, brillaient du feu de la folie, rayonnaient maintenant d'intelligence, et étaient inondés de larmes de gratitude. Le peuple était muet de surprise. Aussitôt que les assistants purent parler, ils se dirent les uns aux autres avec étonnement: “Qu'est-ce que ceci? Il commande avec autorité et avec puissance aux esprits immondes, et ils sortent!” VJC 171.1

Ce n'était pas la volonté de Dieu que cet homme fût frappé d'une si terrible affliction au point d'être entièrement livré entre les mains de Satan. C'était dans sa propre manière de vivre que se trouvait la source secrète des malheurs qui en avaient fait un objet d'horreur pour ses amis, et un fardeau pour lui-même. Les plaisirs du péché l'avaient fasciné, le sentier de la dissipation lui avait paru attrayant; il avait pensé faire de la vie une longue fête. Il n'avait pas songé qu'en agissant ainsi il deviendrait un jour un objet d'effroi et de dégoût pour le monde, et d'opprobre pour sa famille. Il pensait qu'il pouvait passer son temps dans des folies prétendues innocentes; mais une fois sur la pente du vice, il était rapidement arrivé au bas, après avoir transgressé les lois de la santé et de la moralité. L'intempérance et la frivolité enchaînaient ses sens, les sensibilités délicates de son esprit avaient été détruites, et Satan s'était emparé du contrôle absolu de toutes ses facultés. Le remords fut trop tardif, et quoique cet homme eût été disposé alors à sacrifier les richesses et le plaisir pour rentrer en possession d'une virilité lâchement consumée, il était sans force entre les mains du méchant. Satan avait tenté ce jeune homme par beaucoup de séductions agréables; il avait revêtu le vice d'un manteau de fleurs afin que la victime le portât sur son cœur; mais ce but une fois atteint, et l'infortuné livré à son pouvoir, le démon était devenu impitoyable dans sa tyrannie, et redoutable dans ses visitations cruelles. Il en est toujours ainsi de ceux qui succombent au mal; les plaisirs attrayants de leur jeunesse se terminent dans le plus sombre désespoir ou dans l'égarement d'une âme perdue et ruinée. VJC 171.2

Mais celui qui vainquit le grand ennemi dans le désert arracha ce captif à l'agonie, au pouvoir de Satan. Jésus savait bien que ce démon, quoique revêtant une autre forme, était le même esprit malfaisant qui l'avait tenté dans le désert. Satan cherche par divers artifices à atteindre son but. Le même esprit qui vit et reconnut le Sauveur, et lui cria: “Ha! qu'y a-t-il entre nous et toi?” animait les méchants Juifs qui rejetaient Christ, et se moquaient de ses enseignements. Mais chez ces derniers, il revêtait un air de piété et de science, cherchant à les tromper quant aux véritables motifs qui les portaient à refuser le Sauveur. VJC 172.1

Ensuite Jésus sortit de la synagogue, laissant le peuple saisi d'étonnement et d'admiration. Ce miracle fut alors suivi d'un autre tout aussi merveilleux. Jésus chercha la maison de Pierre pour s'y reposer un peu, mais il n'y avait point de repos pour le Fils de l'homme. On lui dit que la belle-mère de Pierre était malade de la fièvre. Son cœur sympathique le porta aussitôt à soulager cette femme souffrante. Il commanda à la fièvre, et la fièvre la quitta immédiatement. Puis elle se leva, le cœur débordant de joie et de reconnaissance, et elle se mit à servir Jésus et ses disciples, avec empressement et amour. VJC 172.2

La nouvelle de ces miracles et de ces guérisons se répandit par toute la ville. Toutefois ces actes de miséricorde ne firent qu'augmenter l'intensité de la haine des pharisiens. Ils observaient attentivement tous les mouvements de Jésus, cherchant en quoi ils pourraient l'accuser. Par leur influence, ils empêchaient beaucoup de gens de venir à Jésus le jour du Sabbat pour être soulagés de leurs infirmités. Ils craignaient d'être flétris comme transgresseurs de la loi. Mais dès que le soleil avait disparu à l'occident, il se faisait une grande commotion. De toutes parts les malades accouraient vers Jésus. Ceux qui avaient assez de force venaient seuls, mais un bien plus grand nombre étaient portés par leurs amis vers le souverain Médecin. VJC 172.3

Ces malheureux représentaient la maladie à tous ses degrés, jusqu'au point de la mort. Quelques-uns étaient en proie à une fièvre brûlante, d'autres étaient paralysés, frappés d'hydropisie, aveugles, sourds et impotents. On entendait à quelque distance les cris pitoyables du lépreux: “Le souillé! le souillé!” et on le voyait étendre vers le grand Médecin des mains rongées par la hideuse maladie. L'œuvre de Jésus commença quand le premier malade lui fut présenté. Les suppliants étaient guéris par un mot de ses lèvres ou par l'attouchement de sa main. Le cœur rempli de joie et de gratitude, ils s'en retournaient pleins de santé et de vigueur physique et mentale, pour réjouir de leur présence les demeures qu'ils avaient naguère quittées, invalides et sans force. VJC 173.1

Ceux qui les avaient soigneusement portés de leurs lits en la présence de Jésus retournaient avec eux, versant des larmes de joie et proclamant les louanges du Sauveur. Les petits enfants n'étaient pas oubliés, et ces chers petits malades étaient rendus à leurs heureuses mères, brillants de fraîcheur et de vivacité. Ces preuves vivantes du pouvoir divin de Jésus produisirent une grande excitation dans toute cette région. Jamais encore Capernaüm n'avait eu de jour semblable à celui-ci. L'air retentissait de chants de triomphe et de délivrance. VJC 173.2

Le Sauveur qui avait opéré de si merveilleuses guérisons, se réjouissait aussi de la joie qu'il avait produite dans les cœurs de tant d'êtres souffrants. Il avait guéri tous ceux qui étaient allés vers lui. Son grand amour pour l'homme fut remué jusque dans ses profondeurs, lorsqu'il vit les souffrances de ceux qui étaient venus vers lui, et il se réjouissait de ce qu'il avait la puissance de leur rendre la santé et le bonheur. VJC 173.3