Jésus-Christ

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Chapitre 13 — La victoire

Ce chapitre est basé sur Matthieu 4:5-11; Marc 1:12, 13; Luc 4:1-13.

“Le diable le transporta dans la ville sainte, le plaça sur la terrasse du temple et lui dit: Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas; car il est écrit: Il donnera pour toi des ordres à ses anges; et ils te porteront sur les mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre.” JC 107.1

Satan croit se placer maintenant sur le terrain de Jésus. L’ennemi, plein de ruse, propose à son tour des paroles émanant de la bouche de Dieu. Il continue à se montrer comme un ange de lumière et donne des preuves de sa connaissance des Ecritures et de l’intelligence qu’il en a. Jésus s’est servi de la Parole de Dieu pour soutenir sa foi, le tentateur s’en sert pour couvrir ses séductions. Il feint d’avoir voulu mettre à l’épreuve la fidélité de Jésus et loue sa fermeté. Puisque le Sauveur a manifesté sa confiance en Dieu, Satan veut un nouveau témoignage de sa foi. JC 107.2

Il insinuera encore un doute comme préface à la tentation: “Si tu es Fils de Dieu.” Le Christ est tenté de répondre à ce “si”; il se garde pourtant de donner la moindre prise au doute. Il ne veut pas mettre sa vie en péril pour fournir une preuve à Satan. JC 107.3

Le tentateur pensait ainsi pouvoir tirer avantage de l’humanité du Christ, et le faire tomber dans la présomption. Mais, si Satan peut solliciter au péché, il ne peut nous y contraindre. Il dit à Jésus: “Jette-toi en bas”, sachant bien qu’il ne peut pas le jeter en bas lui-même; car Dieu interviendrait pour le délivrer. Satan ne peut pas non plus forcer Jésus à se jeter en bas. Le Christ ne serait vaincu qu’en donnant son assentiment à la tentation. Toute la puissance de la terre ou de l’enfer ne pourrait le forcer à se départir au moindre degré de la volonté de son Père. JC 107.4

Le tentateur ne peut jamais nous contraindre à faire le mal. Il ne peut dominer notre esprit que si nous cédons à son influence. Pour que Satan puisse exercer sa puissance sur nous, il faut que notre volonté y consente, et que notre foi cesse de s’attacher au Christ. Cependant tout désir coupable, entretenu par nous, lui fournit un point d’appui. Tout point, sur lequel nous ne réussissons pas à atteindre à l’idéal divin, lui ouvre une porte par laquelle il s’empressera d’entrer pour nous tenter et nous détruire. Et toutes nos chutes, toutes nos défaites lui fournissent l’occasion de jeter de l’opprobre sur le Christ. JC 108.1

En citant la promesse: “Il donnera pour toi des ordres à ses anges”, Satan omit les mots: “de te garder dans toutes tes voies”, ce qui veut dire dans toutes les voies que Dieu nous a tracées. Jésus refusa de sortir du sentier de l’obéissance. Tout en faisant preuve d’une parfaite confiance en son Père, il ne voulait pas se placer, de son propre chef, dans une position qui obligerait son Père à intervenir pour le sauver de la mort. Il ne voulait pas, en obligeant la Providence à venir à son aide, négliger de donner à l’homme un exemple de confiance et de soumission. JC 108.2

Jésus déclara à Satan: “D’autre part il est écrit: Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu.” Moïse avait adressé ces paroles aux enfants d’Israël quand, altérés, au désert, ils avaient réclamé de l’eau, en s’écriant: “L’Eternel est-il au milieu de nous, ou n’y est-il pas?”1 Dieu avait opéré en leur faveur des choses merveilleuses; mais dans leur détresse ils doutèrent de lui, et voulurent une preuve qu’il était avec eux. Dans leur incrédulité ils voulurent le mettre à l’épreuve. Satan conseillait au Christ de faire la même chose. Dieu avait déjà attesté que Jésus était son Fils; exiger une nouvelle preuve de sa filialité divine, c’eût été mettre la parole de Dieu à l’épreuve, tenter Dieu. Ce serait la même chose si l’on demandait ce que Dieu n’a pas promis. Ce serait manifester de la méfiance. Nous ne devrions pas présenter à Dieu nos requêtes afin de le mettre à l’épreuve, pour voir s’il accomplira sa parole, mais parce que nous avons la certitude qu’il l’accomplira; non pas pour avoir la preuve qu’il nous aime, mais parce que nous l’avons déjà. “Sans la foi, il est impossible de lui plaire; celui qui s’approche de Dieu doit croire qu’il existe et qu’il se fait le rémunérateur de ceux qui le cherchent.”2 JC 108.3

La foi ne peut être l’alliée de la présomption. Celui-là seul qui a la vraie foi est à l’abri de la présomption. Car celle-ci est la contrefaçon diabolique de la foi. La foi revendique les promesses divines, et produit des fruits d’obéissance. La présomption revendique elle aussi des promesses, mais elle s’en sert, comme Satan, pour justifier le péché. La foi aurait conduit nos premiers parents à se confier en l’amour de Dieu, à obéir à ses commandements. La présomption les amena à transgresser sa loi, pensant que son grand amour les préserverait des conséquences de leur péché. Ce n’est pas la foi qui implore la faveur du ciel sans remplir les conditions auxquelles est subordonné le don de la grâce. Une foi authentique a son fondement dans les promesses et les dispositions de l’Ecriture. JC 109.1

Souvent, lorsque Satan n’a pas réussi à provoquer notre défiance, il nous fait tomber dans la présomption. S’il obtient que nous nous placions, sans nécessité, sur le chemin de la tentation, il tient la victoire. Dieu gardera tous ceux qui marchent dans le sentier de l’obéissance; s’en éloigner, c’est s’aventurer sur le terrain de Satan. Ici, nous sommes sûrs de tomber. Le Sauveur nous a adressé cette exhortation: “Veillez et priez, afin de ne pas entrer en tentation.”3 La méditation et la prière peuvent nous empêcher de nous précipiter, de nous-mêmes, sur la voie du danger, et nous éviter ainsi bien des défaites. JC 109.2

Il ne faut cependant pas perdre courage quand la tentation nous assaille. Souvent, lorsque nous nous trouvons dans une situation difficile, nous doutons que l’Esprit de Dieu nous ait conduits. Ce fut pourtant l’Esprit qui poussa Jésus au désert pour y être tenté par Satan. Quand Dieu nous met à l’épreuve, il a pour but notre bien. Jésus n’a pas présumé des promesses divines en s’exposant de son propre chef à la tentation, et il ne s’est pas non plus laissé glisser dans le découragement quand celle-ci survint. Imitons-le. “Dieu est fidèle et ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces; mais avec la tentation, il donnera aussi le moyen d’en sortir, pour que vous puissiez la supporter.” Il dit: “Pour sacrifice, offre à Dieu tes louanges et accomplis tes vœux envers le Très-Haut! Puis, invoque-moi au jour de ta détresse: Je te délivrerai et tu me glorifieras.”4 JC 109.3

Jésus a eu la victoire dans la seconde tentation: Satan révèle alors son véritable caractère. Il ne paraît cependant pas sous la forme d’un monstre hideux, ayant le pied fourchu et des ailes de chauve-souris. Quoique tombé, il est un ange puissant. Il se donne comme le chef de la rébellion et le dieu de ce monde. JC 110.1

Ayant placé Jésus sur une haute montagne, Satan fait passer devant lui, comme en un panorama, les royaumes de ce monde avec toute leur gloire. Le soleil brille sur des villes aux temples magnifiques, sur des palais de marbre, des champs fertiles et des vignes chargées de fruits. Les traces du mal sont cachées. Les yeux de Jésus, qui, tout à l’heure, ne voyaient qu’horreur et désolation, contemplent maintenant une scène incomparable de charme et de prospérité. Alors se fait entendre la voix du tentateur: “Je te donnerai tout ce pouvoir, et la gloire de ces royaumes; car elle m’a été remise, et je la donne à qui je veux. Si donc tu te prosternes devant moi, elle sera toute à toi.” JC 110.2

Ce n’est que par la souffrance que le Christ peut accomplir sa mission. Une vie de douleurs, de peines et de luttes s’offre à lui, couronnée par une mort ignominieuse. Il faut qu’il porte les péchés du monde entier. Il doit accepter d’être séparé de l’amour de son Père. Et voici que le tentateur fait hommage à Jésus du pouvoir qu’il a usurpé. Le Christ peut échapper à un effroyable avenir en reconnaissant la suprématie de Satan. Mais agir ainsi c’est renoncer à la victoire, dans le grand conflit. En essayant de s’élever au-dessus du Fils de Dieu, Satan a péché, dans le ciel. S’il réussit maintenant, c’est le triomphe de la rébellion. JC 110.3

En disant au Christ que la royauté et la gloire du monde lui ont été données et qu’il est libre d’en disposer, Satan affirme une chose qui n’est vraie qu’en partie, et son but est de tromper. La domination que Satan exerce, il l’a arrachée à Adam; or Adam n’était que le fondé de pouvoir du Créateur. Il n’était pas un roi indépendant. La terre appartient à Dieu, et Dieu a remis toutes choses entre les mains de son Fils. Adam était appelé à régner sous les ordres du Christ. Quand Adam eut livré à Satan sa souveraineté, le Christ demeura le roi légitime. C’est pour cela que Dieu dit au roi Nébucadnetsar: “Le Très-Haut domine sur la royauté des hommes; ... il la donne à qui il veut.”5 Satan ne peut exercer le pouvoir qu’il a usurpé qu’en tant que Dieu le lui permet. JC 110.4

En offrant au Christ la royauté et la gloire de ce monde, Satan se propose de l’amener à renoncer à ses droits souverains pour ne régner que sous ses ordres. C’est là une domination semblable à celle qu’espéraient les Juifs. Leur ambition était de régner sur le monde. Si le Christ avait consenti à leur donner un tel royaume, ils l’eussent accueilli avec transports. Mais la malédiction du péché, avec tous les malheurs qui en sont la conséquence, pèse sur ce monde. Aussi le Christ dit-il au tentateur: “Retire-toi, Satan! Car il est écrit: Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et à lui seul tu rendras un culte.” JC 111.1

Les royaumes de ce monde furent offerts au Christ, par celui qui s’était révolté dans le ciel, en échange d’un hommage aux principes du mal. Mais Jésus ne se laissa pas séduire. Il était venu établir un royaume de justice et ne voulait pas renoncer à son dessein. Satan soumet les hommes à la même tentation, mais avec beaucoup plus de succès. Il leur offre les royaumes de ce monde à condition qu’ils reconnaissent sa souveraineté. Il exige d’eux qu’ils se livrent à l’égoïsme, qu’ils répudient l’intégrité et méconnaissent les droits de la conscience. Le Christ les exhorte à rechercher premièrement le royaume de Dieu et sa justice; mais Satan se tient à leurs côtés et murmure à leur oreille: “Quoi qu’il en soit de la vie éternelle, pour réussir en ce monde, il vous faut me servir. Votre bonheur est entre mes mains. Je puis vous donner richesses, plaisirs, honneurs et félicité. Ecoutez mes conseils. Ne vous laissez pas entraîner par des idées fantaisistes d’honnêteté et de renoncement. Je vous ouvrirai le chemin.” C’est ainsi que des foules sont séduites. Elles consentent à vivre au service du moi, et Satan est satisfait. Tandis qu’il les attire par l’espérance d’une domination mondaine, il obtient l’empire sur leur âme. Mais il leur offre ce dont il n’est pas le maître, ce qui bientôt lui sera arraché. En revanche, il les prive de leur titre à l’héritage des fils de Dieu. JC 111.2

En parlant à Jésus, Satan avait mis en doute sa qualité de Fils de Dieu. La manière énergique dont il reçut son congé lui donna une preuve qu’il ne pouvait récuser. La divinité resplendit à travers l’humanité souffrante. Satan n’eut pas le pouvoir de résister à ce commandement. Convulsionné par la honte et la rage, il dut se retirer de la présence du Rédempteur. La victoire du Christ était aussi complète que l’avait été la défaite d’Adam. JC 112.1

Nous pouvons de même résister à la tentation, et obliger Satan à s’éloigner de nous. Jésus a remporté la victoire par la soumission et la foi en Dieu, et il nous fait dire par un apôtre: “Soumettez-vous donc à Dieu; résistez au diable, et il fuira loin de vous. Approchez-vous de Dieu, et il s’approchera de vous.”6 Nous ne pouvons échapper par nous-mêmes au pouvoir du tentateur; il a vaincu l’humanité, et si nous essayons de nous défendre par nos propres forces, nous devenons la proie de ses artifices; mais “le nom de l’Eternel est une forteresse; le juste s’y réfugie et y trouve une haute retraite”.7 Satan tremble et fuit devant l’âme la plus faible quand elle cherche un refuge sous ce nom tout puissant. JC 112.2

Après le départ de l’ennemi, Jésus, blême, tomba exténué sur le sol. Les anges du ciel avaient surveillé la lutte, vu comment leur chef bien-aimé endurait des souffrances indicibles, pour obtenir notre délivrance, supportant une épreuve plus grande que toutes celles auxquelles nous serons jamais exposés. Les anges accoururent et servirent le Fils de Dieu, qui paraissait sur le point d’expirer. Ils le fortifièrent par des aliments, le réconfortèrent par le message de l’amour de son Père, par l’assurance que le ciel tout entier participait à son triomphe. Jésus ayant repris ses sens, son grand cœur se remplit à nouveau de sympathie pour l’homme, et il s’apprête à poursuivre l’œuvre commencée; il ne cessera pas qu’il n’ait vaincu l’ennemi et racheté l’humanité. JC 112.3

Le prix de notre rédemption ne sera estimé à sa juste valeur que lorsque les rachetés se tiendront avec le Rédempteur devant le trône de Dieu. Alors que nos sens ravis seront frappés par les gloires de notre éternelle demeure, nous nous souviendrons que Jésus a quitté tout cela pour nous, qu’il s’exila des parvis célestes; plus que cela, qu’il prit le risque d’un échec et d’une perte éternelle. Alors nous jetterons nos couronnes à ses pieds et entonnerons le cantique: “L’Agneau qui a été égorgé est digne de recevoir puissance, richesse, sagesse, force, honneur, gloire et louange.”8 JC 113.1