Jésus-Christ

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Chapitre 2 — Le peuple élu

Le peuple juif avait attendu la venue du Sauveur pendant plus de mille ans. Il avait fait reposer sur cet événement ses plus brillantes espérances. Le nom de ce Sauveur avait été enchâssé dans ses chants et ses prophéties, dans les rites du temple et dans les prières du foyer. Néanmoins, il ne le reconnut pas quand il se présenta à lui. Le Bien-aimé du ciel fut pour lui “comme un rejeton... qui sort d’une terre desséchée. Il n’avait ni beauté, ni éclat pour attirer” les regards. Il est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçu.1 JC 18.1

Pourtant Dieu avait choisi Israël. Il l’avait chargé de conserver parmi les hommes la connaissance de sa loi, ainsi que les symboles et les prophéties annonçant le Sauveur. Il voulait faire de lui une source de salut pour le monde. Ce qu’avait été Abraham dans le pays où il séjourna, ce que Joseph avait été en Egypte, et Daniel à la cour de Babylone, le peuple hébreu devait l’être au milieu des nations. Il lui incombait de faire connaître Dieu aux hommes. JC 18.2

Le Seigneur avait adressé un appel à Abraham en ces termes: “Je te bénirai, ... et tu seras une cause de bénédiction... et toutes les familles de la terre seront bénies en toi.”1 Le même enseignement fut renouvelé par les prophètes. Même après qu’Israël eut été dévasté par la guerre et la captivité, cette promesse lui était faite: “La partie survivante de Jacob sera, au milieu de nombreux peuples, comme une rosée qui vient de l’Eternel, comme les gouttes de pluie sur le gazon, lequel n’attend rien de l’homme et n’espère rien des enfants des hommes.”2 Le Seigneur déclarait par Esaïe, au sujet du temple de Jérusalem: “Ma maison sera appelée la maison de prière de tous les peuples.”3 JC 18.3

Cependant les Israélites fixèrent leurs espoirs sur des grandeurs mondaines. Dès leur entrée au pays de Canaan ils abandonnèrent les commandements de Dieu pour suivre les voies des païens. Dieu leur envoya des avertissements par ses prophètes: en pure perte. Les souffrances que leur infligèrent les païens qui les opprimaient furent vaines. Chaque tentative de réforme était bientôt suivie d’une apostasie plus complète. JC 19.1

Si Israël avait été fidèle à son Dieu, il eût pu accomplir le dessein divin dans l’honneur et la gloire. S’il avait marché dans la voie de l’obéissance, Dieu lui eût donné “la prééminence en gloire, en renom et en splendeur”, “sur toutes les nations qu’il a créées”. Moïse avait prédit: “Tous les peuples de la terre verront que le nom de l’Eternel est invoqué sur toi et ils te craindront.” Les peuples qui entendraient parler de toutes ses lois diraient: “Cette grande nation est le seul peuple sage et intelligent.”4 Leurs infidélités firent que le dessein de Dieu ne put se réaliser qu’à travers des adversités et des humiliations continuelles. JC 19.2

Ils furent assujettis à Babylone et dispersés à travers les pays païens. L’affliction en amena quelques-uns à renouveler leur alliance avec Dieu. Alors que, leurs harpes suspendues aux saules, ils pleuraient sur les ruines du saint temple, la lumière de la vérité brillait grâce à eux et la connaissance du vrai Dieu se répandait parmi les nations. Les rituels des sacrifices païens étaient une perversion de celui que Dieu avait établi; nombre d’observateurs sincères des rites païens apprirent des Hébreux la signification du service divin et saisirent par la foi la promesse du Rédempteur. JC 19.3

Beaucoup d’exilés subirent la persécution. Un assez grand nombre perdit la vie pour avoir refusé de transgresser le sabbat et de célébrer les fêtes païennes. Tandis que des idolâtres tentaient d’écraser la vérité, le Seigneur plaçait ses serviteurs en présence de rois et de gouverneurs, leur offrant la possibilité de recevoir, avec leur peuple, la lumière. A plusieurs reprises les plus grands monarques durent proclamer la suprématie du Dieu servi par leurs captifs hébreux. JC 19.4

La captivité babylonienne eut pour effet de guérir complètement les Israélites du culte des images. Au cours des siècles suivants ils furent opprimés par des ennemis païens, si bien que la conviction s’établit en eux que leur prospérité dépendait de l’obéissance à la loi de Dieu. Chez un trop grand nombre, toutefois, l’obéissance n’avait pas l’amour pour mobile. Leur motif était égoïste. Ils rendaient à Dieu un service extérieur en vue d’obtenir la grandeur nationale. Au lieu d’être la lumière du monde, ils s’excluaient du monde pour échapper à la tentation de l’idolâtrie. Moïse avait donné des instructions par lesquelles Dieu limitait leurs rapports avec les idolâtres; mais cet enseignement donna lieu à de fausses interprétations. Le but était de les empêcher de se conformer aux usages des païens. Mais on s’en servit pour dresser un mur de séparation entre Israël et les autres nations. Les Juifs considéraient Jérusalem comme leur paradis et ils veillaient jalousement à priver les Gentils des grâces du Seigneur. JC 20.1

De retour de Babylone, on voua une grande attention à l’instruction religieuse. Des synagogues furent construites dans toutes les parties de la contrée; la loi y était exposée par des prêtres et des scribes. Des écoles furent établies; outre les arts et les sciences on y enseignait les principes de la justice. Mais ces institutions se corrompirent. Pendant la captivité, bien des personnes avaient subi l’influence des idées et des coutumes païennes, et cela fut introduit dans le service religieux. On se conforma à bien des égards aux usages des idolâtres. JC 20.2

En s’éloignant de Dieu les Juifs perdirent presque complètement de vue l’enseignement que recélait le service rituel, service que le Christ lui-même avait institué. Dans toutes ses parties ce service était un symbole se rapportant au Christ; à l’origine, il était plein de vitalité et de beauté spirituelle. Mais les Juifs perdirent la vie spirituelle, tout en retenant leurs cérémonies comme des choses mortes. Ils plaçaient leur confiance dans les sacrifices et les ordonnances plutôt que de s’appuyer sur celui que ces choses annonçaient. Pour suppléer à ce qu’ils avaient perdu, les prêtres et les rabbins multiplièrent leurs propres exigences; plus ils devenaient rigides, moins ils faisaient place à l’amour de Dieu. Ils mesuraient le degré de leur sainteté par la multitude de leurs cérémonies alors que leurs cœurs étaient remplis d’orgueil et d’hypocrisie. JC 20.3

Avec leurs prescriptions détaillées et accablantes, l’observation de la loi devenait impossible. Ceux qui désiraient servir Dieu et qui s’efforçaient en même temps d’observer les préceptes rabbiniques peinaient sous un lourd fardeau. Leur conscience troublée ne leur laissait aucun repos. Par ce moyen Satan s’efforçait de décourager le peuple, de donner une fausse conception du caractère de Dieu et de jeter le mépris sur la foi d’Israël. Il espérait fournir la preuve de ce qu’il avait prétendu quand il s’était révolté dans le ciel: que les exigences divines sont injustes et inacceptables. Il affirmait qu’Israël lui-même n’observait pas la loi. JC 21.1

Les Juifs désiraient la venue du Messie, mais n’avaient pas une juste conception de sa mission. Ils cherchaient à être délivrés du joug des Romains plutôt que d’être délivrés de leurs péchés. Ils attendaient un Messie conquérant, qui briserait le pouvoir de l’oppresseur et conférerait à Israël une domination universelle. Ils étaient ainsi tout prêts à rejeter le Sauveur. JC 21.2

Au moment de la naissance du Christ, la nation piaffait d’impatience sous l’autorité de ses maîtres étrangers; elle était travaillée par des luttes intérieures. On avait permis aux Juifs de maintenir une certaine autonomie, mais rien ne leur faisait oublier qu’ils étaient soumis au joug romain, et il leur était difficile d’accepter les limitations apportées à leur puissance. Les Romains s’attribuaient le droit de désigner et de déposer leur souverain sacrificateur, et souvent cet office s’obtenait par la fraude, la corruption, voire par le meurtre. Le sacerdoce devenait de plus en plus corrompu. Néanmoins les prêtres conservaient un pouvoir étendu et s’en servaient pour des fins égoïstes et mercenaires. Le peuple était pressuré impitoyablement par eux et soumis à de lourdes taxes par les Romains. D’où un mécontentement général. Il se produisait de fréquentes émeutes. L’avidité et la violence, la méfiance et l’apathie spirituelle s’attaquaient au cœur même de la nation. JC 21.3

Par haine des Romains, par orgueil national et spirituel, les Juifs s’attachèrent fermement à leurs formes de culte. Les prêtres essayaient de s’assurer une réputation de sainteté en donnant une attention scrupuleuse aux cérémonies religieuses. Le peuple, maintenu dans l’ignorance et l’oppression, et ses chefs avides de pouvoir soupiraient après la venue de celui qui devait vaincre leurs ennemis et restaurer le royaume d’Israël. Ils avaient étudié les prophéties sans en discerner le sens spirituel. Ils négligèrent par conséquent les passages de l’Ecriture décrivant l’humiliation du Christ à sa première venue et appliquèrent mal à propos ceux qui se rapportaient à la gloire de sa seconde venue. Leur vue fut obscurcie par l’orgueil. Les prophéties furent interprétées en accord avec leurs désirs égoïstes. JC 22.1