Tempérance Chrétienne

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CHAPITRE 1—PRINCIPES GÉNÉRAUX.

L'homme est sorti parfait des mains de son Créateur. Le fait qu'il subsiste encore après six mille ans de péché et de maladie témoigne assez haut de la force de résistance qu'il tient de sa merveilleuse création. Il fallut près de deux mille ans de dépravation générale avant que les résultats de la transgression des lois naturelles devinssent apparents. Si Adam n'avait pas eu plus de vigueur physique que les hommes de nos jours, il y a longtemps que l'humanité aurait disparu de la terre. TC 1.1

Depuis le déluge la dégénérescence de l'humanité va s'accentuant avec chaque génération. Les conséquences des fautes des parents se sont transmises aux enfants par hérédité, à tel point que ces pauvres petits êtres en souffrent déjà au berceau. TC 1.2

Il n'en a pas toujours été ainsi. Moïse, le premier historien, nous a laissé un tableau assez complet de la vie de famille chez les patriarches, mais nous n'apprenons nulle part qu'il soit né des enfants aveugles, sourds--muets, difformes ou idiots. Il n'est pas question non plus de nourrissons, d'enfants ou d'adolescents morts de mort naturelle. Voici ce que nous rapporte le registre des décès, dans la Genèse: «Tout le temps qu'Adam vécut, fut donc de neuf cent trente ans; puis il mourut»1 «Tout le temps que Seth vécut, fut de neuf cents douze ans; puis il mourut.» Et plus tard: «Puis Abraham expira et mourut dans une belle vieillesse, âgé et rassasié de jours».2 La mort d'un fils avant son père était chose si extraordinaire que le récit sacré en fait mention: «Et Haran mourut en présence de Taré son père».3 A peu d'exceptions près, les patriarches antédiluviens vécurent presque mille ans; dès lors la moyenne de l'âge va sans cesse diminuant. TC 2.1

Au temps de Christ déjà, la race humaine était si dégénérée que de toutes les villes on apportait au Sauveur des malades de tous âges, afin qu'il les guérît de leurs maladies ou infirmités. Un grand nombre de personnes gémissaient sous un poids indescriptible de misères morales et physiques. TC 2.2

L'humanité s'est tellement habituée à ce lamentable état de choses qu'elle en est venue à le considérer comme son lot naturel. Mais il n'est pas attribuable à la Providence divine; Dieu n'a pas créé l'homme faible et maladif. Cet état de choses est la conséquence des transgressions et des mauvaises habitudes de l'homme; car il a violé les lois naturelles que Dieu lui a données pour assurer son existence. Vivre dans la transgression des lois naturelles c'est violer la loi divine. Si les hommes avaient toujours obéi au décalogue, s'ils avaient conformé leur vie à ses principes, la malédiction de la maladie sous laquelle gémit le monde entier n'existerait pas. TC 3.1

«Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous et qui vous a été donné de Dieu, et que vous n'êtes point à vous-mêmes? Car vous avez été rachetés à un grand prix. Glorifiez donc Dieu en votre corps et en votre esprit, qui appartiennent à Dieu». 1Celui-là pèche contre Dieu qui, par sa manière de vivre, affaiblit ses forces et ses facultés; il ne le glorifie point dans son corps et dans son esprit qui sont à Dieu. Quoi que - l'humanité ait offensé Dieu de la sorte, le Créateur ne se détourne point d'elle; il éclaire, au contraire, les hommes sur la nécessité d'obéir aux lois qui régissent leur être pour jouir pleinement de la vie. Il est donc de toute importance que l'homme consacre ses forces et ses facultés à glorifier Dieu. TC 3.2

Nous vivons dans un monde qui est ennemi de la justice, de la pureté de caractère et de toute croissance en grâce. Nos regards ne rencontrent partout que souillure, corruption, dégénérescence et péché, c'est-à-dire l'opposé de l'œuvre qui doit s'accomplir en nous avant .que nous puissions recevoir le don de l'immortalité. Les élus de Dieu doivent sortir sans cache de cette corruption générale; leur corps et leurs esprits doivent être purifiés et sanctifiés. Nous devons pour cela nous placer avec une soumission complète sous l'action régénératrice du Saint-Esprit. TC 4.1

La grande œuvre qui consiste à préparer un peuple pour la venue du Seigneur comprend aussi la réforme hygiénique. Cette réforme est unie au troisième message comme le bras l'est au corps. Les hommes apprécient bien peu la loi des dix commandements; toutefois le Seigneur ne punira pas les transgresseurs de cette loi avant de leur avoir envoyé un message d'avertissement. Ceux qui s'abandonnent à leur goût dépravé et à leurs passions transgressent, non seulement les lois naturelles, mais avant tout la loi divine; c'est pourquoi Dieu nous apprend comment nous pouvons conserver ou améliorer notre santé. Il rend sa loi si claire et si évidente que tous les hommes raisonnables peuvent la comprendre, s'ils le veulent, et ils devront en rendre compte. Attirer l'attention des hommes sur ces lois naturelles, insister sur l'obéissance qui leur est due, voilà une œuvre inséparable du troisième message. TC 4.2

L'ignorance n'est plus une excuse pour le transgresseur de la loi. La lumière resplendit avec tant de clarté que tous peuvent être instruits, car c'est Dieu lui-même qui les enseigne. Les obligations les plus sacrées imposent à chacun le devoir de prendre garde à la lumière que Dieu répand sur la question de l'hygiène Ces vérités doivent être proclamées au monde afin qu'il en éprouve la valeur; car il est impossible que ceux qui s'abandonnent à leurs mauvaises habitudes et à leurs penchants puissent apprécier la vérité divine. Ceux qui se réforment, même dans des vues égoïstes, rendent néanmoins leurs cœurs plus accessibles à la vérité divine. D'un autre côté, ceux qui marchent déjà dans la vérité ne seront pas indifférents à l'égard de l'hygiène: ils verront et sentiront la nécessité de rompre avec le tyran du goût et des mauvaises habitudes en général, dont ils ont été les esclaves. Bien des personnes convaincues en leur esprit de la vérité divine la rejette néanmoins parce qu'elles ne veulent pas rompre avec leurs passions et leurs inclinations toujours plus exigeantes. Il en est qui tombent si bas que Dieu ne peut plus travailler pour eux ou avec eux; le courant de leurs pensées doit être détourné, leur sensibilité spirituelle réveillée, avant qu'ils puissent comprendre la volonté de Dieu à leur égard. TC 5.1

L'apôtre Paul exhorte l'Eglise en ces termes: «Je vous exhorte donc, mes frères, par les compassions de Dieu, que vous offriez vos corps en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu, ce qui est votre service raisonnable».1L'assouvissement des passions charnelles souille le corps et le rend impropre au culte en esprit. Celui qui apprécie les lumières que Dieu lui a données pour lui conserver la santé trouvera en elles un auxiliaire précieux dans l'œuvre de la sanctification; mais celui qui les rejette et persiste dans la violation des lois naturelles en subira les conséquences. Une fois son sens moral émoussé, détruit, comment pourrait-il jamais parvenir à la sanctification dans la crainte de Dieu? TC 6.1

L'homme a souillé ce corps qui doit être le temple du Saint-Esprit; Dieu l'invite à recouvrer cette virilité qu'il lui avait communiquée à l'origine. Seule la grâce divine peut convaincre et convertir le cœur; elle seule peut rompre les liens des esclaves de la coutume. L'homme qui continue de s'adonner à des habitudes qui lui ravissent sa vigueur physique, intellectuelle et morale, ne peut pas offrir son corps en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu. Mais l'apôtre ajoute: «Et ne vous conformez point au siècle présent, mais soyez transformés par le renouvellement de votre esprit, afin que vous éprouviez que la volonté de Dieu est bonne, agréable et parfaite».1 TC 6.2

Un jour que Jésus était assis avec ses disciples sur le Mont des Oliviers, il leur fait connaître les signes qui devaient précéder son retour. «Mais comme il en était aux jours de Noé, il en sera de même à l'avènement du Fils de l'homme, car comme dans les jours avant le déluge les hommes mangeaient et buvaient, se mariaient et donnaient en mariage, jusqu'à ce que Noé entra dans l'arche; et qu'ils ne pensèrent au déluge que lorsqu'il vint et qu'il les emporta tous; il en sera aussi de même à l'avènement du Fils de l'homme».2 TC 7.1

Les mêmes péchés qui ont attiré les jugements de Dieu sur les hommes aux jours de Noé règnent de nos jours. On mange et boit de telle manière que cela dégénère en gloutonnerie et en ivrognerie. C'est ce péché dominant, la satisfaction d'un goût perverti, qui enflamma les passions des contemporains de Noé et amena une corruption générale. La violence et le péché s'élevaient jusqu'aux nues, c'est pourquoi le déluge vint balayer cette souillure morale de la terre. Ces mêmes péchés de gloutonnerie et d'ivrognerie émoussèrent également le sens moral des habitants de Sodome, à un tel point que le crime faisait leurs délices. C'est pourquoi le Sauveur ajoute: «De même aussi, comme du temps de Lot, on mangeait, on buvait, on achetait, on vendait, on plantait et on bâtissait; mais le jour que Lot sortit de Sodome, il plut du ciel du feu et du soufre qui les fit tous périr. Il en sera de même au jour que. le Fils de l'homme paraîtra.» 1 TC 7.2

Le Seigneur nous donne ainsi un enseignement important; il nous avertit du danger que nous courons lorsque le manger et le boire deviennent notre grande préoccupation. Il nous enseigne que la gourmandise affaiblit les facultés morales, de sorte que le péché ne paraît plus si laid. Lorsque les passions gouvernent l'homme, elles ne tardent pas à étouffer en lui tout scrupule et tout bon sentiment, l'amenant ainsi à blasphémer contre son Créateur. Tels sont les résultats des excès de table; or c'est précisément cet état de choses qui existera sur la terre à la venue du Seigneur. TC 8.1

Dieu a placé devant l'homme un idéal plus élevé que le manger, le boire et le vêtement. On fait de telles extravagances dans ces choses que cela devient un crime; c'est le péché caractéristique des derniers jours. Le temps, l'argent, les forces que Dieu a confiés à l'homme sont consacrés au service de l'orgueil, de la gourmandise, de la parure aux dépens de la santé. Il nous est impossible d'offrir nos corps en sacrifice vivant à Dieu tant que nous persistons à les délabrer par nos excès. TC 9.1

Nous devons apprendre à manger, à boire et à nous vêtir de manière à demeurer en bonne santé. Si les maladies sont le résultat de la transgression des lois naturelles, notre premier devoir envers Dieu, envers nos semblables et envers nous-mêmes consiste à nous conformer à la loi divine dans laquelle ces lois naturelles sont comprises. Lorsque nous sommes malades, notre entourage en souffre avec nous, et nous sommes incapables de remplir notre tâche dans la famille et dans la société. S'il s'en suit une mort prématurée, nous plongeons nos familles dans la désolation, nous les privons de l'aide et du confort que nous aurions pu leur procurer, nous enlevons un membre utile à la société et nous privons Dieu des services qu'il était en droit d'attendre de nous pour l'avancement de son règne ici-bas. Ne sommes-nous pas alors transgresseurs de la loi de Dieu dans toute l'acception du terme? TC 9.2

Mais Dieu est plein d'une tendre compassion pour l'homme déchu; il accueille avec amour celui qui vient à lui après avoir gaspillé dans le péché les énergies de son être. Mais quel pauvre et pitoyable sacrifice que ce corps offert, même dans son meilleur état, au Dieu trois fois saint! Et quelle tendre miséricorde que celle qui ne refuse pas ce pauvre résidu de vie offert par un pécheur souffrant et repentant! Loué soit le Dieu qui sauve de telles âmes comme au travers du feu! TC 10.1

L'idée que se forgent certaines personnes que la piété est nuisible à la santé est un pur sophisme de Satan. La religion de la Bible ne nuit pas à la santé; l'Esprit de Dieu est, au contraire, le meilleur des remèdes; dans le ciel tout est santé. Plus le malade croyant se placera sous l'influence divine, plus sa guérison sera assurée. Les principes du véritable christianisme sont une source de bonheur indescriptible pour tous ceux qui les adoptent; car la religion est une source intarissable à laquelle le chrétien peut puiser à volonté. TC 10.2

Les relations qui existent entre l'esprit et le corps sont très intimes; l'un souffre-t-il? l'autre en est affecté. L'état de l'esprit se répercute sur la santé du corps. Une bonne conscience et la satisfaction d'avoir fait du bien à autrui rendent l'esprit heureux et joyeux; il en résulte une réaction salutaire qui produit un effet tonique sur tout le système. La bénédiction de Dieu possède une vertu guérissante; ceux qui consacrent leur existence au bien en feront l'expérience dans leur vie et dans leur cœur. TC 10.3

Lorsque les hommes se dégagent des liens des mauvaises habitudes et des pratiques vicieuses pour recevoir la vérité, celle-ci réveille leurs facultés morales un moment endormies. Leur intelligence se fortifie et devient plus claire qu'au temps où ils ne s'étaient pas encore placés sur le Rocher vivant. L'assurance de l'adoption en Christ améliore même leur santé physique. La bénédiction divine leur communique la force et la santé. TC 11.1

Ceux qui marchent dans la voie de la sagesse et de la sainteté trouveront que «la piété est utile à toutes choses, ayant les promesses de la vie présente et de celle qui est à venir».1 Ils jouiront véritablement de la vie et ne seront pas tourmentés par de vains regrets sur le mauvais emploi de leur temps, ou par cette sensation de vide que ressentent les mondains lorsque leurs plaisirs énervants leur font défaut. La piété n'est pas contraire à la santé: les deux marchent de pair. La crainte de Dieu est la source de tout bonheur véritable. TC 11.2