La Vie de Jésus-Christ

11/56

Chapitre 10 — Les noces de Cana

Après avoir quitté les bords du Jourdain, Jésus retourna en Galilée. Il commença dès lors la grande œuvre de sa vie, et le divin caractère de sa mission fut attesté par la puissance surnaturelle qu'il manifesta. VJC 101.1

Un mariage devait être célébré à Cana en Galilée.1 Les époux étaient des parents de Joseph et de Marie. Jésus avait connaissance de cette réunion de famille et il savait qu'un grand nombre de personnes influentes s'y rencontreraient, de sorte qu'accompagné des disciples qu'il venait de s'adjoindre, il se mit en route pour Cana. Dès qu'on sut que Jésus était arrivé dans ce lieu, on le fit spécialement inviter avec ses amis. Comme c'était précisément ce qu'il s'était proposé, Jésus honora la fête de sa présence. VJC 101.2

Il avait été séparé de sa mère depuis un certain temps. Durant cette période, il avait été baptisé par Jean et avait passé par la tentation au désert. Par la rumeur publique, Marie avait appris ce qui était arrivé à son fils et ce qu'il avait souffert. Jean, un de ses nouveaux disciples, avait été à la recherche de Christ et l'avait trouvé dans son humiliation, épuisé et portant les marques d'une grande souffrance physique et morale. Jésus ne voulant point que Jean fût témoin de son humiliation, avait doucement quoique fermement, commandé à Jean de s'éloigner de sa présence. Il désirait être seul; aucun œil humain ne devait être témoin de son agonie, aucun cœur d'homme ne devait être appelé à sympathiser avec ses souffrances. VJC 101.3

Ce disciple était allé trouver Marie chez elle et lui avait raconté les incidents de sa rencontre avec Jésus aussi bien que ce qui s'était passé à son baptême, alors qu'on entendit la voix de Dieu le reconnaître pour son Fils, et comment Jean avait désigné Christ en disant: “Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde.” Pendant trente ans, Marie avait recueilli des preuves que Jésus était le Fils de Dieu, le Sauveur promis au monde. Joseph était mort, et elle n'avait personne à qui confier les pensées qu'elle renfermait dans son cœur. Elle avait balloté entre l'espérance et les doutes qui la jetaient dans la perplexité, mais toujours éprouvant plus ou moins l'assurance que son fils était vraiment le Messie promis. VJC 101.4

Elle avait éprouvé de grands chagrins pendant les deux mois qui s'étaient écoulés, car elle avait été séparée de son fils qui avait toujours obéi fidèlement à ses désirs. Dans son veuvage, cette mère avait gémi au récit des souffrances que Jésus avait enduré dans sa solitude. Son ministère comme Messie lui avait causé du chagrin aussi bien que de la joie. Pourtant, aussi étrange que cela lui paraisse, elle le rencontre aux noces de Cana, le même fils tendre et respectueux. Cependant ce n'est plus le même, car son visage est changé; elle voit les signes de sa terrible lutte dans le désert de la tentation et la preuve de sa haute mission dans la sainte expression et la dignité aimable de sa présence. Elle le voit accompagné d'un certain nombre de jeunes hommes qui lui parlent avec respect, l'appelant maître. Ses compagnons racontent à Marie les choses merveilleuses dont ils ont été témoins, non seulement au baptême, mais dans d'autres occasions nombreuses et ils terminent en disant: “Nous avons trouvé celui de qui Moïse a écrit dans la loi, et dont les prophètes ont parlé; Jésus de Nazareth, le Messie dès longtemps attendu.” VJC 102.1

Le cœur de Marie fut rempli de joie de voir que l'espérance qu'elle nourrissait dans son cœur depuis de si longues années était vraie. Il eût été assez étrange s'il ne se fût mêlé à cette grande et sainte joie d'une tendre mère quelque trace d'un orgueil naturel. Mais les convives étaient réunis et le temps passait. A la fin, il arriva un incident qui causa beaucoup d'inquiétude et de regrets. On découvrit que, pour une cause quelconque, le vin avait manqué. Le vin dont on usait était le pur jus du raisin, et il était impossible de s'en procurer à cette heure avancée. Dans de telles occasions on n'avait pas la coutume de s'en dispenser; de sorte que la mère de Christ, qui, en sa qualité de parente avait à s'occuper de la noce, parle à son Fils et lui dit: “Ils n'ont plus de vin.” Il y avait dans cette communication une demande couverte, ou plutôt, la suggestion que Lui, auquel toutes choses étaient possibles voulût subvenir à leurs besoins. Mais Jésus lui répondit: “Femme, qu'y a-t-il entre moi et toi? mon heure n'est pas encore venue.” Ces paroles furent dites avec respect, quoique avec fermeté. Il voulait enseigner à Marie que le temps où elle devait le gouverner comme une mère était passé. Son œuvre vaste et importante était maintenant devant lui et personne ne devait le diriger concernant l'exercice de son pouvoir divin. Il y avait du danger à ce que Marie présumât trop de sa relation de parenté avec Christ et sentît qu'elle avait sur lui de l'autorité et des droits spéciaux. Comme Fils du Très-Haut, et Sauveur du monde, nul lien terrestre ne devait l'empêcher d'accomplir sa mission divine, ni influencer sa manière d'agir. Il était nécessaire qu'il restât en dehors de toute considération personnelle, toujours prêt à faire la volonté de son Père dans les cieux. VJC 102.2

Jésus aimait tendrement sa mère; car durant trente ans, il avait été soumis à l'autorité de ses parents; mais le temps était maintenant venu où il devait s'occuper des affaires de son Père. En censurant sa mère, Jésus censure aussi une classe nombreuse de gens qui ont un amour idolâtre pour leurs familles, et qui permettent aux liens de parentage de les détourner du service de Dieu. L'amour humain pour nos proches est un attribut sacré; mais nous ne devons pas permettre qu'il trouble notre expérience chrétienne, ou détourne nos cœurs de Dieu. VJC 103.1

Jésus pouvait contempler sa vie subséquente clairement tracée devant lui. Son pouvoir divin avait été caché jusque-là. Pendant trente ans, il avait attendu dans l'obscurité et l'humiliation, et il ne se sentait nullement pressé d'agir avant que son temps fût venu. Mais Marie souhaitait ardemment de le voir montrer à cette société réunie qu'il était réellement un personnage honoré de Dieu. Il lui semblait qu'il y avait là pour Christ une occasion favorable de convaincre de son pouvoir le peuple présent à cette occasion, en opérant sous leurs yeux un miracle qui le plaçât dans la position qu'il devait occuper devant les Juifs. Mais il répondit que son heure n'était pas encore venue. Le temps où il devait être honoré et glorifié comme Roi n'était pas encore arrivé; pour le présent, son sort était d'être un Homme de douleur et sachant ce que c'est que la langueur. VJC 103.2

Les relations de Christ avec sa mère étaient changées. Celui qui avait été son fils soumis, était maintenant son divin Seigneur. Sa seule espérance, en commun avec le reste des hommes, était de croire qu'il était le Rédempteur du monde et de lui rendre une obéissance implicite. Bien des personnes envisagent la mère de Christ comme étant à l'égal du Fils de Dieu dont les attributs sont infinis en perfection. Mais le Sauveur met les choses à leur place, et nous les fait voir sous une lumière bien différente; il montre qu'aucun lien de parenté humaine ne doit plus attacher ni gêner dans ses mouvements Celui dont la mission devait s'étendre en faveur du monde entier. VJC 104.1

La mère de Christ comprit la place qu'occupait son fils, et elle s'inclina devant sa volonté. Elle savait qu'il exaucerait sa requête s'il le trouvait bon. Sa manière d'agir montrait sa foi parfaite dans la sagesse et dans le pouvoir de Christ, et c'était à cette foi que Jésus répondit par le miracle qui suivit. Marie croyait que Jésus pouvait faire ce qu'elle lui avait demandé, et elle désirait vivement que tout ce qui concernait la fête se passât convenablement et avec honneur. Elle dit donc à ceux qui servaient: “Faites tout ce qu'il vous dira.” Elle contribua donc, dans la mesure de ses forces, à préparer la voie au miracle que Jésus allait opérer. VJC 104.2

A l'entrée de la maison où ces choses se passaient, il y avait six vaisseaux de pierre. Jésus commanda aux serviteurs de remplir d'eau ces vaisseaux. Ils obéirent avec empressement à cet ordre singulier. Cela fait, comme on avait besoin de vin immédiatement, Jésus leur dit: “Puisez-en maintenant et portez-en au maître d'hôtel.” Les serviteurs virent avec surprise qu'au lieu de l'eau cristalline dont ils venaient de remplir les vaisseaux, ils en tiraient du vin. Ni le maître d'hôtel, ni les convives en général ne savaient que le vin avait manqué, de sorte qu'en le goûtant, le maître d'hôtel fut étonné; car il était supérieur en qualité à tous les vins qu'il avait bus jusque-là, et était tout à fait différent de celui qui avait été servi au commencement de la fête. VJC 104.3

Il s'adressa donc à l'époux et lui dit: “Tout homme sert d'abord le bon vin, et ensuite le moindre, après qu'on a beaucoup bu; mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu'à présent.” Dans ce miracle Jésus donne un exemple de cette vérité, savoir que tandis que le monde présente ses meilleurs dons premièrement, pour fasciner les sens et satisfaire les yeux, il donne des dons toujours frais, toujours nouveaux jusqu'à la fin. Ils ne deviennent jamais insipides au goût. Jamais le cœur n'en est rassasié ni fatigué. Les plaisirs du monde ne satisfont pas le cœur; ils ne procurent point le bonheur; son vin se change en amertume, sa gaîté en tristesse. Ce qui commence par les chants et la joie bruyante, se termine par la fatigue et le dégoût. Mais Jésus procure au cœur une fête qui ne manque jamais de donner de la satisfaction et de la joie. Chaque don nouveau rend celui qui le reçoit plus capable d'apprécier les bénédictions du Seigneur et d'en jouir. Il donne, non pas chichement, mais au delà de ce que nous demandons ou pensons. VJC 105.1

Ce don de Christ au souper de la noce était un symbole des moyens de salut. L'eau représentait le baptême dans sa mort, le vin, son sang répandu pour la purification des péchés du monde. La provision de vin faite par Jésus était amplement suffisante, et le moyen pourvu pour effacer les iniquités des hommes n'est pas moins amplement suffisant. VJC 105.2

Jésus sortait du désert où il avait enduré un long jeûne afin de vaincre le pouvoir de l'appétit sur l'homme, pouvoir qui avait, entre autres maux, introduit l'usage fréquent des boissons alcooliques. Christ ne procura pas aux convives de la noce, du vin qui, par la fermentation ou quelque autre procédé, était d'une nature enivrante, mais il leur donna le pur jus de raisin, clarifié et raffiné, dont l'effet devait être de corriger leur goût perverti. VJC 105.3

Les convives firent des remarques sur la qualité du vin; ils prirent aussitôt des informations, et apprirent bientôt des domestiques le récit de l'œuvre merveilleuse que le jeune Galiléen venait d'accomplir. La société écouta avec un grand étonnement, et de temps à autre les convives échangeaient quelques paroles de doute et de surprise. A la fin ils cherchèrent Jésus, afin de lui rendre le respect qui lui était dû, et d'apprendre comment il avait opéré ce miraculeux changement de l'eau en vin; mais ils ne le trouvèrent point. Avec une simplicité remplie de dignité, il avait accompli ce miracle, puis s'était tranquillement retiré. VJC 106.1

Lorsqu'il fut reconnu que Jésus était réellement parti, l'attention de la société fut dirigée vers ses disciples qui étaient restés en arrière. Pour la première fois, ils avaient l'occasion de confesser qu'ils croyaient en Jésus de Nazareth comme étant le Sauveur du monde. Jean raconta ce qu'il avait entendu et vu de ses enseignements. Il parla des manifestations merveilleuses de la puissance de Dieu lorsque Jésus fut baptisé par le prophète Jean dans le Jourdain, et comment la lumière et la gloire du ciel étaient descendues sur lui sous la forme d'une colombe tandis qu'une voix venant du ciel déclarait que Jésus était le Fils du Père éternel. Jean narra ces faits avec une exactitude et une clarté convaincantes. La curiosité de tous ceux qui étaient présents fut éveillée et un grand nombre de ceux qui attendaient le Messie avec anxiété pensaient qu'il était tout à fait possible que celui-ci fut Celui qui avait été promis à Israël. VJC 106.2

Les nouvelles de ce miracle opéré par Jésus s'étaient répandues par toute cette région et étaient même parvenues jusqu'à Jérusalem. Les sacrificateurs et les anciens les apprirent avec étonnement. Avec un nouvel intérêt, ils sondèrent les prophéties qui mentionnent la venue de Christ. Ils manifestaient la plus intense anxiété pour savoir quel était le but et la mission de ce nouveau Docteur, qui venait parmi le peuple d'une manière si simple, et qui toutefois faisait ce que nul autre homme n'avait jamais fait. Contrairement aux pharisiens et aux autres dignitaires qui se drapaient dans leur austérité, il s'était joint à cette assemblée composée de diverses classes de personnes réunies à l'occasion de la noce. Il sanctionna ainsi la fête par sa présence; mais sans qu'aucune légèreté mondaine se mêlat à sa pure et sainte conversation. VJC 106.3

Il y a ici une leçon pour les disciples de Christ dans tous les temps; ils doivent apprendre par là à ne pas s'exclure de la société, à ne pas renoncer à tout lien social, ni à chercher à vivre séparés de leurs semblables. Afin d'avoir accès aux individus de toutes les classes, nous devons aller où ils se trouvent, car il est rare qu'ils viennent de plein gré nous chercher où nous sommes. Ce n'est pas seulement par les paroles prononcées du haut de la chaire que les cœurs sont touchés par la vérité divine. Christ éveilla leur intérêt en allant parmi eux comme quelqu'un qui désirait leur bien. Il les chercha dans leurs occupations journalières, et manifesta un intérêt véritable dans leurs affaires temporelles. Il porta ses instructions dans les maisons du peuple, amenant des familles entières sous l'influence de sa présence divine. Par sa sympathie pour les malheurs d'autrui, il attirait les cœurs et les gagnait à sa cause. VJC 107.1

Cet exemple du divin Maître devrait être exactement suivi par ses serviteurs. Quelque instructifs et profitables que puissent être leurs discours publics, ils devraient se souvenir qu'il y a un autre champ d'activité, plus humble peut-être, mais promettant une moisson non moins abondante. Il se trouve dans les humbles positions de la vie aussi bien que dans les splendides demeures des grands de ce monde; il se trouve à la table dressée par l'hospitalité et au milieu de ces assemblées réunies à l'occasion de fêtes innocentes. VJC 107.2

La conduite de Jésus à cet égard était en opposition directe à celle des conducteurs des Juifs. Ceux-ci ne fréquentaient que les personnes distinguées. Ils n'avaient aucune sympathie pour les maux du commun peuple, et ne cherchaient ni à leur faire du bien, ni à gagner leur amitié. Mais Christ se liait aux intérêts de l'humanité, et c'est ainsi que devraient agir ceux qui prêchent sa Parole, non point pour satisfaire leurs goûts pour leur propre jouissance personnelle ou le plaisir du changement et des amusements, mais dans le but de saisir toutes les occasions de faire du bien, et de répandre la lumière de la vérité dans les cœurs des hommes, en menant une vie pure, non entachée par les folies et les vanités de la société. VJC 107.3

Le but principal de Jésus en assistant à cette noce était de commencer à rompre la barrière qui existait entre les conducteurs des Juifs et le commun peuple, et ainsi de les rapprocher. Il est venu non point seulement comme Messie des Juifs, mais aussi comme Rédempteur du monde. Les pharisiens s'abstenaient de fréquenter aucune autre classe que la leur. Ils se tenaient à distance, non seulement des gentils, mais encore de leur propre peuple, et leur enseignement portait toutes les classes à se séparer du reste du monde de manière à les rendre pleins de leur propre justice, égoïstes et intolérants. Cet éloignement rigoureux du commerce du monde et cette bigoterie des pharisiens avaient diminué leur influence et créé des préjugés que Christ aurait voulu faire disparaître, afin que l'influence de sa mission se fît sentir parmi toutes les classes. VJC 108.1

Ceux qui pensent conserver leur religion en la cachant soigneusement entre les murailles d'un couvent pour la préserver de la corruption du monde, perdent des occasions précieuses d'éclairer les hommes et de leur faire du bien. Le Sauveur cherchait les hommes dans les rues, dans les maisons particulières, sur les bateaux, dans la synagogue, sur les bords des lacs et dans les fêtes de mariage. Il passait beaucoup de temps sur les montagnes, priant avec ardeur afin d'être fortifié pour la lutte et pour la tâche qu'il avait à remplir parmi les hommes; et tout en enseignant les riches et les nobles, il instruisait les ignorants, soulageait les pauvres et les malades et ceux qui étaient retenus dans les liens de Satan. VJC 108.2

Le ministère de Christ était en opposition directe à celui des principaux d'entre les Juifs. Ils se tenaient à l'écart, n'ayant aucune relation avec le commun peuple. Se considérant comme des êtres favorisés de Dieu, ils se revêtaient d'une fausse apparence de justice et de dignité. Les Juifs s'étaient tellement écartés des anciens enseignements de Jéhovah, qu'ils croyaient être justes et recevoir l'accomplissement de ses promesses s'ils gardaient strictement la lettre de la loi qui leur avait été donnée par Moïse. VJC 108.3

Le zèle avec lequel ils suivaient les enseignements des anciens leur donnait un air de grande piété. Non contents d'accomplir les services que Dieu leur avait désignés par Moïse, ils étaient continuellement à chercher des devoirs plus rigides et plus difficiles. Ils mesuraient leur sainteté par la multitude de leurs cérémonies, tandis que leurs cœurs étaient remplis d'hypocrisie, d'orgueil et d'avarice. La malédiction de Dieu était sur eux à cause de leurs iniquités, tandis qu'ils faisaient profession d'être la seule nation juste de la terre. VJC 109.1

Ils avaient reçu des interprétations de la loi confuses et déraisonnables. Ils avaient ajouté tradition sur tradition; ils avaient entravé la liberté de penser et d'agir, jusqu'à ce que les commandements, les ordonnances et le service de Dieu fussent perdus dans une série interminable de rites et de cérémonies sans signification. Leur religion était un joug de servitude. Ils étaient tombés dans un tel esclavage qu'il leur était impossible de remplir les devòirs essentiels de la vie sans employer les gentils pour faire pour eux bien des choses nécessaires qu'il leur était défendu de faire, de crainte de se souiller. Ils vivaient dans une crainte continuelle de se souiller. L'occupation constante de ces choses avait borné leurs esprits et restreint le cercle de leur existence. VJC 109.2

Jésus commença l'œuvre de la réforme en s'unissant à l'humanité. Il était Juif, et il voulait laisser un modèle parfait de quelqu'un qui était Juif au dedans. Tout en censurant les pharisiens à cause de leur piété prétentieuse, et en essayant d'affranchir le peuple des charges déraisonnables qui lui avaient été imposées, il montrait la plus grande vénération pour la loi de Dieu, et il enseignait l'obéissance à ses préceptes. VJC 109.3

Jésus censurait l'intempérance, la sensualité et les folies; toutefois il était d'une nature sociable. Il acceptait des invitations à la table des savants et des nobles aussi bien qu'à celle des pauvres et des affligés. Dans ces occasions, sa conversation était d'une nature élevée et instructive, tenant ses auditeurs dans le ravissement. Il n'autorisait nullement la dissipation et la débauche; toutefois il aimait à voir le peuple jouir d'un plaisir innocent. Une noce chez les Juifs était une scène touchante et solennelle, et Jésus n'était point indifférent à la joie qui y était manifestée. Ce miracle était un fait qui avait pour but de renverser les préjugés des Juifs. Les disciples de Jésus en retirèrent une leçon de sympathie et d'humanité. Ses parents éprouvèrent un plus vif attachement pour lui, et ils l'accompagnèrent lorsque plus tard il alla à Capernaüm. VJC 109.4

En assistant à cette fête, Jésus sanctionna le mariage comme étant une institution divine, et pendant toute la période subséquente de son ministère, il honora l'alliance du mariage d'une manière toute spéciale, en s'en servant pour illustrer plusieurs vérités importantes. VJC 110.1

Ensuite Jésus commença à se présenter aux Nazaréens sous son vrai caractère. Il alla à Nazareth où il était connu comme humble ouvrier, et il entra dans une synagogue le jour du Sabbat.1 Selon la coutume, l'ancien lisait dans les prophètes et exhortait le peuple à continuer d'espérer en Celui qui devait venir, qui établirait son règne glorieux et mettrait fin à toute oppression. Il cherchait à animer la foi et le courage des Juifs en leur répétant les preuves de la prochaine venue du Messie; il s'arrêtait particulièrement sur le pouvoir royal et la majesté glorieuse qui accompagneraient son avénement. Il entretenait dans l'esprit de ses auditeurs l'idée que le Messie règnerait sur un trône terrestre à Jérusalem, et que son règne serait un règne temporel. Il leur enseignait que le Messie apparaîtrait à la tête de ses armées pour vaincre les païens et délivrer Israël de l'oppression de leurs ennemis. VJC 110.2

A la fin du service, Jésus se leva avec un calme rempli de dignité et demanda qu'on lui apportât le livre du prophète Esaïe. “Et ayant ouvert le livre, il trouva l'endroit où il était écrit: L'Esprit du Seigneur est sur moi, c'est pourquoi il m'a oint; il m'a envoyé pour annoncer l'évangile aux pauvres, pour guérir ceux qui ont le cœur brisé; pour publier la vérité aux captifs, et le recouvrement de la vue aux aveugles; pour renvoyer libres ceux qui sont dans l'oppression; et pour publier l année favorable du Seigneur. Et ayant replié le livre, et l'ayant rendu au ministre, il s'assit; et les yeux de tous ceux qui étaient dans la synagogue étaient arrêtés sur lui. Alors il commença à leur dire: Cette parole de l'Ecriture est accomplie aujourd'hui, et vous l'entendez. Tous lui rendaient témoignage, et admiraient les paroles pleines de grâce qui sortaient de sa bouche.” VJC 110.3

Tous ceux qui étaient là comprirent que la portion de l'Ecriture que Jésus venait de lire se rapportait au Messie qui devait venir, et à son œuvre. Et lorsque le Sauveur expliqua les paroles qu'il avait lues et qu'il désigna quel était l'office sacré du Messie, savoir: de soulager les opprimés, de délivrer les captifs, de guérir les malades, de rendre la vue aux aveugles, et de révéler au monde la lumière de la vérité, le peuple fut profondément ému par la sagesse et la puissance de ses paroles, et y répondit par de fervents amens et des louanges au Seigneur. Jésus n'avait pas été instruit à l'école des prophètes; toutefois les plus savants rabbins ne pouvaient parler avec plus de confiance et d'autorité que ce jeune Galiléen. VJC 111.1

Sa manière solennelle, la signification puissante de ses paroles et la lumière divine qui émanait de toute sa personne pénétrèrent les Juifs présents à cette occasion, d'une puissance qu'ils n'avaient point connue auparavant, mais qu'ils éprouvèrent lorsque Jésus se tint devant eux, interprète vivant des paroles du prophète le concernant. Mais lorsqu'il prononça ces paroles: “Cette parole de l'Ecriture est accomplie aujourd'hui, et vous l'entendez,” ses auditeurs se mirent à réfléchir et à se demander quel droit cet homme pouvait avoir au titre de Messie, honneur le plus grand auquel l'homme puisse parvenir. VJC 111.2

L'intérêt de l'assemblée avait été entièrement éveillé, et leurs cœurs avaient été remplis de joie, mais Satan était là pour suggérer des doutes, et de l'incrédulité, et ils se rappelèrent qui était celui qui s'adressait à eux comme à des aveugles ou à des captifs dans l'esclavage, ayant besoin d'aide spéciale. Un grand nombre de ceux qui étaient présents connaissaient parfaitement la vie humble de Jésus. Ils n'ignoraient pas qu'il était le fils d'un charpentier, et travaillait de son état avec Joseph son père. Il ne réclamait aucun titre de distinction ou de grandeur, et sa demeure était parmi les pauvres et les humbles de ce monde. VJC 111.3

Le Messie que les Juifs attendaient présentait un contraste frappant avec cet homme humble. Les Juifs croyaient qu'il viendrait avec honneur et gloire, et que par la puissance des armes, il établirait le trône de David. Et ils murmuraient en disant: Celui-ci ne peut pas être celui qui doit délivrer Israël. Celui-ci ne s'appelle-t-il pas Jésus? N'est-il pas le fils de Joseph, ne connaissons-nous pas son père et sa mère? VJC 112.1

Et ils refusèrent de croire en lui, à moins qu'il ne leur donnât quelque signe remarquable. Ils ouvrirent leurs cœurs à l'incrédulité, et les préjugés s'emparèrent de leurs esprits, et aveuglèrent leur jugement, de sorte qu'ils ne tinrent nul compte des preuves qu'ils avaient déjà reçues, lorsqu'ils avaient découvert avec joie et étonnement que c'était leur Rédempteur qui s'adressait à eux. VJC 112.2

Mais Jésus leur montra alors une marque de son caractère divin en manifestant les secrets de leurs cœurs. “Et il leur dit: Vous me direz sans doute ce proverbe: Médecin, guéris-toi toi-même; fais aussi ici, dans ta patrie, tout ce que nous avons ouï dire que tu as fait à Capernaüm. Mais il leur dit: Je vous dis en vérité que nul prophète n'est reçu dans sa patrie. Je vous dis en vérité qu'il y avait plusieurs veuves en Israël au temps d'Elie, lorsque le ciel fut fermé trois ans et six mois, tellement qu'il y eut une grande famine par tout le pays. Néanmoins Elie ne fut envoyé chez aucune d'elles, mais il fut envoyé chez une veuve de Sarepta, dans le pays de Sidon. Il y avait aussi plusieurs lépreux en Israël, au temps d'Elisée le prophète, toutefois aucun d'eux ne fut guéri; le seul Naaman qui était Syrien le fut.” VJC 112.3

Jésus lisait les pensées les plus secrètes de ceux qui étaient devant lui, et il prévenait leurs doutes par ce récit d'événements de la vie des prophètes. Ces hommes que Dieu avait choisis pour une œuvre spéciale et importante n'étaient pas envoyés pour travailler en faveur de ceux qui étaient incrédules et endurcis, mais ceux dont les cœurs étaient bien disposés pour croire étaient tout particulièrement favorisés des manifestations de la puissance de Dieu déployée par ses prophètes. VJC 112.4

Jésus se servit de l'apostasie d'Israël aux jours d'Elie pour illustrer le véritable état du peuple auquel il s'adressait. L'incrédulité et l'orgueil de l'ancienne nation juive fut la cause pour laquelle Dieu laissa de côté les veuves nombreuses d'Israël, les pauvres et les affligés de cette nation, pour trouver à son serviteur un asile dans la maison d'une femme païenne; mais celle qui fut ainsi favorisée avait vécu strictement selon la lumière qu'elle possédait. Dieu laissa aussi les nombreux lépreux d'Israël parce que leur incrédulité et leur abus des priviléges précieux dont ils jouissaient les plaçaient dans une position où Jésus ne pouvait manifester son pouvoir en leur faveur. D'un autre côté, un seigneur païen qui avait été fidèle à ses convictions du devoir, qui avait vécu à la hauteur de ses priviléges, mais qui sentait son grand besoin d'être aidé, et dont le cœur s'ouvrait pour recevoir les leçons de Christ, était aux yeux de Dieu plus digne de recevoir ses faveurs spéciales, et il fut nettoyé de sa lèpre, et de plus son esprit fut éclairé concernant les vérités divines. VJC 113.1

Ici Jésus enseigna une leçon importante qui devrait être reçue par tous ceux qui professent son nom jusqu'à la fin du temps. C'est celle-ci: Que les païens mêmes, qui vivent selon la lumière qu'ils possèdent, faisant le bien autant qu'ils peuvent distinguer le bien du mal, sont considérés par Dieu avec une plus grande faveur que ceux qui, possédant une grande lumière, font une haute profession de piété que leur vie journalière contredit complètement. C'est ainsi que Jésus se tenait devant les Juifs, leur révélant avec calme leurs pensées secrètes et leur présentant avec force la vérité amère de leur vie d'iniquité. VJC 113.2

Chaque parole de Jésus était comme une épée tranchante atteignant leurs vies corrompues et leur coupable incrédulité, et les mettant à nu devant leurs yeux. Ils renoncèrent alors à la foi et au respect que Jésus leur avait d'abord inspirés, et ils refusèrent de reconnaître que cet homme, d'une origine si pauvre et si humble, fût autre qu'un homme ordinaire. Ils ne voulaient reconnaître aucun roi qui ne fût accompagné de richesses et d'honneur, et qui ne se tînt à la tête d'imposantes légions. VJC 113.3

Leur incrédulité engendrait la malice. Satan gouvernait leurs esprits, et ils crièrent contre le Sauveur avec haine et colère. L'assemblée se dispersa, et de méchantes gens mirent les mains sur Jésus en le mettant hors de la synagogue et hors de leur ville, et ils l'auraient mis à mort s'ils avaient pu le faire. Tous paraissaient avoir soif de sa mort. Ils l'entraînèrent sur le bord d'un précipice abrupt dans l'intention de l'y précipiter. Des cris et des malédictions remplissaient l'air. Quelques personnes lui jetaient des pierres et de la boue, mais soudainement il disparut du milieu d'eux, sans qu'ils sussent quand ni comment. Des anges de Dieu accompagnèrent Jésus au milieu de cette populace furieuse, et le protégèrent. Les messagers célestes se tenaient à ses côtés dans la synagogue, tandis qu'il parlait, et ils l'accompagnèrent lorsqu'il était entouré et menacé par cette multitude furieuse de Juifs incrédules. Ces anges aveuglèrent les yeux de cette foule insensée, et conduisirent Jésus dans un lieu de sûreté. VJC 114.1