Jésus-Christ

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Chapitre 20 — Si vous ne voyez des miracles

Ce chapitre est basé sur Jean 4:43-54.

De retour de la Pâque, les Galiléens racontèrent les œuvres merveilleuses de Jésus. La condamnation prononcée sur ses actes par les dignitaires de Jérusalem ouvrit la voie devant lui en Galilée. C’est qu’en effet les abus commis dans le temple étaient déplorés par plusieurs, ainsi que l’avarice et l’arrogance des prêtres. On espérait que cet homme qui avait mis les chefs en fuite serait le Libérateur attendu. Des nouvelles arrivèrent qui paraissaient confirmer ces brillants espoirs. On entendit dire que le prophète s’était annoncé comme étant le Messie. JC 178.1

Les habitants de Nazareth, toutefois, ne croyaient pas en lui. Raison pour laquelle Jésus ne visita pas Nazareth en se rendant à Cana. Comme le Sauveur l’a dit à ses disciples, aucun prophète n’est honoré dans son pays. Les hommes estiment un caractère selon ce qu’ils sont eux-mêmes capables d’apprécier. Les esprits étroits et charnels jugeaient le Christ selon son humble naissance, son apparence modeste, ses travaux quotidiens. Ils étaient incapables d’apprécier la pureté d’un esprit exempt de toute souillure. JC 178.2

La nouvelle du retour du Christ à Cana se répandit rapidement à travers la Galilée, faisant naître l’espoir chez ceux qui étaient souffrants et en détresse. A Capernaüm, un Juif de famille noble, officier du roi, avait un fils atteint d’une maladie apparemment incurable, condamné par les médecins. Le père, ayant entendu parler de Jésus, décida d’aller lui demander secours. L’enfant était si malade que l’on craignait qu’il ne pût vivre jusqu’à son retour; néanmoins l’officier pensa qu’il devait lui-même se présenter à Jésus, espérant que le grand Médecin se laisserait toucher par les prières d’un père. JC 178.3

En arrivant à Cana il trouva Jésus entouré de la foule. Anxieux, il se fraya un passage jusqu’en la présence du Sauveur. Sa foi eut une défaillance. Il douta que cet homme simplement vêtu, couvert de poussière, portant les traces de la fatigue du voyage, fût capable de lui donner ce qu’il venait chercher; toutefois il obtint la faveur d’un entretien, il exposa au Sauveur le but de sa mission, le supplia de l’accompagner chez lui. Mais Jésus connaissait déjà sa douleur. Il avait vu l’affliction de l’officier, avant même que celui-ci quittât sa demeure. Il savait aussi, cependant, que ce père, subordonnant sa foi en Jésus à certaines conditions, n’était disposé à le reconnaître, en qualité de Messie, que s’il lui accordait l’objet de sa requête. Tandis que l’officier attendait avec la plus vive anxiété, Jésus lui dit: “Si vous ne voyez des miracles et des prodiges, vous ne croirez donc point!” JC 179.1

Bien que Jésus eût démontré sa messianité, le solliciteur était décidé à faire dépendre sa foi en lui de l’exaucement de sa requête. Le Sauveur mit en contraste ce doute avec la foi simple des Samaritains qui n’avaient demandé ni miracle ni signe. Sa parole, la démonstration permanente qui se dégageait de sa divinité avaient suffi pour porter la conviction dans leurs cœurs. Le Christ voyait avec douleur que son propre peuple, à qui les oracles sacrés avaient été confiés, ne savait pas reconnaître la voix de Dieu s’adressant à lui par son Fils. JC 179.2

Cependant l’officier n’était pas entièrement dépourvu de foi, puisqu’il était venu demander ce qui lui semblait être le bienfait le plus précieux. Jésus pouvait lui offrir un don plus riche. Il désirait non seulement guérir l’enfant, mais faire participer aux bénédictions du salut l’officier et les membres de sa famille, et allumer ainsi une lumière à Capernaüm, son prochain champ d’activité. Avant de désirer la grâce du Christ, cependant, l’officier devait devenir conscient de son besoin. Ce courtisan ressemblait à beaucoup de ses concitoyens qui étaient attirés vers Jésus par des mobiles égoïstes. Ils s’attendaient à profiter de sa puissance et ne consentaient à croire que si leurs demandes d’ordre temporel leur étaient accordées; ils ignoraient leurs maladies spirituelles et ne comprenaient pas qu’ils avaient besoin de la grâce divine. JC 179.3

Les paroles du Sauveur projetèrent un faisceau de lumière dans le cœur de l’officier. Il comprit que sa recherche de Jésus avait un mobile égoïste, et, sentant sa foi vacillante, il se demanda avec inquiétude si son doute n’allait pas coûter la vie à son fils. Il se rendait compte que Jésus lisait ses pensées, et que tout lui était possible. Alors étreint par l’angoisse, il supplia: “Seigneur, descends avant que mon petit enfant ne meure.” Comme Jacob, qui, luttant avec l’ange, s’était écrié: “Je ne te laisserai point aller que tu ne m’aies béni”,1 il saisit le Christ par la foi. JC 180.1

Ainsi que Jacob, il eut la victoire. Le Sauveur ne peut se détourner d’une âme qui, faisant valoir son grand besoin, se cramponne à lui. “Va, dit-il; ton fils vit.” L’officier se retira jouissant d’une paix et d’une joie inconnues auparavant. Non seulement il était convaincu que son fils serait guéri, mais il mettait toute sa confiance en Christ en tant que Rédempteur. JC 180.2

A cette heure même, ceux qui veillaient l’enfant, dans sa maison à Capernaüm, remarquèrent soudain un changement mystérieux. Les ombres de la mort s’effacèrent sur le visage du malade. Le regard éteint se ralluma, le corps faible et amaigri retrouva sa force. Sa chair brûlante était redevenue douce au toucher, la fièvre l’avait quitté, précisément au moment le plus chaud de la journée. Aucun symptôme de maladie ne subsistait chez l’enfant, qui s’endormit paisiblement. La famille, émerveillée, était plongée dans l’allégresse. JC 180.3

La distance qui séparait Cana de Capernaüm eût permis à l’officier de rejoindre sa maison le soir même du jour où il avait rencontré Jésus; mais il ne se hâta pas de rentrer; ce n’est que le lendemain matin qu’il arriva à Capernaüm. Quel retour! C’est avec un cœur chargé d’angoisse qu’il s’était mis à la recherche de Jésus. Il souffrait de la clarté du soleil, du chant des oiseaux. Combien maintenant ses impressions sont différentes! La nature revêt à ses yeux un aspect nouveau. Il voit toutes choses avec d’autres yeux. Au cours de son voyage, dans les heures tranquilles du matin, toute la nature semble se joindre à lui pour louer Dieu. Comme il se trouve encore à quelque distance de sa demeure, des serviteurs, dans l’intention de mettre fin à l’anxiété qu’ils supposent, viennent à sa rencontre. Il ne montre aucune surprise et demande avec une curiosité qui leur paraît étrange à quelle heure l’enfant s’est trouvé mieux. Ils répondent: “Hier, à la septième heure, la fièvre l’a quitté.” Au moment même où la foi du père avait saisi la promesse: “Ton fils vit”, l’amour divin avait touché l’enfant mourant. JC 180.4

Le père s’empresse auprès de son fils. Il le serre sur son cœur comme un ressuscité, et ne se lasse pas de remercier Dieu pour cette guérison merveilleuse. Cet officier désirait mieux connaître le Christ. Ayant eu, plus tard, l’occasion d’entendre ses enseignements, il se rangea parmi les disciples, avec tous les siens. L’épreuve avait eu pour effet la conversion de la famille entière. La nouvelle de ce miracle se répandit; à Capernaüm, où tant de prodiges furent accomplis, le chemin était préparé en vue du ministère personnel du Christ. JC 181.1

Celui qui fit descendre sa bénédiction sur l’officier de Capernaüm est aussi désireux qu’alors de nous l’accorder aujourd’hui; mais souvent, comme dans le cas de ce père affligé, notre désir de quelque bienfait terrestre est le mobile qui nous pousse à chercher Jésus, et nous faisons dépendre notre confiance en son amour de l’exaucement de notre prière. Le Sauveur désire nous conférer une bénédiction plus importante que celle que nous lui demandons, et il diffère sa réponse afin de nous révéler la méchanceté de notre cœur et notre grand besoin de sa grâce. Il désire que nous renoncions à l’égoïsme qui nous incite à le chercher. Notre devoir consiste à faire confiance à son amour et à confesser notre incapacité et notre dépendance à son égard. JC 181.2

L’officier avait voulu, avant de croire, voir l’exaucement de sa prière; mais il dut accepter la parole de Jésus pour que sa requête fût entendue et le bienfait octroyé. Nous avons besoin d’apprendre la même leçon. Nous ne devons pas attendre, pour croire, de voir ou de sentir que Dieu nous entend. Il faut nous confier en ses promesses. Le cœur de Dieu accueille toutes nos supplications quand nous nous approchons de lui, avec foi. Quand nous avons demandé un bienfait, nous devons croire que nous le recevons et remercier Dieu comme si déjà nous l’avions en notre possession. Vaquons ensuite à nos occupations, assurés que la bénédiction demandée sera réalisée au moment le plus opportun. Quand nous aurons appris à agir ainsi, nous saurons que nos prières sont exaucées. Dieu fera pour nous “infiniment au-delà de tout ce que nous demandons ou pensons”, “selon la richesse de sa gloire”, selon “la grandeur surabondante de sa puissance”.2 JC 181.3